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Art. 96

ETATS HYPOTHECAIRES.

Inscription d'hypothèque légale de la femme mariée prise sur les biens présents et à venir du mari.
- Immeubles vendus antérieurement par le mari avec renonciation de la femme à son hypothèque légale au profit de l'acquéreur. - Revente des immeubles par ce dernier. - Inscription de l'hypothèque légale portée sur l'état sur transcription. - Régularité.

I. - L'hypothèque légale de la femme mariée est générale et rétroagit au jour de la célébration du mariage. L'inscription qui en est requise en termes généraux frappe non pas seulement les immeubles possédés par le mari au jour où elle est prise, mais également ceux qui lui ont appartenu depuis le jour du mariage et qui ont été vendus.

Pour que ces derniers immeubles ne soient pas grevés par l'inscription, il faut que le bordereau les exclut par une mention expresse. Tel n'est pas le cas lorsque le bordereau vise « les biens présents et à venir » du mari, la doctrine et la jurisprudence s'accordant pour reconnaître que cette expression englobe tous les biens qui ont appartenu, appartiennent ou appartiendront au mari depuis le jour du mariage jusqu'à celui de l'extinction des créances protégées par l'hypothèque légale.

II. - Il est de principe certain que le Conservateur des Hypothèques a, notamment en matière de délivrance d'état, un rôle essentiellement passif. Il doit se borner à constater purement et simplement l'existence matérielle des inscriptions; il ne lui appartient pas d'en apprécier le mérite ou la validité.

En particulier, on ne saurait lui faire grief d'avoir fait figurer dans un état sur transcription l'inscription d'hypothèque légale de femme marre prise en termes généraux contre le précédent propriétaire, bien que la femme qui a requis l'inscription ait comparu à l'acte de vente passé par son mari et y ait expressément renoncé à son hypothèque légale sur l'immeuble vendu.

(C. Bordeaux, 1er Ch. B, 1er mars 1951.)

Conservateur des hypothèques c. Société France-Outremer,dame Dupuy, épouse divorcée Plault, et le sieur Plault.

Attendu que, par acte reçu par Richard et Petges, notaires à Bordeaux, le 5 septembre 1945, Gustave Plault et son épouse, Mathilde Dupuy, ont vendu à la Société France-Outremer un immeuble dépendant de la communauté existant entre eux et sis à Bordeaux 75, boulevard Pierre-Ier;

Attendu que la dame Dupuy, épouse Plault, déclarait à l'acte qu'elle renonçait expressément à son hypothèque légale en ce qui concernait le dit immeuble ;

Attendu que cet acte était transcrit à la Conservation des Hypothèques, 1er bureau de Bordeaux, le 21 septembre 945, Vol. 144, n° 1 ;

Attendu que, le 17 avril suivant, la dame Plault, qui était en instance de divorce, faisait inscrire son hypothèque légale;

Attendu qu'aux termes du bordereau, cette inscription était requise sur tous les biens présents et à venir que M. Plault possède ou pourra posséder dans le ressort des trois bureaux des Hypothèques de Bordeaux (sic) ;

Attendu que, suivant acte reçu Chambarière et Landerouin, notaires, le 10 février 1948, la Société France-Outremer revendait l'immeuble à « Electricité de France » pour le prix de 1.900.000 francs, dont 1.500.000 francs payés comptant et le solde de 400.000 francs payable après l'accomplissement des formalités hypothécaires;

Attendu que, sur transcription de ce dernier acte, laquelle était opérée le 20 février 1948, au 1er bureau, « Electricité de France » a requis du Conservateur la délivrance, en ce qui concernait l'immeuble vendu, d'un état contenant les inscriptions de toute nature, y compris celles d'office, ou un certificat qu'il n'en existe point, contre la Société venderesse ou les précédents propriétaires dénommés au contrat;

Attendu que, sur cette réquisition, le Conservateur du 1er bureau a délivré un état mentionnant l'inscription d'hypothèque légale de la dame Plault;

Attendu que la Société France-Outremer ne put en conséquent encaisser le solde de 400.000 francs sur le prix de 1.900.000 francs;

