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Art. 3

SALAIRES

Prêts consentis par l'Etat aux organismes d'habitation à bon marché. - Caution d'un département ou d'une commune. - Inscription à la requête de la caution de l'hypothèque légale instituée par l'Art. 8 de la loi du 27 juillet 1934. - Liquidation du salaire.

- Sol. 19 juillet 1949-

Le Ministère de la Reconstruction et de l'urbanisme a posé à la Direction Générale la question de savoir dans quelles conditions, sous l'empire des décrets des 20 décembre 1945 (B.A. 15 janvier 1946, p. 6) et 29 octobre 1948 (B.A. 1948-1I-334), les conservateurs doivent percevoir leurs salaires à l'occasion de l'inscription de l'hypothèque légale conférée aux départements et aux communes par l'Art. 8 de la loi du 27 juillet 1934.

L'Administration a répondu à, cette question de la manière suivante: Aux termes de l'Art. premier des décrets précités, les salaires des Conservateurs sont fixés pour l'inscription de chaque droit d'hypothèque sur les sommes ou valeurs énoncées au bordereau, c'est-à-dire sur l'importance des droits garantis.

Or, le bordereau d'inscription doit, aux termes de l'Art. 2148, 4° du Code Civil, mentionner:

- soit le montant de la créance (qu'elle soit certaine ou éventuelle), si celle-ci est déterminée ;

- soit l'évaluation du droit garanti, sauf dispense légale (art. 2153, 3°, C. Civ.), si la créance est indéterminée (qu'elle soit également certaine ou éventuelle).

Le salaire proportionnel est liquidé, suivant le cas, sur le montant de la créance ou sur son évaluation.

Mais même lorsque les parties sont légalement dispensées (art. 2153 C. Civ.) d'évaluer dans le bordereau une créance indéterminée, elles restent néanmoins tenues d'en fournir, mais seulement pour la perception des salaires, une estimation, en vertu de la disposition nouvelle inscrite dans les décrets des 20 décembre 1945 et 29 octobre 1948 et d'après laquelle, en ce qui concerne les inscriptions prises pour sûreté d'une créance indéterminée, le salaire sera perçu sur le montant de l'évaluation du droit garanti, à fournir par les requérants, avec application 6 du minimum de perception ".

Désormais, toutes les inscriptions, de quelque nature que soit la créance garantie, motivent donc la, perception du salaire proportionnel, sauf application, s'il y a lieu, du minimum de perception (actuellement ( 25 francs). La base de la liquidation de ce salaire est l'étendue du droit garanti et la perception doit être effectuée sur le montant de la créance (certaine, éventuelle ou conditionnelle) si celle-ci est déterminée ou sur son évaluation s'il s'agit d'une créance indéterminée.

La caution peut contracter un engagement limité ou illimité. L'engagement est illimité quand la caution garantit toutes les dettes qu'un ( débiteur pourra contracter à l'égard d'un créancier déterminé. Il est limité, notamment, quand l'obligation de la caution est restreinte à une dette déterminée ou à une partie de cette dette.

Quant à l'étendue du recours éventuel de la caution, elle est, en principe, à la mesure de son engagement.

Dès lors, l'inscription prise par une caution réelle contre le débiteur principal, garantit une créance éventuelle indéterminée si l'engagement de cette caution est illimité, et, au contraire, une créance éventuelle déterminée si cet engagement est limité à une obligation parfaitement définie dans son quantum.

Or, dans le cas où la caution a été obligatoirement fournie pour satisfaire à un texte légal, on doit présumer qu'elle ne garantit que les obligations pour lesquelles ce texte exigeait qu'elle soit fournie (cf. Planiol et Ripert ; Traité pratique de Droit Civil français, T. XI, n°1531).

En particulier, le département ou la commune qui s'engage à rembourser, éventuellement, à l'Etat, les avances que celui-ci a consenties à un organisme d'habitations à bon marché, entend se réserver un recours contre cet organisme dans la mesure même de son engagement qui est, en principe, limité au remboursement du montant total des avances.

