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Art. 19

RADIATION

Hypothèque légale de la femme mariée.
Mainlevée consentie par une femme divorcée à son profit et remariée.

D. - Le Conservateur peut-il radier l'hypothèque légale inscrite contre son premier mari par une femme divorcée à son profit et remariée ?

R. - I. - Dans quelle mesure la femme divorcée a sou profit, puis remariée, peut-elle continuer à exercer, à l'encontre de son premier mari, le droit à pension alimentaire de l'Art. 301 C. Civ. C'est à cette question que se ramène en définitive la difficulté ci-dessus, car la femme divorcée a recouvré se pleine capacité juridique: elle peut donc pour toutes celles de ses créances envers le premier mari qui ne présentent pas un caractère alimentaire renoncer valablement à son hypothèque légale, sous les seules réserves résultant de son nouveau régime matrimonial. C'est seulement dans la mesure, où l'hypothèque légale garantirait encore un droit à pension que la renonciation de la femme serait inopérante (Cass. 21 mai 1949, J. Not. 43.O31) et que le Conservateur devrait refuser de radier totalement l'hypothèque inscrite, sans réserver expressément ce droit à pension.

A cet égard, l'Art. 301 C. Civ. n'a fixé aucune limite, quant à la durée du droit à aliments de l'époux qui a obtenu le divorce à son profit. En particulier, aucune disposition législative ne prévoit que le remariage de cet époux met fin à l'obligation alimentaire de son ex-conjoint.

Mais, dans le silence de la loi, la question est tranchée dé façon catégorique par la jurisprudence, et deux arrêts de la Cour de Cassation des 21 avril 1920 (D. 1924-1-91) et 20 décembre 1938 (D. 1939-1-116) reconnaissent qu'en se remariant la femme divorcée perd tous les droits qu'elle pouvait avoir contre son premier mari à titre de pension alimentaire.

Le premier de ces arrêts a été rendu, sur pourvoi d'une dame S... contre un arrêt de la Cour d'Appel d'Aix du 19 mars 1915, qui avait déjà admis le même principe. En raison de l'importance de la question pour les Conservateurs, le texte de ces deux arrêts doit être reproduit dans leurs parties essentielles.

L'arrêt de la Cour d'Appel est ainsi conçu: " Attendu que c'est en se basant sur l'art. 301 C. Civ. que la dame S. a demandé, en son nom personnel, une pension alimentaire à M..., son premier mari ; mais attendu que, si la loi ne lui imposait aucun délai pour présenter sa demande, la dame S. n'en doit pas moins être déclarée irrecevable, parce qu'en se remariant dans l'intervalle, pour divorcer de nouveau trois ans après, elle a perdu tous droits à l'encontre de son premier mari ; qu'il tombe sous le sens, en effet, qu'en cas de second mariage, l'obligation alimentaire au profit de la femme a passé au second mari, et que, d'autre part, en cas de nouveau divorce, c'est également au second mari qu'incombe la charge de réparer les conséquences dommageables résultant de la situation ainsi faite à la femme qui a obtenu le divorce à son profit ; qu'on objecte en vain que le droit à pension supprimée par le second mariage a revécu par suite du second divorce, alors que celui-ci ne peut évidemment produire de conséquences qu'à l'égard du second mari, car le second mariage, suivant les termes de arrêt de la Cour de Cassation du 6 juillet 1914, a brisé tous les liens quelconques entre la femme et le premier mari, et qu'après cette seconde union, ce dernier n'est plus tenu à aucun secours alimentaire, dont l'obligation est passée au second mari... ".

Sur pourvoi de la femme, la Cour de Cassation à confirmé cette doctrine, dans les termes suivants (arrêt du 21 avril 1920): " Attendu que l'arrêt attaqué a déclaré la demande irrecevable par les motifs que, en se remariant, la femme divorcée a perdu tous droits à l'encontre de son premier mari, que tous les liens ont été brisés; qu'en cas de second mariage, l'obligation alimentaire passe au second mari, et que, d'autre part, en cas de nouveau divorce, c'est également au second mari qu'il incombe de réparer les conséquences dommageables résultant de la situation faite à la femme qui a obtenu le divorcé à son profit ; Attendu qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué, loin de violer la loi, en a fait au contraire une exacte application; par ces motifs, rejette... ".

Le second arrêt de la Cour de Cassation du 20 décembre 1938 est non moins formel: " Attendu qu'en se remariant, la femme divorcée perd tous ses droits à l'encontre de son premier mari, à titre de pension alimentaire ".

En présence d'une jurisprudence aussi catégorique, et par laquelle la Cour de Cassation statue en droit sur la difficulté, et non pour des considérations de fait particulières à chaque espèce, nous estimons que le Conservateur ne saurait engager sa responsabilité, s'il procède, au vu d'une mainlevée amiable, à la radiation pure et simple de l'hypothèque légale inscrite contre son premier mari par une femme remariée après divorce. .

II. - Cependant, avant de procéder à cette radiation totale, le Conservateur devra s'assurer qu'il n'existe pas d'enfant, encore mineurs nés du premier mariage. Il convient de ne pas perdre de vue, en effet, que si, en vertu de la jurisprudence précitée, la femme ne saurait, de son chef, prétendre à aucune pension alimentaire à l'encontre de son premier mari, celui-ci reste tenu de l'obligation alimentaire envers ses enfants mineurs et. notamment envers ceux dont la garde aurait été confiée à la femme. Or, l'hypothèque légale garantit aussi bien la pension qui pourrait être due à la femme du chef de ses enfants mineurs, que celle qui lui serait allouée à titre personnel (décret-loi du 18 juin 1938, art. 2135 C. Civ.).

Annoter: C.M.L. n° 1318-4° ; Jacquet et Vétillard, V° Femme Mariée n° 100 et Pension alimentaire n° 6 O.G.