Art. 103 INSCRIPTION. En vertu d'un acte de prêt passé, dans la forme des actes sous signatures privées, entre le Crédit National, agissant pour le compte du fonds de modernisation et d'équipement, et la collectivité emprunteuse, un collègue a été requis de prendre une inscription. Dans la lettre reproduite ci-dessous, ce collègue signale au Crédit national les réserves que lui paraît appeler la régularité de l'inscription prise dans ces conditions. Nous la publions à titre de contribution à l'étude des difficultés auxquelles donne lieu l'application de l'art. 12 de la loi du 21 mars 1948 modifiée par l'art. 10 de la loi du 8 avril 1949. (Rappr. Bulletin, art. 6 et 102.) Elle est à rapprocher de l'Art. 6 du Bulletin. Paris, le 13 décembre 1951. Le Conservateur au ... bureau des hypothèques de
la Seine " Monsieur le Directeur général, " Aux termes de l'Art. 12 de la loi du 21 mars 1948, modifié par l'Art. 10 de la loi du 8 avril 1949, portant autorisation de dépenses d'investissement (reconstruction, modernisation et équipement) " lorsque les entreprises, organismes..., auxquels des avances, ou des prêts auront été consentis, soit directement, soit par entremise des établissements de crédit spécialisés, pour le compte du fonds, de modernisation, sont ou deviennent propriétaires d'immeubles, hypothèque doit être consentie sur ces immeubles au profit de l'Etat, dès que le fonds de modernisation où l'établissement de crédit en fait la demande et dans la forme des actes administratifs, en application de l'Art. 14 de la loi des 28 octobre-5 novembre 1790. La mainlevée de l'inscription hypothécaire sera donnée dans les mêmes formes. " Les actes de constitution d'hypothèque ainsi que les actes de mainlevée et les bordereaux d'inscription seront signés pour le compte de l'Etat par le directeur de l'établissement de crédit spécialisé " " Vos services considèrent que ce texte confère aux directeurs des établissements de crédit spécialisés la qualité nécessaire pour donner aux actes d'affectation hypothécaire (et sans doute de mainlevée) la " forme des actes administratifs, en application de l'Art. 14 de la loi des 28 octobre-5 novembre 1190 ". " J'ai l'honneur de vous faire connaître que cette opinion peut prêter à discussion et qu'elle donne lieu, de ma part, aux observations suivantes. " Il résulte de l'Art. 2.127 du Code Civil que l'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par un acte passé en forme authentique devant notaire. " Dérogeant à ce principe, l'Art. 25 de la loi du 5 août 1920, relative au Crédit Agricole, a prévu que " lorsque les sociétés, coopératives ou les sociétés d'intérêt collectif agricole auxquelles sont attribuées les avances à long terme sont ou deviennent propriétaires d'immeubles, hypothèque doit être consentie sur ces immeubles au profit de l'Etat, dès que la Caisse régionale en fait la demande et dans la forme des actes administratifs, en application de l'Art. 14 de la loi du 28 octobre-5 novembre 1790 ". Il est admis que les Préfets, substitués aux directoires de district, sont qualifiés aujourd'hui pour imprimer aux actes le caractère dérivant de la loi de 1790. Dans son instruction du 21 février 1921, n° 3677, la Direction générale de l'Enregistrement commente d'ailleurs la loi de 1920 ainsi : " Ces contrats pourront donc être passés devant les préfets, les sous-préfets ou même devant les maires, qui ont qualité pour passer les actes intéressant le domaine de l'Etat ". (Il est rappelé que la loi de 1790 est relative à la vente, et à l'administration des biens nationaux). " L'Art. 19 modifié de la loi du 21 mars 1948 reproduit textuellement l'Art. 25 de la loi du 5 août 1920. Il ajoute toutefois : " Les actes de constitution d'hypothèque ainsi que les actes de mainlevée et les bordereaux d'inscription, seront signés pour le compte de l'Etat par le directeur de l'établissement de crédit spécialisé. " " La question se pose de savoir quelle interprétation il y a lieu de donner à cette nouvelle disposition. " Dans une première opinion, qui parait la plus conforme à la lettre de la loi, on peut soutenir que les conditions de forme dérivant de la loi de 1790 ne sont pas modifiées. Il est seulement donné délégation aux Directeurs des établissements de crédit de signer, pour le compte de l'Etat, l'acte administratif régulier passé devant le Préfet. On conçoit que cette délégation expresse était nécessaire, les Directeurs d'établissements de crédit privés n'ayant évidemment pas la qualité de représentants de l'Etat (qualité que possède par contre, le Directeur de l'Office National du Crédit Agricole, établissement public). " Dans une seconde opinion, qui paraît être celle de vos services, on admettrait que la disposition dont il s'agit donne pouvoir aux Directeurs des établissements de crédit spécialisés de remplir le double rôle de partie contractante et de rédacteur du contrat, sans aucune intervention du Préfet. A l'appui de cette théorie, on peut faire valoir que l'on reconnaît le caractère d'acte administratif a de nombreux actes, revêtant la forme d'actes sous-seings privés, dès lors qu'ils sont seulement signés par un représentant de l'Administration, sans recours au Préfet. Mais on ne doit pas perdre de vue qu'il s'agit, en l'espèce, d'interpréter un texte qui apporte une dérogation au principe général posé par l'Art. 2127 du Code Civil et qui, par suite, doit être interprété d'une manière restrictive. Au surplus, la forme de l'acte a ici une importance capitale, car il résulte de l'Art. 2117 du Code Civil que l'hypothèque conventionnelle dépend, notamment, " de la forme extérieure des actes et des contrats... ". En vue de prévenir les difficultés que pourrait soulever l'application d la loi du 8 avril 1949, d'une part au point de vue de la. validité des inscriptions hypothécaires qui seraient prises en vertu d'actes de prêt intervenus entre le Crédit National et les bénéficiaires des prêts, d'autre part en ce qui concerne la radiation de ces inscriptions, il y aurait lieu, semble-t-il, de provoquer l'intervention d'un texte interprétatif, si toutefois la passation d'actes administratifs devant le Préfet paraissait irréalisable. Dans cette hypothèse, il serait souhaitable qu'en attendant la publication du nouveau texte une décision du Ministre des Finances soit notifiée aux Conservateurs des hypothèques en vue de préciser le sens que l'Administration donne aux dispositions législatives incriminées, sous réserve de l'appréciation des Tribunaux Civils. L'examen de la difficulté ci-dessus analysée a été provoqué par le dépôt à ma Conservation de l'inscription hypothécaire requise au profit de l'Etat contre la Société Immobilière caution du..., bénéficiaire, au titre du Fonds de modernisation et d'équipement, d'un prêt de 22.700.000 francs. En raison, d'une part, des prescriptions de l'Art. 2199 du Code Civil, qui interdit aux Conservateurs des hypothèques de retarder l'inscription des droits hypothécaires, d'autre part, de l'incertitude qui existe quant à l'interprétation du texte législatif susvisé, j'ai inscrit cette hypothèque le 28 novembre dernier. J'ai estimé, cependant qu'il était opportun de vous informer du caractère incertain de sa validité. Annoter : C.M.L. n° 241, 614, 922; de France, n° 50; Jacquet et Vétillard, Introduction, n° 10-1 et V°, Radiations administratives, n° 4. |