L'inscription étant prise sur les immeubles de l'emprunteur pour sûreté du montant intégral de la créance éventuelle du département ou de la commune, le droit garanti par cette inscription est égal au montant nominal du prêt consenti par l'Etat à l'organisme d'habitations à bon marché, montant qui est parfaitement déterminé.

Il importe peu, à cet égard, que la collectivité requérants se borne a rappeler le montant de l'emprunt dans la partie du bordereau relatant la cause de la créance, et à prendre inscription pour sûreté d'un solde éventuel et indéterminé, ou bien qu'elle précise, au contraire, que l'inscription est prise pour sûreté d'une créance éventuelle égale au montant de l'emprunt.

Dès lors, en effet, que l'Art. 2.148 du Code Civil exige l'énonciation, dans le bordereau du capital de la créance - qu'elle soit certaine ou éventuelle - l'absence de ces énonciations dans la partie finale du bordereau implique que le requérant se réfère purement et simplement, pour la détermination du droit garanti, à la partie préliminaire, si celle-ci contient les indications suffisantes.

En conséquence, dans l'une et l'autre des hypothèses envisagées, le résultat juridique sera identique:

En cas ordre, la collectivité créancière sera colloquée pour le montant de sa créance, dans la limite du maximum garanti par l'inscription;

De même, la responsabilité du Conservateur sera susceptible d'être engagé à concurrence de ce même maximum, s'il omet l'inscription dans un état postérieur à celle-ci.

Les Conservateurs qui ont seuls qualité pour trancher, sous le contrôle des tribunaux judiciaires, les difficultés que soulèvent l'exigibilité et la liquidation des salaires, paraissent dès lors fondés à estimer que le salaire proportionnel, contrepartie de leur responsabilité personnelle, est exigible sur le montant de l'emprunt, même lorsque l'inscription est prise pour sûreté d'un solde indéterminé.

Il n'en serait autrement, qu'au cas où la collectivité garante, soucieuse de ne pas grever inutilement le crédit de l'organisme d'habitations à bon marché, et estimant que celui-ci remboursera, lui-même, au moins une partie de l'emprunt, accepterait de limiter sa propre garantie à la seule somme qu'elle présume devoir acquitter à la place de l'emprunteur ; mais il est évident qu'elle doit, alors, stipuler expressément, dans le bordereau quelle prend inscription pour sûreté le cette somme ; elle ne pourra, dans cette hypothèse, être colloquée qu'à concurrence de la même somme qui limitera, également, la responsabilité du conservateur et qui, partant, doit servir de base au calcul de son salaire

Les conservateurs paraissent d'ailleurs fondés à soutenir, depuis la mise en vigueur du décret du 20 décembre 1943, que, même dans l'hypothèse où l'inscription est requise pour sûreté du solde indéterminé d'une créance déterminée et énoncée au bordereau, ils n'ont pas à exiger l'évaluation prévue par l'Art. premier; 2°, de ce texte, dès l'instant où ce solde est susceptible d'atteindre éventuellement le montant de la créance, mentionné au bordereau ; bien plus, une telle exigence serait susceptible de mettre leur responsabilité en jeu, si, en retardant l'inscription elle causait un préjudice au requérant et si le tribunal n'admettait pas sa nécessité.

L'évaluation envisagée ne serait obligatoire en ce qui concerne les inscriptions de l'hypothèque légale, instituée par l'Art. 6 de la loi du 27 juillet 1934, qu'au cas où aucune partie du bordereau ne ferait état du montant ni du prêt consenti par l'Etat, ni du droit garanti; mais cette hypothèse est peu vraisemblable, dès lors qu'elle pourrait être de nature à entraîner la nullité de l'inscription (C. Civ., art. 2145, dernier al.). Quoiqu'il en soit, le salaire proportionnel serait, alors, exigible sur le montant de l'évaluation.

Tel est le point de vue que les Conservateurs, peuvent être fondés à faire valoir sur la question que vous avez bien voulu me soumettre, sans que leur argumentation, qui paraît suffisamment fondée en droit, puisse être considérée par l'Administration comme un abus de nature à justifier une dérogation à son attitude traditionnelle d'abstention en la matière.