Attendu que, par exploit du 4 mai 1948, la Société France-outremer a alors assigné la dame Dupuy, épouse Gustave Plault, ainsi d'ailleurs que Gustave Plault, par devant le Tribunal civil de Bordeaux, en mainlevée de l'inscription du 17 avril 1946, relativement, à l'immeuble vendu par les époux Plault, le 5 septembre 1945, ainsi qu'en 500.000 francs de dommages-intérêts ;

Attendu que la dame Plault a de suite reconnu que, comme conséquence de sa renonciation du 5 septembre 1945, son hypothèque légale ne portait pas sur l'immeuble et a soutenu que le Conservateur avait eu tort de mentionner cette hypothèque légale sur l'état par lui délivré le 20 février 1948;

Attendu qu'en cet état, et par exploit du 1er mars 1949, la Société France-Outremer a assigné l'appelant Ruamps, Conservateur du 1er bureau des Hypothèques, en intervention forcée, pour voir dire que c'est à tort que celui-ci a mentionné l'hypothèque légale, ainsi qu'en dommages et intérêts;

Attendu que, par le jugement du 3 mai 1949 dont est appel par le Conservateur Ruamps, le tribunal a condamné celui-ci à délivrer à la Société France-Outremer un état ne faisant pas mention de l'hypothèque légale de la dame Plault ;

Attendu que ce jugement a, en outre, condamné le Conservateur Ruamps en 20.000 fr. de dommages et intérêts envers la Société France-outremer ainsi qu'aux dépens;

Attendu, toutefois, que depuis le jugement dont est appel, le divorce ayant été prononcé entre les époux Plault-Dupuy par jugement du 12 mai 1948 et un notaire commis ayant dressé le 15 février 1949 l'état liquidatif de la communauté ayant existé entre les époux, un jugement du 7 juillet 1949, intervenu d'ailleurs uniquement entre les époux divorcés et consacrant l'accord intervenu entre ceux-ci devant le notaire liquidateur, a ordonné la mainlevée pure et simple de l'inscription prise le 17 avril 1946, relativement à l'immeuble;

Attendu que cette inscription fut ainsi radiée et la Société France-Outremer mise en possession du solde de 400.000 fr., lequel avait été bloqué 16 mois;

Attendu, enfin, que la Société France-Outremer a été admise au bénéfice de la liquidation judiciaire avec M° Toulat comme liquidateur;

Attendu qu'il est de principe certain, consacré par une jurisprudence unanime, qu'un Conservateur des Hypothèques a essentiellement un rôle purement passif, aussi bien en matière d'inscription qu'en matière de transcription ou en matière de délivrance d'états qu'il doit délivrer dans le cadre de la réquisition qui lui a été adressée, son Rôle étant à cet égard limité à la constatation pure et simple de l'existence matérielle inscriptions dont il ne lui appartient pas apprécier le mérite ou la validité ;

Attendu qu'il est également unanimement admis que, dans le doute pouvant exister sur le point de savoir si une inscription, qui n'est ni radiée ni périmée, produit un effet utile, le Conservateur doit la mentionner sur l'état qu'il est appelé à délivrer et qui doit être l'expression fidèle de son registre ;

Attendu que, le 20 février 1948, quand il fut requis de délivrer un état des inscriptions grevant l'immeuble, le conservateur Ruamps se fut-il reporté à ce moment à son registre des transcriptions qu'il eut, alors uniquement constaté, par la transcription opérée le 25 septembre 1945, que la dame Plault avait, le 5 septembre 1945, renoncé à son hypothèque légale;

Or attendu que c'est à tort que la dame Dupuy, divorcée Plault, ainsi que la Société France-Outremer, soutiennent que cette seule constatation matérielle d'une renonciation faite antérieurement à la réquisition d'inscription de l'hypothèque légale, adressée le 17 avril 1946, imposait au Conservateur de s'abstenir de mentionner l'hypothèque légale sur l'état qu'il délivra le 20 février 1948 ; qu'en effet, la constatation qui précède ne donnait pas au Conservateur la certitude absolue que l'immeuble se trouvait, au résultat de cette renonciation. affranchi définitivement de l'hypothèque légale de la dame Plault;

