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Art. 72

TAXE HYPOTHECAIRE.

- SALAIRES.

Acquisitions de créances de dommages de guerre par les associations syndicales et les coopératives de reconstruction pour le compte de leurs adhérents.
- Double formalité.
- Seconde formalité dispensée de la taxe hypothécaire.
- Double salaire exigible.
(D.M.B. du 28 décembre 1950)

Consulté par le Ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme au sujet des droits d'enregistrement et d'hypothèques et des salaires exigibles à l'occasion des acquisitions des créances de dommages de guerre réalisées par les associations syndicales et le coopératives de reconstruction pour le compte de leurs adhérents, dans les conditions prévues par l'art. 16 de la loi n° 50-631, du 2 juin 1950, le Ministre du Budget a répondu dans les termes suivants:

L'Art. 16 de la loi n° 50-631, du 2 juin 1950 (" J.O. " du 4), relative au développement des dépenses d'investissement pour l'exercice 1950 (réparation des dommages de guerre), est ainsi conçu :

" Les associations syndicales et les coopératives de reconstruction peuvent acquérir des créances de dommages de guerre pour le compte de ceux de leurs adhérents qui demanderaient ultérieurement à bénéficier de cette acquisition et en régler la valeur par un apport personnel complémentaire. Ces organismes devront effectuer ces acquisitions pour des fonds autres que ceux attribués en application de l'ordonnance n° 45-2064 du 8 septembre 1.945, de la loi du 28 octobre 1946 et de la loi du 16 juin 1948. La répartition de ces indemnités acquises n'est faite qu'au profit des associés désireux d'augmenter leurs propres créances pour l'achèvement d'immeubles en cours de construction.

" Le montant des créances de dommages ainsi acquises ne pourra, dépasser 15 p. 100 du total des indemnités apportées par les sinistrés faisant partie de l'association ou de la coopérative.

" La mutation du droit à indemnité peut être autorisée, indépendamment du bien auquel il s'attache... "

Vous estimez que, lorsqu'elle procèdent aux opérations prévues par ce texte, les coopératives et associations syndicales de reconstruction n'agissent, dans tous les cas, qu'en qualité de mandataire. Dans ces conditions, même si les attributaires définitifs des créances de dommages de guerre acquises ne peuvent, malgré les recommandations adressées aux délégués départementaux de la Reconstruction, être nominativement désignés au moment de l'acquisition, il n'existe d'après vous qu'un seul transfert de propriété donnant ouverture aux droits de mutation.

Cette interprétation vous paraît seule conforme, non seulement au texte de la loi d'après lequel l'acquisition des créances de dommages est faite " pour le compte " des adhérents bénéficiaires définitifs et lesdites créances font l'objet d'une " répartition " au profit de ces derniers, mais encore au but poursuivi par le législateur qui est de favoriser les opérations de l'espèce.

Par ailleurs, afin d'éviter des fraudes éventuelles de la part du vendeur au cas où la transcription de l'acquisition serait différée jusqu'à la désignation du bénéficiaire définitif, vous proposez que cette formalité soit effectuée en deux temps :

- Une première transcription où le nom du nouveau bénéficiaire pourrait être laissé en blanc lors de l'acquisition par le groupement;

- Achèvement de l'opération lorsque les acquéreurs définitifs seraient connus.

Vous demandez, en outre, à mon Administration d'intervenir auprès de l'Association Mutuelle des Conservateurs des Hypothèques en vue de la perception d'un seul salaire sur l'ensemble de l'opération.

J'ai l'honneur de vous faire connaître que, lorsqu'une association syndicale ou une coopérative de reconstruction - lesquelles ont une personnalité juridique et un patrimoine distinct de ceux de leurs membres procède à l'acquisition de créances de dommages de guerre pour le compte d'adhérents, mais sans indiquer à qui et dans quelle proportion ces créances seront finalement attribuées, la propriété des biens acquis ne pouvant demeurer incertaine se fixe nécessairement sur la tête de l'organisme acquéreur et qu'elle ne peut passer sur celle des attributaires définitifs qu'en vertu d'une nouvelle mutation.

Sans doute, ainsi que vous le soulignez, l'Art. 16 précité de la loi du 2 juin 1950 prévoit-il pour les créances de dommages de guerre acquises par les groupement visés une " répartition au profit des associés désireux d'augmenter leurs propres créances ", lesquelles devront " en régler la valeur par un apport personnel complémentaire ". Mais le caractère translatif d'une telle opération, qui se traduit par l'abandon de biens moyennant le versement concomitant ou postérieur d'une somme égale à leur valeur ne saurait être sérieusement contesté, l'absence d'aléa excluant toute idée de mise en commun et de partage.

Comme l'acquisition par l'association syndicale ou la coopérative, cette deuxième transmission serait donc, dans la rigueur des principes, passible des droits de mutation à titre onéreux, sauf application éventuelle à la première cession, si elle était consentie par le sinistré lui-même ou ses héritiers du tarif réduit de 1,15 p. 100 prévu pour les transports de créances. La circonstance que, d'après le troisième alinéa de l'Art. 16 de la loi du 2 juin 1950, la mutation du droit à l'indemnité puisse en pareille hypothèse être autorisée indépendamment de tout transfert du bien auquel il s'attache ne saurait avoir pour effet de modifier la nature juridique de ce droit elle doit demeurer sans influence sur la perception de l'impôt de mutation.

Je reconnais, toutefois, qu'une telle solution, si elle est fondée en droit, ne laisserait pas de paraître rigoureuse.

