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Art. 118

INSCRIPTION D'OFFICE

femme mariée.
- Vente d'un immeuble propre sans le concours du mari.

Autorisation de justice. - Conditions à remplir pour que l'inscription ne soit pas formalisée.

Question - Suivant acte reçu par M° B..., notaire à C.., le 13 décembre 1951, Mme M... et Mme G... ont vendu à M. A... un immeuble à C... leur appartenant en propre, moyennant le prix de 1.000.000 de francs payé comptant à la vue du notaire et dont les venderesses ont donné quittance.

Mme G..., mariée sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts comparait seule et il est indiqué dans l'acte que, par un jugement du tribunal civil de C... du 20 novembre 1951, elle a été autorisée :

1° A vendre sa part dans l'immeuble en cause,

2° à encaisser sa part du prix sans obligation de remploi,

3° à représenter d'une manière générale son mari dans l'exercice des pouvoirs que le contrat de mariage peut lui attribuer.

En l'état notre collègue à C..., appelé à transcrire l'acte du 13 décembre 1951, demande si la quittance de Mme G... est libératoire et si, en conséquence, il peut s'abstenir de prendre inscription d'office pour sa part dans le prix stipulé.

Réponse : Aux termes de l'art. 216 du Code Civil modifié par la loi du 22 septembre 1942, la femme mariée a la pleine capacité de droit. En principe, elle peut par conséquent, disposer librement de ses biens.

Ses pouvoirs de disposition sont toutefois limités ,sous le régime de la communauté, par ceux d'administration du mari sur les biens propres de sa femme et par le droit de jouissance que possède la communauté sur les mêmes biens.

Il en résulte qu'une femme commune en biens ne peut aliéner seule un immeuble lui appartenant en propre que sous réserve du droit de jouissance de la communauté ; l'aliénation sans réserve de la pleine propriété de cet immeuble nécessite le concours de son mari (trib. Caen, 24 décembre 1942 et trib. Nîmes, 16 décembre 1942. DP. 1944 J. 21 et la note de M. Fréjaville). De plus, le prix de vente, qui est soumis au droit de jouissance de la communauté, ne peut être valablement encaissé que par le mari (Etude Voirin ; DP. 1943 L. 53, n° 22). La quittance donnée par la femme sans le concours de ce dernier n'est pas libératoire et n'éteint pas le privilège du vendeur qui doit dès lors être inscrit d'office par le Conservateur, lors de la transcription de l'acte.

Il peut toutefois être suppléé au concours du mari par une autorisation de justice accordée dans les conditions prévues soit à l'art. 217 du Code Civil, soit à l'art. 219 du même Code.

Lorsque cette autorisation comporte l'encaissement du prix, elle rend le payement libératoire et dispense le Conservateur de prendre l'inscription d'office.

Tous les commentateurs de l'Art. 219 du Code Civil estiment en effet que ce texte s'applique toutes les fois qu'un des époux se trouve hors d'état de manifester sa volonté du fait de l'éloignement, de maladie, etc... (Lagarde, revue trimestrielle de droit civil, 1941, p. 420 ; Voirin J.C.P. 304-20; Lecourt J.C.P. 722 ; Savatier J.C.P. 3887; Carbonnier D. 1947-397 ; Becqué J.C.P. 2451 ; Poitiers, 13 novembre 1946, J.C.P. 388-77).

Lorsque l'autorisation est accordée et que le pouvoir donné est général, la femme est autorisée à exercer tous les pouvoirs du mari comme chef de la communauté. Il n'y a pas simplement « autorisation » mais « habilitation ». Elle représente son mari et à ce titre c'est lui et non elle qui est obligé, à moins qu'elle ne se soit obligée spécialement ; si elle vend un bien propre et en encaisse le prix, elle vend valablement là une propriété en vertu de sa capacité personnelle et l'usufruit comme représentant son mari (Albi 25 novembre 1948 et 1er mars 1950 J.C.P. 5649).

Sans doute, le Journal des Notaires (Note Maguet, art. 42229) .émet-il des doutes sur la valeur de l'habilitation générale ainsi accordée. Cela tient à ce que le notaire, en tant que conseil des parties, ne doit pas se contenter d'un jugement d'expédient ou surpris à la bonne foi du tribunal. Il est tenu de s'assurer qu'en fait l'autorisation est justifiée. Le Conservateur, au contraire, n'étant à aucun titre le conseil des parties, n'étant pas tenu à des recherches extrinsèques, ne doit prendre l'inscription d'office que si l'acte transcrit révèle que le paiement du prix n'est pas libératoire ,notamment parce que le pouvoir transcrit ne comporte pas celui de toucher le prix (Jacquet, traité du privilège du vendeur, n° 206). Mais il n'a pas à s'inquiéter de savoir si le pouvoir correspond aux intérêts du mandant, s'il ne comporte point dans la partie non transcrite des restrictions ou des conditions, etc... (Précis Chambaz et Masounabe n° 711-10; J. Conserv. 9373-9449). Ainsi qu'il est soutenu non sans raison, le Conservateur doit admettre la validité des clauses transcrites toutes les fois qu'il ne peut en prouver la non validité.

Au cas particulier, la transcription contient la copie du dispositif du jugement d'habilitation de la femme pour « encaisser le montant de son attribution sans obligation de réemploi et « représenter d'une manière générale son mari dans l'exercice des pouvoirs que le contrat de mariage peut lui attribuer ».

Le Conservateur n'a pas (parce qu'il ne le peut pas), à contester que le tribunal accorde à la femme le pouvoir d'encaisser le prix et ensuite celui de signer les actes de vente et de quittance pour le compte de son mari. Il ne peut soutenir qu'il ignore si le jugement a été rendu en application de l'Art. 217 (la femme ne pourrait alors représenter son mari) ou de l'Art. 219, car il ne pourrait exiger cette précision qu'en s'érigeant comme juge du juge. Il suffit que le dispositif soit conforme à ce dernier Art. pour qu'il considère qu'il en est l'application. C'est au tribunal et non à lui qu'il appartient de décider il y a lieu d'appliquer l'Art. 217 ou l'Art. 219.

La seule question qui puisse se poser est de savoir si le jugement couvre la responsabilité du Conservateur. Elle le couvre indiscutablement s'il a acquis l'autorité de la chose jugée. Dans la négative c'est douteux et ce doute pourrait justifier l'inscription d'office.

S'agissant d'un jugement rendu en la chambre du conseil (cf art. 863) du Code de procédure civile et en l'absence d'un défendeur, il ne peut acquérir l'autorité de la chose jugée que s'il est signifié au Procureur de la République et, si ce dernier ne l'a pas frappé d'appel dans le délai imparti (Loi du 15 juillet 1944, art. 6).

Dès lors, si les certificats de signification et de non appel par le ministère public ne sont pas transcrits, et si, par ailleurs, la signification du jugement et l'absence d'appel ne sont pas constatés dans l'acte soumis à la formalité, il y a lieu de formaliser l'inscription d'office en la motivant par l'absence d'indications au sujet du caractère définitif du jugement.

Annoter : C.M.L. n° 70 Jasquet, n° 196 - de France, n° 162; Jacquet et Vétillard, V° inscription d'office, n° 22.