Attendu que l'hypothèque légale de la femme mariée est générale, rétroagit au jour de la célébration du mariage et confère à la femme mariée un droit de suite;

Attendu qu'elle frappe ainsi, en principe, non pas seulement les immeubles possédés par le mari ou par la communauté le jour de la réquisition d'inscription de l'hypothèque légale, mais bien aussi les immeubles qui ont appartenu au mari ou à la communauté et quand bien même ils auraient été vendus ; que dès lors, en l'espèce l'immeuble était affranchi de l'hypothèque légale de la dame Plault que tout autant que la renonciation du 5 septembre 1945 était valable et reproduisait un effet utile, ce que le conservateur Ruamps, à raison du rôle passif qu'il jouait, n'avait pas le droit d'apprécier, ni le 25 septembre 1945; ni le 20 février 1948;

Attendu qu'il n'en avait d'ailleurs pas les moyens puisque le 25 septembre 1945, lors de la transcription de l'acte contenant cette renonciation, il avait été contraint d'opérer la transcription par cela, seul que celle-ci avait été requise, sans nullement pouvoir à ce moment, pas plus que le 20 février 1948, lors de la délivrance de l'état des inscriptions, d'exiger des parties la production de titres justificatifs de la validité de la renonciation de la dame Plault, la loi ne permettant au Conservateur pareille exigence de pièces justificatives que seulement en matière de radiation ;

Attendu que ces principes n'ont été nullement modifiés, ni par la loi du 13 février 1889, ni par le décret-loi du 11 juin 1938, lequel n'a fait, en effet qu'autoriser la renonciation de la femme mariée au bénéfice de son hypothèque légale même en tant que celle-ci garantit. la pension alimentaire judiciairement allouée à la femme;

Attendu que ces deux textes législatifs n'ont pas modifié la nature et le caractère de la mission dont le Conservateur est investi;

Attendu que c'est à tort que la dame Plault soutient, que, depuis le décret-loi de 1938, qui autorise désormais la Renonciation même dans la mesure ou l'hypothèque garantie la pension alimentaire et à la seule condition que cette renonciation soit expressément constatée après lecture de l'Art. 2135 nouveau, un Conservateur ne peut plus aujourd'hui mettre en doute la validité d'une renonciation; qu'en effet la renonciation peut encore être ultérieurement contestées et voire même éventuellement annulée, pour un motif de droit commun, soit, pour vice du consentement ou pour incapacité de la femme, soit encore comme conséquence de l'annulation de la vente ou de la résolution de celle-ci pour défaut de paiement du prix ou de sa rescision pour lésion ;

Attendu qu'il demeure donc, malgré la constatation matérielle d'une renonciation de la femme, que l'hypothèque légale générale et rétroactive en principe, est susceptible éventuellement de frapper l'immeuble vendu aux termes d'un acte transcrit, contenant renonciation à l'hypothèque légale;

Attendu que vainement la dame Dupuy, divorcée Plault, soutient-elle que du moins après sa renonciation du 5 septembre 1945, un effet utile de son hypothèque relativement à, l'immeuble vendu à la dite date n'apparaissait que comme une simple éventualité, d'ailleurs improbable et dont ne devait pas tenir compte le Conservateur, tenu de révéler l'état juridique de l'immeuble d'après les apparences au jour de la demande d'état des inscriptions;

Attendu, il est vrai qu'aux termes de l'Art. 9 de la loi du 23 mars 1855, modifié par celle du 13 février 1889 dont se prévaut la dame Dupuy, divorcée Plault, la renonciation par la femme mariée à son hypothèque légale au profit de l'acquéreur de l'immeuble, en emporte l'extinction et vaut purge à partir de la transcription de l'acte d'aliénation si la renonciation y est connue;

Attendu que, si cette purge s'opère de plein droit, la loi de 1889 précitée n'a nullement pour autant modifié le rôle dont est investi le Conservateur lorsque, après pareille transcription, il est requis de procéder à l'inscription de l'hypothèque légale de la femme, et, ensuite, à la délivrance d'un état des inscriptions; que, depuis la loi de 1889 et encore après la réforme de 1938, le Conservateur reste tenu d'inscrire l'hypothèque légale dans le cadre de la réquisition qui lui est adressée ;

