Retour

Art. 83

RADIATION

Femme mariée.
- Communauté d'acquêts avec clause de remploi obligatoire. - Contrat autorisant les remplois en placements hypothéca

ires sur particuliers.
- Remploi effectué au moyen du payement par subrogation d'une dette hypothécaire de la communauté. - Irrégularité.

(Avis du Comité de l'A.M.C.)

Consulté par un de nos collègues qui, menacé d'une instance, sollicitait son concours en vue de sa défense éventuelle, le Comité de l'A.M.C. a été amené à examiner la difficulté suivante :

Lors de la transcription de l'acte de vente d'un immeuble appartenant à une femme mariée sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts en vertu d'un contrat renfermant une clause de remploi obligatoire du prix de ses biens propres opposable aux tiers, il avait été pris une inscription d'office pour sûreté de ce remploi.

Parmi les modes de remploi prévus par le contrat de mariage figuraient les " placements sur particuliers par privilèges ou hypothèques sur immeubles situés en France ".

En l'état, le remploi avait été effectué au moyen du remboursement d'une dette hypothécaire de communauté, la femme étant subrogée dans les droits du créancier hypothécaire remboursé. La femme avait accepté ce remploi et, en conséquence, donné mainlevée de l'inscription d'office prise lors de la transcription de l'acte de vente.

Le Conservateur, estimant que le remploi n'était pas conforme aux prévisions du contrat de mariage, avait refusé d'opérer la radiation.

Le Comité a approuvé son attitude pour les motifs suivants:

C'est une règle d'ordre public en matière de régime dotal que le remploi doit être conforme aux prescriptions du contrat de mariage, ces prescriptions étant interprétées strictement (Précis Chambaz et Masounabe, n° 1187 et la jurisprudence citée), à moins de dérogation par décision judiciaire (art. 1557 C. Civ.). Les tiers sont responsables d'un remploi qui ne serait pas conforme à ces prescriptions, s'ils ne sont pas expressément déchargés du soin de surveiller la matérialité du remploi (Précis Chambaz et Masounabe, n° 1181 et aut. cit.).

Or, au cas particulier, il ne semble pas que le remploi consistant dans le payement par subrogation d'une dette hypothécaire de la communauté, puisse être considéré comme conforme aux prescriptions du contrat de mariage.

Si, en effet, à certains points de vue, le patrimoine de la communauté est distinct du patrimoine propre des époux, c'est une fiction qui cesse à la dissolution. La communauté n'étant pas dès lors une personne morale ( Cass. req. 10 février 1896, D. P. 96-1-559), ne saurait, pour ce motif, être assimilée à un particulier comme l'exige le contrat de mariage.

Par ailleurs, le remploi ainsi réalisé pourrait être plus ou moins fictif, soit du fait de l'existence de privilèges ou d'hypothèques préférables, soit du fait de l'exercice de reprises au profit de la femme ou de créances garanties par l'hypothèque légale de la femme.

Un tel remploi, dont le contrat de mariage ne dispense pas les tiers de la charge de surveiller la matérialité, ne saurait dès lors libérer l'acquéreur et, par suite, autoriser la radiation de l'inscription d'office prise pour en garantir la réalisation.

Aux motifs sus indiqués, on peut ajouter que le payement par la femme de la dette de communauté aurait nécessairement entraîné l'extinction pure et simple de cette dette par confusion, sans pouvoir créer au profit de la femme, bailleresse des fonds, d'autre droit que celui de reprendre lors de la dissolution de la communauté, une somme égale au montant de la créance payée de ses deniers.

Annoter : Précis Chambaz et Masounabe, n° 1188, 3° ; Jacquet et Vétillard, n° 121.