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Art. 149

CAUTIONNEMENTS DES CONSERVATEURS.

Actions des sociétés d'investissement.

En publiant, sous l'art. 146 du Bulletin, l'art. 15 de la loi n° 53-143 du 25 février 1953, nous avons exprimé l'avis que les actions des sociétés d'investissement pouvaient être affectées à la constitution des cautionnements ou des suppléments de cautionnements des Conservateurs.

Consultée à ce sujet par la Direction générale, l'Agence judiciaire du Trésor s'est prononcée en sens contraire. D'après ce service l'art. 15 de la loi du 25 février 1953 viserait uniquement le cas des incapables et ne serait pas applicable aux Conservateurs des hypothèques.

Il ne semble pas que le texte dont il s'agit autorise une interprétation aussi restrictive.

Sans doute est-ce le cas des incapables qu'ont eu plus spécialement en vue les auteurs du projet. Aussi !'exposé des motifs ne fait-il allusion qu'au placement des fonds des incapables (Documents parlementaire, Ass. Nat., Annexes n° 1935 et 3135; V. égal. les rapports de M. Charles Barrangé, au nom de la Commission des Finances, annexes n° 2704 et 3°68).

Mais s'il en est ainsi, c'est parce que les rédacteurs de cet exposé des motifs n'ont considéré que le. cas le plus fréquent. Il est incontestable que le texte légal a une portée plus étendue, puisque, après avoir visé explicitement l'emploi des fonds des incapables et des femmes mariées, il ajoute : " et en général de tous les particuliers autorisés ou obligés à convertir leurs capitaux en rentes sur l'Etat... ou en achats d'immeubles, que cette obligation résulte de la loi, d'un jugement, d'un contrat ou d'une disposition entre vifs ou testamentaire... ".

Cette dernière phrase ne s'expliquerait pas si le bénéfice de la nouvelle disposition devait être limité au cas des incapables. En réalité elle donne au texte un caractère indéniable de généralité qui contredit manifestement la thèse restrictive défendue par l'Agence judiciaire du Trésor.

Il n'est pas douteux au surplus que les Conservateurs des hypothèques entrent dans la catégorie des " particuliers autorisés ou obligés à convertir leurs capitaux en rentes sur l'Etat ou... en achats d'immeubles ".

Lorsque les Conservateurs constituent leur cautionnement, c'est en effet leurs capitaux particuliers qu'ils convertissent en rentes ou en immeubles. Cette conversion opérée pour satisfaire à une obligation légale entre sans nul doute dans les prévisions de l'art. 15 de la loi du 25 février 1953.

Cette conclusion tirée de la lettre du texte est en outre conforme à son esprit.

Après avoir rappelé que la protection des fonds des incapables avait été recherchée, par le passé, dans des placements en titres à revenu fixe dont l'émetteur avait une solvabilité indiscutée, l'exposé des motifs explique comme suit le but recherché :

" ...Les variations que subit la situation économique et en particulier les dévaluations monétaires ont enlevé à ces placement la sécurité réelle que l'on s'était efforcé de trouver en eux : l'application de ces règles a, en fait, entraîné des pertes importantes dans les patrimoines à l'égard desquels le législateur avait manifesté un souci particulier de protection.

" Il apparaît ainsi nécessaire d'introduire dans le choix de ces placements une souplesse nouvelle en autorisant l'utilisation des actions des sociétés d'investissement constituées en exécution de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et des textes subséquents.

" La valeur de ces titres est appelée en effet à suivre les fluctuations de la situation économique dans des conditions qui sauvegardent plus efficacement la valeur réelle des sommes qui y seront investies, et, d'autre part, les conditions sévères qui ont été imposées par le législateur dans leur fonctionnement donnent toutes garanties pour la sécurité des fonds qui leur sont confiés. "

Ces motifs s'appliquent également au cas des capitaux affectés aux cautionnements des Conservateurs. Si, en effet, l'achat d'actions de sociétés d'investissement et placement de fonds des incapables est jugée de nature à sauvegarder les intérêts des incapables d'une manière au moins aussi efficace que l'acquisition de rentes sur l'Etat ou d'immeubles, la conversion en actions de même nature des capitaux affectés aux cautionnements des Conservateurs des hypothèques doit, par identité de motifs conférer aux usagers du service hypothécaire une garantie au moins aussi étendue que par le passé.

On peut donc soutenir avec les plus grandes chances de succès que, sous l'empire de l'art. 15 de la loi du 5 février 1953, les Conservateurs sont autorisés à constituer leur cautionnement en actions de sociétés d investissement et spécialement en actions de la Société Nationale d'Investissement (lesquelles se négocient en Bourse).

Néanmoins, si l'Agence judiciaire du Trésor ne revient pas sur sa décision, il ne restera aux Conservateurs qui auraient l'intention d'affecter des titres de l'espèce à leur cautionnement et spécialement au supplément de cautionnement à constituer en exécution du décret du 21 mai 1953, d'autre alternative que de renoncer à leur projet ou de soumettre le litige au Conseil d'Etat.

Les collègues que, la question intéresserait et qui seraient disposés à se joindre à un pourvoi à former éventuellement contre la décision de l'agence judiciaire sont priés d'en aviser M. Revol, Conservateur au 2° bureau des hypothèques de la Seine, 35, rue du Plateau, Paris (19°).