Attendu qu'il s'en suit que cette hypothèque étant générale et rétroactive, ce ne sera que si la réquisition d'inscription comporte une véritable spécialisation de l'hypothèque, l'assimilant à une hypothèque conventionnelle, que le Conservateur devra considérer l'hypothèque comme ne frappant que les seuls immeubles formellement énoncés à la réquisition ;

Attendu que semblable spécialisation nécessaire ne pourrait résulter d'une mention expresse du bordereau de réquisition d'inscription excluant des immeubles aliénés à la date de la réquisition que si ces immeubles étaient du moins bien précisés et identifiés dans la réquisition ;

Attendu que toute la doctrine et la jurisprudence s'accordent pour affirmer que, sans équivoque possible, il faut dans une réquisition d'inscription, entendre par « biens présents » tous les biens qui appartiennent au mari au jour où le droit de la femme prend naissance, c'est-à-dire au jour du mariage;

Attendu que les « biens présents et à venir » sont ainsi tous ceux qui ont appartenu, appartiennent ou appartiendront au mari ou à la communauté, depuis le jour du mariage jusqu'à l'extinction de créances légalement protégées par l'hypothèque de la femme ;

Attendu qu'il s'ensuit qu'on ne saurait considérer une réquisition d'inscription d'hypothèque légale sur « les biens présents et à venir » comme excluant les immeubles que le mari a aliénés entre le jour du mariage et le jour de la réquisition; qu'il en est ainsi en l'espèce quand bien même le bordereau énonçait « les biens présents et à venir que M. Plault possède ou pourra posséder » (sic) ;

Attendu que le mot « possède » signifie en principe « possède au jour du mariage » comme le mot « présent » signifie « présent au jour du mariage »;

Attendu, dans tous les cas, que le mot « possède » ne saurait pour le moins suffire pour spécialiser l'hypothèque dont l'inscription est requise, alors que seule une spécialisation eut limité la portée de la réquisition d'inscription d'une hypothèque générale ;

Attendu, sans doute, que, d'un point de vue général, un peut regretter que le rôle du Conservateur soit limité ainsi qu'il est rappelé au présent arrêt, et que, voulant faciliter le crédit des hommes mariés, le législateur de 1938 n'ait pas en même temps modifié la mission des conservateurs ;

Mais attendu qu'en l'état de la réglementation en vigueur, on ne saurait décider que le conservateur Ruamps ait commis une faute le 20 février 1948 en mentionnant l'hypothèque légale de la dame Plault sur l'état qu'il délivrait, encore bien, qu'à la vérité, cet état ne faisait pas connaître la situation juridique exacte apparente de l'immeuble puisque, par l'effet de la renonciation au 5 septembre 1945, à présumer valable, et qui apparemment emportait extinction de plein droit et valait purge, l'immeuble en était apparemment affranchi ;

Attendu que pour renseigner efficacement le sous-acquéreur « Electricité de France », il eut fallu, des l'instant que le Conservateur faisait figurer sur son état des inscriptions l'hypothèque légale de la dame Plault, qu'il y mentionne également la transcription, opérée le 25 septembre 1945, de la renonciation de la dame Plault ou qu'il délivre, en même temps que l'état des inscriptions, un état des transcriptions;

Mais attendu qu'on ne saurait, en l'état actuel de la réglementation de la mission des Conservateurs, décider qu'en s'abstenant de le faire c'est-à-dire en s'abstenant de prendre cette initiative, le Conservateur ait commis une faute ; qu'en effet, la réquisition du 20 février 1948 ne tendait qu'à la délivrance d'un état des inscriptions grevant l'immeuble et nullement d'un état révélant la situation de l'immeuble d'après les énonciations de tous les registres, étant constant que moins encore ne fut adressée une réquisition tendant à la délivrance d'un état des transcriptions.

