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Art. 93

PROCEDURE

Instance en radiation entre parties.
- Appel du conservateur à l'instance.
Mise hors de cause.
- Dommages-intérêts.

Le Conservateur des hypothèques, fonctionnaire public tenu de se conformer aux titres qui lui sont produits, doit rester étranger aux instances entre parties tendant à faire prononcer la mainlevée d'une inscription hypothécaire. Lorsqu'il est indûment appelé à une telle instance, il est fondé à se faire mettre hors de cause et à demander des dommages-intérêts. (Toulon, 1ere ch., 20 juin 1951.)

Attendu que par arrêt du 22 mai 1945, confirmant un jugement du 14 février 1944, la séparation de corps a été prononcée entre les époux Caporossi-Vallicioni. Que, par acte de Kauffer, notaire, du 19 mai 1942, Caporossi a vendu à Silve l'immeuble litigieux dépendant de la communauté, comme ayant été acquis, à titre onéreux pendant le mariage. Que le caractère commun de cet immeuble n'est pas contesté.

Que la dame Caporossi a fait inscrire son hypothèque légale le 28 août 1942 et, le 3 juillet 1945, son hypothèque judiciaire pour 131.500 francs, pour sûreté de la pension alimentaire qui lui a été allouée.

Que, cette dame s'étant maintenue dans les lieux, Silve demande la radiation de cette hypothèque sur son offre de remettre à la dame Caporossi la somme de 66.042 francs, moitié de la différence entre le prix et la valeur de l'immeuble, au jour de l'assignation et sa condamnation au paiement de 72.049 francs, pour indemnité d'occupation du ler juillet, outre les charges et taxes. Que la dame Caporossi soutient que l'acte de vente, fait en fraude de ses droits, ne, lui est pas opposable.

Attendu que le mari, chef de la communauté, a le pouvoir d'aliéner à titre onéreux un immeuble dépendant de celle-ci; que l'Art. 243 du Code civil dispose que les aliénations faites par le mari postérieurement à l'ordonnance de non-conciliation sont nulles s'il est établi qu'elles ont été faites en fraude des droits de la femme. Qu'à l'égard des tiers qui ont contracté, l'acte n'est nul qu'autant qu'ils ont eu connaissance de la fraude au moment où ils ont coopéré à l'acte attaqué. Que la dame Caporossi n'invoque aucun fait donnant à la vente le caractère frauduleux qu'elle invoque ou révélant que l'acquéreur eût eu connaissance de la fraude prétendue au moment où cette vente a été consentie.

Attendu que la vente faite par Caporossi lui est donc opposable. Qu'en tant que commune en biens elle est co-venderesse de l'immeuble commun et doit garantie à l'acquéreur. Que c'est donc à juste titre que Silve lui réclame une indemnité d'occupation ; qu'elle ne prétend pas être locataire et au contraire s'en défend et ne discute pas le montant des sommes réclamées.

Que le prix de l'immeuble aux mains du notaire rédacteur de l'acte doit figurer à l'actif de communauté; que l'hypothèque légale de la dame Caporossi garantit les droits et créances qu'elle peut avoir contre son mari pour ses reprises et notamment pour la pension alimentaire qui lui a été allouée par le jugement de séparation de corps, mais non la créance résultant de son droit dans le partage de la communauté ; qu'elle ne lui confère aucun droit de propriété sur l'immeuble aliéné, mais seulement un droit de créance pour être payée sur le prix de vente de préférence; que la dame Caporossi ne peut donc retenir l'immeuble vendu mais a seulement le droit de requérir la vente aux enchères et de surenchérir le cas échéant. Que Silve ne saurait faire radier l'inscription de l'hypothèque légale sans recourir aux formalités de purge légale qui permettra à la femme de requérir la vente aux enchères et de surenchérir si elle l'estime utile.

Qu'il en est de même en ce qui concerne l'hypothèque judiciaire. Attendu que le Conservateur des hypothèques, fonctionnaire public tenu de se conformer aux titres, qui lui sont produits, est étranger su présent débat.

Par ces motifs : Le Tribunal, première chambre, le juge commissaire et le Ministère public entendus, statuant publiquement, contradictoirement, en matière ordinaire et en premier ressort, après en avoir délibéré conforment à la loi.

Vu l'Art. 130 du Code de procédure civile.
Condamne la dame Caporossi à payer la somme de 72.043 francs à Silve ;
Déboute Silve du surplus de ses conclusions;
Déboute la dame Caporossi de su demande reconventionnelle en nullité de vente;

Met le Conservateur des hypothèques hors de cause ; dit qu'il a été appelé à tort et condamne Silve à lui payer la somme de cinq cent francs, à titre de dommages-intérêts;

Condamne Silve aux dépens nécessités par cette mise en cause avec distraction au profit de Me Granet, avoué, sur son affirmation de droit ;

Condamne la dame Caporossi et Silve au surplus des dépens qui seront supportés par moitié par chacune des parties avec distraction au profit des avoués de la cause...

Observations : Rapp. Bull. A.M.C., art. 7.

Annoter: C.M.L. n° 1412-4°; Jacquet et Vétillard, V° Jugement de radiation, n° 4 et 57.