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Art. 57

TAXE HYPOTHECAIRE.

- SALAIRES.

a) Inscriptions distinctes prises contre le débiteur et la caution.
b) Radiation de ces inscriptions.

Question. - Lorsque deux inscriptions distinctes sont prises contre le débiteur et la caution, convient-il de percevoir la taxe et les salaires lors du dépôt des bordereaux de chaque inscription ? En est-il de même en cas de radiation de ces inscriptions en vertu d'un seul acte de mainlevée ?

Réponse. - I. - Inscriptions. Taxe. - L'inscription prise sur les biens de la caution hypothécaire non solidaire, séparément de celle qui est requise contre les biens du débiteur, ne donne pas ouverture à la taxe hypothécaire.

En effet, d'après l'Administration et certains auteurs, l'obligation contractée par la caution non solidaire, qui promet au créancier de le payer si le débiteur n'exécute pas son obligation, présente un caractère éventuel, puisque l'engagement de la caution est subordonné à la condition que le débiteur ne paie pas (Sol. 26 février 1828 ; Instr. 1249, § 6, n° 1 ; Demante, 455 ; Naquet, E. II, n° 531 ; Wahl, I, n°197 et 497). Cependant d'autres auteurs soutiennent que le cautionnement doit être envisagé comme une obligation pure et simple et actuelle, parce que, dans la caution, il n'y a de subordonné à un événement futur et incertain que l'exécution de l'obligation ; « il est incertain si la caution paiera ou ne paiera pas, mais il est certain qu'elle est actuellement obligée. Le droit qui lui appartient d'exiger que le créancier s'adresse préalablement au débiteur (bénéfice de discussion) n'est pas l'effet d'une condition, mais bien une exception qu'elle peut opposer au créancier ; or, l'exception suppose l'action » (Championnière et Rigaud, n° 1423 ; cf. Troplong, n° 23 et 24 ; de France, n° 111)

Quoi qu'il en soit, puisque l'Administration considère que l'éventualité est de l'essence du cautionnement, il convient de suivre la règle de perception qui en est la conséquence et de ne pas percevoir un droit spécial sur l'inscription prise séparément contre la caution non solidaire, par application du principe posé à l'égard des inscriptions indéfinies par l'art. 1er de la loi du 6 messidor an VII (art. 853 C.G.I.), la créance que garantit l'inscription prise contre la caution restant éventuelle tant que celle-ci n'est pas personnellement obligée envers le créancier.

Il est tout autrement lorsque la caution s'oblige solidairement avec le débiteur, ainsi qu'il est actuellement pratiqué dans la majorité des cas, ou lorsqu'elle renonce au bénéfice de discussion. En pareille hypothèse, la caution doit être considérée comme un débiteur solidaire du débiteur principal (art. 2021 C. Civ. ; Dalloz, Rép. prat. de législ. Voir Enregistrement n° 710)

L'inscription prise contre elle sur ses biens, séparément de celle qui est requise sur les biens du débiteur principal entraîne l'exigibilité du droit d'inscription. C'est ce que reconnaît une D.M.F. du 28 décembre 1813 (J.E. 4810), que relatent d'ailleurs inexactement de France (n° 111) et de D.E. (V. Hypothèque, n° 947) ; d'après cette décision, l'inscription prise dans un bureau sur les immeubles de la caution solidaire donne ouverture au droit proportionnel d'inscription, alors même que ce droit a été perçu à un autre bureau sur les biens du débiteur principal.

On pourrait sans doute objecter qu'il s'agit d'une même créance et que conformément à l'art. 21 de la loi du 21 ventôse an VII (art. 848 C.G.I.), il ne peut être payé « qu'un seul droit d'inscription pour chaque créance, quel que soit, d'ailleurs, le nombre des créanciers requérants et celui des débiteurs grevés. » Mais cette disposition ne vise que le cas d'une inscription unique requise au même bureau (étant précisé que les bureaux divisés d'une même conservation sont réputés former un bureau unique), au sujet de la même créance et sur les mêmes biens ; elle cesse d'être applicable lorsque plusieurs inscriptions concernant la même dette ont pour objet des immeubles différents situés dans le ressort d'un même bureau. (Sol. 8 mai 1874 ; J.E. 19450). Il n'est pas non plus possible d'invoquer, en faveur de la perception d'une seule taxe, l'art. 22 de la même loi (art. 849, C.G.I.), suivant lequel « s'il y a lieu à inscription d'une même créance dans plusieurs bureaux, le droit est acquitté en totalité dans le premier bureau... » ; cette disposition a seulement en vue les inscriptions concernant la même créance, mais ayant pour objet des immeubles appartenant au même débiteur et situés dans le ressort de bureaux différents, l'organisation du système hypothécaire ne permettant pas au créancier de prendre une inscription valable pour des bureaux différents (Sol. 8 mai 1874 précitée, Instr. 3018, § 3)