Or, attendu que c'est aux parties elles-mêmes, intéressées à connaître la situation exacte, laquelle ne peut leur être révélée que par l'examen tout à la fois du registre des inscriptions et du registre des transcriptions, qu'ils appartient d'adresser au Conservateur des réquisitions en ce sens entraînant d'ailleurs pour elles des frais plus élevés;

Attendu que la Société France-Outremer, qui ne l'a pas fait, était ainsi mal fondée à réclamer des dommages-intérêts; qu'en effet, le simple rapprochement d'un état révélant la renonciation du 5 septembre 1945, si celui-ci avait été demandé, et de l'état des inscriptions délivré le 20 février 1948 eut donné tous apaisements aux parties intéressées et eut ainsi apparemment évité le blocage du solde de 400.000 fr. ;

Attendu qu'il en eut pour le moins été ainsi du jour où les dame Plault encore en instance de divorce mais dont le divorce fut prononcé dès le 12 mai 1948, déclara expressément reconnaître que son hypothèque légale ne frappait pas l'immeuble ;

Attendu que la dame Dupuy, divorcée Plault, excipe de l'intransigeance du conservateur Ruamps qui, assigné en intervention forcée, a simplement déclaré ne pouvoir procéder à la radiation qu'au vu d'un jugement définitif l'ordonnant;

Mais attendu que la Société France-Outremer réclamait des dommages et intérêts alors qu'avaient été prononcés le divorce et la séparation entre les époux Plault, de telle sorte, qu'en l'état, il fallait bien un jugement ;

Or attendu que, dès l'instant que, la mention de l'hypothèque légale sur l'état délivré le 20 février 1948 ne constituait pas une faute, le Conservateur ne pouvait pas être condamné aux dépens de ce jugement nécessaire, dont les frais devaient être supportés par moitié entre la dame Dupuy divorcée Plault, et Société France-Outremer;

Attendu enfin que Gustave Plault, contre qui fut prise l'inscription et qui la subissait, n'a commis la moindre faute et fut à bon droit mis hors de cause;

Attendu qu'il est toutefois en cause d'appel irrecevable et mal fondé à réclamer des dommages et intérêts au Conservateur qui n'a commis aucune faute et qui était son codéfendeur devant le tribunal, Gustave Plault était irrecevable devant la Cour à en réclamer tant à sa femme divorcée qu'à la Société France-Outremer, la demande d'intime à intime étant irrecevable;

Par ces motifs, la Cour... reçoit Ruamps, conservateur du 1er bureau des Hypothèques de Bordeaux, en son appel du jugement du 3 mai 1949 ainsi que la dame Dupuy, divorcée Plault en son appel incident;

Au fond, réformant ledit jugement et repoussant comme irrecevables ou mal fondées toutes conclusions contraires ou plus amples des parties, constate que, depuis ledit jugement, l'inscription de l'hypothèque légale de la dame Plault sur l'immeuble 75, boulevard Pierre-Ier, à Bordeaux, a été radiée en vertu d'un jugement du 7 juillet 1949; dit que la mention de cette inscription sur l'état délivré pal l'appelant le 20 février 1948 ne constituait pas une faute; dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par moitié par la dame Dupuy et moitié par la Société France-Outremer.

Observations. - I. L'arrêt rapporté, longuement motivé rappelle opportunément des principes souvent perdus de vue, même par les tribunaux, ainsi qu'en témoigne le jugement réformé par la Cour d'appel.

Ces principes, que l'action engagée contre le Conservateur mettait en cause, ont trait, l'un à la portée de l'inscription de l'hypothèque légale de la femme mariée, l'autre au rôle du Conservateur en matière de délivrance d'états.

II. La Cour observe tout d'abord que, suivant la doctrine et la jurisprudence, l'inscription de l'hypothèque légale de la femme mariée prise sur les « biens présents et à venir » du mari frappe, non seulement les biens appartenant au mari au moment où l'hypothèque a été inscrite et ceux qui lui sont advenus depuis, mais également ceux qu'il a possédés à un moment quelconque depuis le jour du mariage (Jacquet, Traité des états hypothécaires, n° 90 ; Chambaz et Masounabe, n° 1689-II ; - Cass. 21 février 1849; D.P. 49.1.157; J.C. 494; - C. Bordeaux, 13 février 1935, J.C. 11526, Sem. Jur. 1.936, p. 785).

