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Art. 99

INSCRIPTION.

Titre.
- Contrainte décernée par le directeur d'un organisme de Sécurité Sociale.

Question. - Les contraintes décernées par le directeur d'un organisme de Sécurité Sociale, en exécution de l'art. 53 bis ajouté à l'ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 par l'art. 5 de la loi n° 51-1059 du 1er septembre 1951, emportent-elles hypothèque ?

Réponse. - D'après la jurisprudence de la Cour de Cassation, il faut, au point de vue du droit hypothécaire qui leur est attaché, distinguer entre les contraintes décernées par des administrations faisant office de juge et celles qui émanent d'autres administrations. Les premières emportent hypothèque par elles-mêmes; la raison en est qu'elles ne peuvent être l'objet d'aucun litige devant les tribunaux et qu'ayant ainsi le caractère de jugement, elles doivent en produire les effets. Les secondes, au contraire, sont malgré leur caractère exécutoire, non des actes de juridiction, mais des actes de simple commandement qu'une simple opposition met en litige devant les tribunaux ; elles ne confèrent pas d'hypothèque à l'administration qui les délivre, sauf le cas où la loi en dispose autrement (req. 9 novembre 1880, D.P. 81-1-251, 5-31-1.304, J.E. 21768, D.P. 5787; civ. 4 décembre 1899, D.P. 1901-1-48; S 1900-1-198,· J.E. 25770, R.P. 9712, R.E. 2230, J.C. 5151, Inst. 3011 § 3 de France, n° 52; Planiol, Ripert et Becqué, n° 591).

Or, le directeur d'un organisme de Sécurité Sociale ne fait pas office de juge lorsqu'il délivre une contrainte. L'exigibilité des sommes dont il poursuit le recouvrement par cette voie peut, aux termes de l'art. 53 bis, 3° alinéa de l'ordonnance du 4 octobre 1945 complétée par l'art. 5 de la loi du 1er septembre 1951, être contestée devant la commission spéciale de première instance. La contrainte décernée pour le recouvrement de sommes dues à un organisme de Sécurité Sociale n'emporte donc pas hypothèque par elle-même.

Mais le 2° alinéa de l'art. 53 bis précité dispose que cette contrainte est « exécutée dans les mêmes conditions qu'un jugement ».

Il semble bien que, en vertu de cette disposition qui n'existe pas en ce qui concerne les autres contraintes, les organismes qui ont décerné une contrainte se trouvent à l'égard du débiteur dans la même situation que s'ils bénéficiaient d'un jugement de condamnation exécutoire et que, par conséquent, ils peuvent se prévaloir de l'hypothèque judiciaire attachée aux jugements par l'art. 2123 du Code Civil. Telle est d'ailleurs l'opinion exprimée dans l'exposé des motifs de la loi du 1er septembre 1951 qui, au sujet des effets de la contrainte s'exprime comme suit : « Cette contrainte ...Elle forme titre exécutoire et permet notamment l'inscription d'hypothèques ou le nantissement sur les biens, etc... » (Journal Officiel, Doc. parl. Assemblée Nationale, annexe n° 12-156 au p.v. de la séance du 9 février 1951). En tous cas, l'interprétation selon laquelle les contraintes délivrées par les organismes de Sécurité Sociale emportent hypothèque peut se défendre d'une manière suffisamment sérieuse pour que les conservateurs ne prennent pas la responsabilité de refuser les inscriptions requises en vertu des contraintes de l'espèce.

Sans doute ces contraintes sont elles susceptibles d'être annulées à la suite de l'opposition du débiteur. Mais cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle à elle seule à l'inscription. L'hypothèque judiciaire est en effet attachée aux jugements, même lorsqu'ils ne sont pas définitifs. C'est le cas notamment lorsqu'ils sont rendus par défaut ou en premier ressort; malgré la possibilité de leur annulation sur opposition ou en appel, ils autorisent le bénéficiaire à requérir l'inscription. Tant que les tribunaux ne se seront pas prononcés autrement, i1 y aura les mêmes motifs de décider que l'hypothèque judiciaire résultant d'une contrainte assimilée à un jugement peut être inscrite, bien que la contrainte soit de nature à être éventuellement annulée.

Annoter : C.M.L. n° 266 et 614 ; de France, n° 52.