En résumé, lorsque deux inscriptions sont prises l'une contre le débiteur, et l'autre contre la caution, un droit d'inscription est dû sur la première ; en ce qui concerne celle qui est prise séparément contre la caution sur ses immeubles personnels, il ne peut être perçu un autre droit que si la caution s'est engagé solidairement avec le débiteur ou si elle a renoncé au bénéfice de discussion.

Salaires. - D'après l'art. 1er n° 2 du décret du 29 octobre 1948 sur les salaires, il est dû un salaire « pour l'inscription de chaque droit d'hypothèque ou de privilège » et sa liquidation s'effectue « sur les sommes ou valeurs énoncées au bordereau ».

Sans entrer dans le détail des controverses soulevées par l'interprétation donnée à l'expression « chaque droit d'hypothèque », il est reconnu que lorsque plusieurs débiteurs non solidaires donnent à leur créancier chacun en ce qui le concerne, une hypothèque sur ses biens personnels, il existe autant de droits hypothécaires que de débiteurs, et pour chaque droit d'hypothèque dont l'inscription est requise, le Conservateur engage sa responsabilité d'une manière distincte et peut prétendre à autant de salaires qu'il y a d'inscriptions. (Sol. 30 avril 1856 ; J.E. 20191 ; Rapp. J.E. 15401-4 et J.E. 16313-3.)

Par la suite, les inscriptions prises séparément contre le débiteur et la caution non solidaire donnent lieu à la perception de salaires distincts.

Il en est de même, a fortiori, lorsque plusieurs débiteurs solidaires d'un même créancier affectent à la garantie de la créance des immeubles leur appartenant personnellement ; dans ce cas, la présentation de bordereaux d'inscription distincts, par le créancier, bien que celui-ci ait la faculté de ne prendre qu'une inscription, justifierait la pluralité des salaires. Par suite, s'il est pris inscription, séparément contre le débiteur et la caution solidaire, le salaire est exigible sur chacune d'elles, puisque chacune ne conserve le droit hypothécaire de l'inscrivant qu'à l'encontre de l'un d'eux.

II. - Radiation. Taxe. - La taxe de radiation est, d'après l'art. 2, 3° de la loi du 27 juillet 1900 (art. 843-2° C.G.I.), liquidée « sur la somme exprimée dans l'acte (de mainlevée) ou, à défaut, de somme, sur la valeur du droit hypothécaire faisant l'objet de la formalité ». Dès lors, s'il a été rédigé un acte unique de mainlevée portant sur des inscriptions multiples garantissant la même créance, une seule taxe est exigible et doit être liquidée sur le montant de la créance, alors même que les inscriptions auraient été prises dans les bureaux différents. (Instr. 3018 ; Sol., 25 juin 1929 ; J.C. 10291 ; de France, n° 473-I ; Rapp. Sol., 18 avril 1901 ; de France, n° 473-IX-C)

Au cas particulier, la perception d'une seule taxe ne fait pas de doute.

Salaires. - Aux termes du décret du 29 octobre 1948, art. 1er, 5°, le salaire de radiation est dû « pour chaque radiation d'inscription ».

Il importe donc peu que la mainlevée de plusieurs inscriptions soit consentie par un même acte. La pluralité des inscriptions justifie, en principe, la pluralité des salaires, étant donné, au surplus, que la radiation comporte l'établissement d'une mention en marge de chaque inscription et que chaque mention engageant la responsabilité du Conservateur donne lieu, par conséquent, à un salaire particulier... (Sol. 25 juin 1929, précitée ; de France, n° 529)

La radiation, en vertu d'un seul acte de mainlevée, des inscriptions prises distinctement contre le débiteur et la caution donnera, dès lors, ouverture à deux salaires distincts sur le montant de la créance, alors même que cette créance serait restée éventuelle à l'égard de la caution, en cas de paiement par le débiteur principal.

Annoter : de France, n° 111, 473 II, 513, 529 ; C.M.L., n° 1849, 1906, 1919, 2008, 2011, 2022, 2023.