Elle en conclut justement que, dans l'espèce en cause, le signe hypothécaire représenté par l'inscription prise, le 17 avril 1946, par Mme Plault « sur tous les biens présents et à venir que M. Plault possède ou pourra posséder », sans restriction, atteignait l'immeuble sis à Bordeaux. 75, boulevard Pierre-Ier bien que cet immeuble soit sorti du patrimoine du mari par l'effet de l'acte du 5 septembre 1945, c'est-à-dire à une date antérieure à celle de l'inscription.

III. La Cour rappelle, par ailleurs, qu'en matière de délivrance d'états, le Conservateur a un rôle purement passif et qu'il doit se borner à constater dans les états qu'il délivre l'existence matérielle des inscriptions portant sur les immeubles et concernant les personnes désignées dans la réquisition. Du moment où une inscription frappe l'un de ces immeubles et a été prise contre l'une de ces personnes, elle doit figurer dans l'état, sans que le Conservateur ait à se faire juge du point de savoir si l'inscription ainsi révélée était et est demeurée efficace. (Cass. req. 12 juillet 1881, D.P. 83-1-130, J.C. 3391 ; C. Bordeaux, 13 février 1935, précité ; - Jacquet, Traité des états, n° 217 : - Chambaz et Masounabe n° 1519.)

Il en résulte, dans le cas d'une inscription d'hypothèque légale de femme mariée, que l'Etat requis du chef du mari sur un immeuble qui a appartenu à ce dernier depuis le jour du mariage doit révéler cette inscription, même si l'immeuble a été aliéné et si la renonciation de la femme à son hypothèque légale contenu dans l'acte de vente a opéré purge de cette hypothèque par application de la loi du 13 février 1889.

Si, en effet, cette purge entraîne au profit de l'acquéreur l'extinction du droit hypothécaire de la femme sur l'immeuble en cause, elle ne fait pas disparaître l'inscription. Celle-ci subsiste tant qu'elle n'a pas été radiée ou qu'elle n'est pas périmée et, doit, de ce seul fait, figurer dans l'état.

IV. Il est à noter que, dans l'espèce en cause, la femme qui, dans ses conclusions, reconnaissait que son hypothèque légale ne portait plus sur l'immeuble aliéné par son mari, aurait pu mettre fin au litige en donnant mainlevée de l'inscription en tant qu'elle frappait cet immeuble. Cette mainlevée aurait été valable et aurait autorisé la radiation dans la limite indiquée.

Sans doute, sous l'empire de l'Art. 2135 du Code civil modifié par le décret-loi du 14 juin 1938, la renonciation de la femme à son hypothèque légale au profit de l'acquéreur des biens de son mari est elle frappée d'inefficacité lorsqu'elle intervient après l'inscription de cette hypothèque. La mainlevée donnée comme conséquence d'une telle renonciation est alors elle même inefficace et ne doit, pas être exécutée par le Conservateur.

Mais la situation est différente lorsque la mainlevée est précédée par une renonciation consentie antérieurement à l'inscription de l'hypothèque. Dans cette hypothèse, la renonciation est régulière et rien ne permet plus de contester la validité de la mainlevée qui en est l'exécution.

Au cas actuel où la renonciation était contenue dans l'acte du 5 septembre 1945, alors que l'inscription n'a été prise que le 17 avril suivant, Mme Plault aurait donc pu donner mainlevée de cette inscription au profit de l'acquéreur en tant qu'elle portait sur l'immeuble vendu par son mari. Le Conservateur aurait alors pu radier ou annoter (voir Tribune libre; Bulletin année 1950, p. 67) l'inscription en ce qu'elle frappait l'immeuble en cause et les parties auraient évité les frais d'une instance au payement desquels elles ont été justement condamnées.

Nous croyons savoir que l'arrêt a été déféré à la Cour de Cassation.

Annoter : C.M.L. n° 1614 C et 16l7 ; - de France n° 543 et, 544 ; -Jacquet, Traité des états n° 90 et 2l7