Art. 183 INSCRIPTION D'OFFICE. Remembrement dans les localités sinistrées. Arrêtés de clôture. - Soultes non payées stipulées à la charge ou au profit des Associations syndicales Le Ministre de la Reconstruction et du Logement a saisi la Direction Générale de difficultés survenues à l'occasion de transcriptions d'arrêtés de clôture d'opérations de remembrement d'immeubles sinistrés et portant sur le point de savoir si les conservateurs des hypothèques doivent prendre l'inscription d'office lorsque ces arrêts stipulent une soulte non payée soit à la charge soit au profit des associations syndicales. Consulté à ce sujet par la Direction Générale, le Président de l'A.M.C. a formulé l'avis suivant : I. - Soultes mises à la charge des Associations
syndicales. Une fois les terrains transférés aux associations
syndicales, les propriétaires sinistrés, sont entièrement
et définitivement dépossédés, au profit des
associations et ne possèdent plus contre elles qu'un simple droit
de créance à caractère immobilier (art. 24 de la
loi du 11 octobre 1940 ; 12 juillet 1941 modifiée par les art.
20 et 21 de la loi du 7 octobre 1942. ) Dès lors, lorsque l'arrête de clôture
intervient, c'est ce droit de créance, et non le terrain dont ils
ont été dépossédés, que les sinistrés
abandonnent à l'Association en échange d'un nouveau terrain.
Ceci exposé, lorsqu'une soulte est prévue au profit du sinistré, l'opération peut s'analyser juridiquement de plusieurs manières différentes, entre lesquelles l'imprécision des textes régissant les opérations des associations syndicales ne permet pas de choisir avec certitude. A) En premier lieu, si on entend le terme « créance
» dans son sens large, on peut considérer que le droit que
le propriétaire sinistré a reçu, lors de la constitution
de l'association syndicale, est analogue au droit social des membres des
sociétés du droit commun. Dans cette hypothèse, l'attribution par l'association
au sinistré d'un nouveau terrain revêtirait le caractère
d'un allotissement et la stipulation d'une « soulte » au profit
du sinistré apparaîtrait comme un allotissement supplémentaire
d'une somme en espèces payable à terme. Cette stipulation ne pourrait dès lors en aucun cas donner naissance au privilège du vendeur et par suite motiver l'inscription d'office. B) Si on donne au terme « créance »
un sens plus étroit, l'opération peut alors apparaître
comme une dation en payement à concurrence de la valeur du terrain.
Dans cette mesure, l'attribution du terrain au sinistré étendrait
la créance immobilière de ce dernier; elle la cesserait
au contraire subsister pour le surplus. La stipulation d'une « soulte » ne serait ainsi que la constatation de la survivance d'une partie de la créance originaire. Ne donnant naissance à aucune créance nouvelle
susceptible d'être garantie par le privilège du vendeur,
l'opération ne justifierait donc en aucun cas l'inscription d'office.
C) Dans une troisième hypothèse, on peut encore considérer l'opération, comme l'abandon par le sinistré de l'intégralité de sa créance immobilière moyennant l'attribution d'un terrain et une somme d'argent payable à terme. La créance immobilière se trouverait ainsi entièrement éteinte et le sinistré ne posséderait plus, du chef de la « soulte » stipulée à son profit, qu'une créance mobilière. La « soulte » représenterait alors
le prix d'une partie de la créance abandonnée. C'est par
suite sur cette créance de caractère immobilier que pourrait
porter le privilège du vendeur inscrit d'office par le conservateur.
Mais, en réalité, l'abandon de la créance
à l'Association aurait pour effet de réunir sur la tête
de cette dernière la double qualité de créancier
et de débiteur et par suite d'éteindre la créance
par confusion, de sorte que le privilège disparaîtrait faute
d'objet au moment même où il prendrait naissance. Il n'en serait autrement que si, malgré la réunion
sur une même tête des qualités de créancier
et de débiteur, la créance pouvait subsister en raison des
charges réelles dont elle est susceptible d'être grevée.
Mais l'inscription d'office qui serait prise dans cette
hypothèse serait alors sans portée. En exécution de la règle générale inscrite dans l'art. 24 de la loi du 11 octobre-12 juillet 1941 modifié par la loi n° 52-1266 du 29 novembre 1952, le privilège du vendeur grevant la créance immobilière devrait, en effet, être reporté sur le terrain attribué au sinistré dans la forme prévue par l'art. 49 de l'arrêt du 11 octobre 1946. De la sorte ce privilège se trouverait finalement frapper un immeuble appartenant au titulaire de la créance garantie et pratiquement serait ainsi éteint. C'est par suite un privilège inexistant, qui révélerait aux tiers l'inscription qui serait prise d'office. C'est là un motif qui dispense le conservateur de formaliser cette inscription. En définitive, j'estime que la transcription des décisions de clôture de remembrement ne peut motiver en aucun cas l'inscription d'office contre l'association syndicale. II. - Soultes mises à la charge des sinistrés.
L'inscription d'office contre ces sinistrés ne
peut se justifier que si on reconnaît à l'opération
le caractère juridique d'une dation du terrain en payement de la
créance du sinistré à concurrence du montant de cette
créance et d'une vente du surplus du terrain. Il en serait différemment si, pour les motifs
indiqués au § I ci-dessus, on pouvait considérer qu'il
s'agit d'un allotissement. La soulte stipulée aurait alors le caractère
d'une soulte de partage. Son payement serait dès lors garanti,
non par le privilège du vendeur, mais par celui du copartageant,
lequel ne peut pas faire l'objet d'une inscription d'office. Annoter : Jacquet, Traité du privilège
du vendeur, n° 55; C.M.L. n° 66; de France, n° 145. |