En effet, d'après les termes mêmes de l'Art. 16 de la loi du 2 juin 1950, les coopératives et associations syndicales de reconstruction ne sont autorisées à acquérir des créances de dommages de guerre dans les conditions prévues par ce texte que " pour le compte " de leurs adhérents. Seules, des difficultés d'ordre pratique empêchent ces organismes de faire connaître dès l'origine quels sont les véritables acquéreurs. De toute façon, il ne peut entrer dans les intentions des groupements considérés de demeurer propriétaires des créances dont il s'agit, du moins lorsqu'elles ont été détachées des biens sinistrés, puisque ces créances ne sont plus alors transmissibles en dehors des cas prévus par l'Art. 16 de la loi du 2 juin 1950.

Par ailleurs, il n'est pas douteux que l'application d'un impôt aussi lourd que le droit de vente immobilière aux transferts intervenus entre les coopératives ou associations syndicales et leurs adhérents auraient pour conséquence d'interdire pratiquement de tels transferts, ce qui priverait de toute portée les dispositions du texte en cause.

Pour ces motifs, j'ai décidé, par mesure de tempérament, que les transmissions aux membres des associations syndicales et coopératives de reconstruction des créances de dommages de guerre acquises pour leur compte par ces organismes, en application de l'Art. 16 de la loi du 2 juin 1950 seraient affranchies des droits d'enregistrement et d'hypothèques.

Par contre, il ne parait guère possible d'effectuer en deux temps, comme vous le proposez, la transcription des mutations dont il s'agit.

Il résulte, en effet, des dispositions de l'Art. 14 de la loi du 23 mars 1855, , complétée par la loi du 24 juillet 1921, et le décret-loi du 30 octobre 1935, que, dans tous les actes, jugements, saisies, soumis à la transcription, les parties devront être désignées par leurs noms et prénoms, dans l'ordre de l'état-civil, leur domicile, la date et le lieu de leur naissance et leur profession si elles en ont une connue et qu'en ce qui concerne les sociétés, associations et syndicats, mention doit être faite de la date de leur constitution définitive, de leur nom et siège social et, s'il y a lieu, de leurs dénominations antérieures et de leur numéro d'immatriculation au registre du commerce.

Ces dispositions ont pour but, en identifiant les parties aux actes soumis à la formalité, de permettre de leur ouvrir un compte au répertoire tenu dans les conservations, ou d'annoter celui qui leur aurait déjà été ouvert, et d'effectuer, ainsi, ultérieurement, les recherches. nécessaires au fonctionnement normal de la publicité hypothécaire qui, dans notre droit., est personnelle et non réelle.

Sans doute le rôle passif qui est imparti, en principe, aux Conservateurs, en matière de transcription, s'opposerait-il à ce qu'ils puissent refuser de transcrire un acte dans lequel la désignation des parties n'aurait pas été opérée conformément au voeu de la loi.

Mais, il en irait autrement si l'essentiel des mentions prescrites et, spécialement, le nom même des parties, ne figurait pas à l'acte présenté à la formalité : même s'il était prévu, comme dans le cas de la " première transcription " par vous envisagées qu'elle devrait être comblée ultérieurement - et on ne conçoit guère qu'il puisse en être autrement - une telle lacune mettrait, en effet, obstacle à l'exécution, par le Conservateur, des opérations requises pour que l'acte transcrit soit susceptible d'être porté à la connaissance des tiers avec effet de la date de la remise de l'acte à la Conservation, conformément à la loi (cf. loi du 23 maris 1855 précité, art. 3. C. Civ. art. 2.200) et à l'intention des parties.

Les éléments indispensables à l'accomplissement de sa mission civile faisant ainsi défaut, le Conservateur ne pourrait, alors, sous peine de remplir une formalité inopérante, que se départir de son rôle passif pour refuser d'accéder à la réquisition des parties.

Il ne paraît pas, dans ces conditions, y avoir d'autre moyen de pallier les fraudes que vous redoutez de la part du vendeur, lorsque la désignation du bénéficiaire n'aura pu être faite que dans l'acte d'acquisition que de présenter successivement à la transcription deux actes contenant, au moins, l'essentiel des indications prescrites par l'Art. 14 précité de la loi du 23 mars 1855 : tout d'abord, un acte d'acquisition au nom de l'association syndicale ou de la coopérative et, ultérieurement, l'acte portant attribution au bénéficiaire définitif.

Chacune des deux formalités envisagées donnerait normalement ouverture à la taxe hypothécaire.

Mais en application de la mesure de tempérament prise ci-dessus, cette taxe ne serait pas perçue sur la seconde de ces formalités.

L'une et l'autre transcriptions susvisées motiveraient la perception de salaires par les Conservateurs des Hypothèques. Cette perception est la contrepartie de la responsabilité civile qu'assument ces fonctionnaires lors de l'accomplissement des formalités qui leur sont confiées par la loi et mon Administration, qui n'a pas qualité pour leur donner des directives en cette matière et qui a pris pour règle de s'abstenir de toute intervention pour la solution des difficultés auxquelles donnent lieu les opérations hypothécaires afin de ne pas substituer sa responsabilité à la leur, ne se reconnaît pas le pouvoir d'inviter les Conservateurs des Hypothèques à renoncer à une partie de leur rétribution.

Je regrette, dans ces conditions, d'être privé des moyens de seconder la démarche que vous avez faite dans ce sens auprès de l'Association professionnelle de ces agents.

Pour le Ministre et par délégation :
Le Directeur du Cabinet,
Signé : BLOT.

Annoter : C.M.L. n° 1944 et 2048 bis; de France, n° 393 quater (à ouvrir).