Art. 187 INSCRIPTION D'OFFICE. Immeubles indivis. - Licitation au profit de l'acquéreur des droits d'un des coindivisaires originaires. - Caractère de partage. - Prix non payé. Privilège du copartageant. - Pas d'inscription d'office. Question. - L'acte par lequel un
immeuble indivis entre des cohéritiers, et l'acquéreur des
droits d'un autre cohéritier est attribué en entier à
ce dernier entre-t-il dans la catégorie des actes équipollents
à partage, donnant éventuellement naissance au privilège
du copartageant, ou doit-il être considéré comme une
vente génératrice, le cas échéant, du privilège
du vendeur ? Réponse. - Cette question
a donné o lieu à de nombreux arrêts de la cour de
cassation, quelques-uns en matière civile, les autres en matière
fiscale. 1° Matière civile. - En matière
civile, la Cour Suprême a nettement reconnu aux actes de l'espèce
le caractère déclaratif attaché par l'art. 883 C.
Civ. aux partages ou aux actes équipollents à partage. A cet égard, un premier arrêt de la Chambre
Civile du 27 janvier 1857 (S. 1857-1-665; D.P. 1857-1-56 ; J.C. 1390)
est particulièrement explicite. « Attendu, porte cet arrêt, qui, du rapprochement
des art. 883, 1476 et 1782 du Code Napoléon, il résulte
qu'il est de principe général, en matière de partage,
que chaque copartageant est censé avoir succédé seul
et immédiatement à tous les effets compris dans son lot
ou à lui échus sur licitation et n'avoir jamais eu la propriété
d'autre effets ; qu'aucune disposition de la loi n'exige, pour l'application
de ce principe, que les cohéritiers ou associés le soient
devenus au même titre ; que s'il résulte des lois spéciales
sur l'enregistrement que les dispositions de l'art 883 ne sont pas applicables
dans les matières que ces lois régissent, elles reprennent
tout leur empire dans les; matières du droit commun. « Attendu que la vente qu'un cohéritier
fait de ses droits successifs à un tiers emporte, lorsque le retrait
n'a pas été exercé, subrogation pleine et entière
de l'acquéreur dans les droits de son vendeur ; que l'acquéreur
peut, comme le vendeur l'aurait fait lui-même, demander le partage
des biens communs ; que si le partage s'opère en nature, l'acquéreur
est censé avoir, du chef de son vendeur, succédé
seul et immédiatement à tous les effets compris dans son
lot ; qu'il serait impossible, sans violer le principe d'égalité
qui doit régner dans les partages, que les immeubles compris dans
le lot du cessionnaire fussent grevés des hypothèques créées
par les copartageants durant l'indivision, pendant que les immeubles échus
à ces derniers seraient libres de toute hypothèque de même
nature; qu'il n'en peut être autrement lorsqu'il y a licitation
puisque la licitation est assimilée au partage ; qu'il suit de
là que la licitation qui s'opère entre l'acquéreur
des droits d'un copartageant et les autres copropriétaires doit
produire le même effet que celle qui aurait lieu entre tous les
cohéritiers avant la vente ». Le caractère déclaratif des actes en cause
a été affirmé à nouveau, bien que d'une manière
incidente par un nouvel arrêt de la Chambre Civique du 29 mai 1876
(S. 1876-l-297; D.P. 1876-1-377; J.C. 3082; A.P. 4665). « Attendu, constate cet arrêt..., que si,
par l'effet déclaratif du partage et conformément à
l'art. 1er, n° 4 de la loi du 23 mars 1855, l'adjudication sur licitation
au profit d'un cohéritier ou copartageant est dispensé de
la transcription, cette exception n'existe pas au profit du tiers étranger
qui est entré dans l'indivision, non en vertu d'un titre commun
à tous les copropriétaires primitifs, mais par suite des
cessions que quelques uns d'entre eux lui avaient faites de leurs parts
indivises. « Que, dans ce dernier cas, l'adjudicataire
n'est affranchi que des hypothèques qui auraient pu être
constituées durant l'indivision par les cohéritiers
autres que ses cédants. « Qu'au contraire, à l'égard de celles
qui précèdent, soit du chef de ces derniers, soit de l'auteur
commun, l'adjudicataire se trouve dans la situation d'un tiers acquéreur
ordinaire ». Si, dans le cas envisagé, l'adjudicataire est
affranchi des hypothèques constituées au cours de l'indivision
par les coindivisaires autres que celui dans les droits duquel il se trouve
subrogé, c'est nécessairement que l'adjudication rétroagit
au jour de la naissance de l'indivision, ou, en d'autres termes, qu'elle
produit, non pas les effets d'une vente, mais ceux d'un partage ou d'un
acte équipollent. Enfin, la Cour a encore confirmé sa jurisprudence,
dans un nouvel arrêt de la Chambre civile du 9 mars 1886 (S. 188S-1-241
; D.P. 1886-1-353 ; J.C. 3733 ; R.H. 14) par lequel, dans une espèce
complexe, où il s'agissait d'un partage de société
attribuant les immeubles sociaux à un associé substitué
en cours de société aux apporteurs originaires, elle a reconnu
à cette attribution le caractère déclaratif. On peut donc considérer la jurisprudence de la
Cour de Cassation. comme fixée en ce sens qui, dans les matières
civiles, les actes qui mettent fin à une indivision en attribuant
l'immeuble indivis à l'un des coindivisaires ont le caractère
juridique d'un acte équipollent à partage, sans qu'il y
ait lieu de distinguer selon que l'attributaire est ou non entré
dans l'indivision, en vertu d'un titre commun à tous les copropriétaires
originaires. Un tel acte, lorsque le prix stipulé n'est pas entièrement
payé donne naissance au privilège du copartageant et non
au privilège du vendeur. La doctrine se prononce également en ce sens (Baudry,
Lacantinerie et Wahl. Des successions, t. III, n° 4309; Aubry et Rau,
5 éd., t. x § 625; Garnier. Répertoire général
de l'enregistrement, 7 éd., n° 112). On peut donc tenir pour certain que le conservateur appelé
à transcrire cet acte de l'espèce en cause n'a, en aucun
cas, à prendre l'inscription d'office (Jacquet, Traité du
privilège du vendeur, n° 43-1). 2° Matière fiscale. - En l'état,
on pourrait s'abstenir d'examiner les arrêts intervenus sur la question
en matière fiscale. Cet examen n'est cependant pas sans intérêt,
étant donné que ce sont ces arrêts qui ont parfois
jeté le doute sur l'exactitude de la conclusion à laquelle
on vient de parvenir en matière civile. Les arrêts dont il s'agit; ont été
rendus à l'occasion de difficultés survenues pour l'application
des Art.s 52 et 54 de la loi du 28 avril 1816. La première de ces dispositions, réunissant
au droit de vente à 4 p. 100, le droit proportionnel de transcription
à 1,50 p. 100, décide que « le droit d'enregistrement
des ventes d'immeubles est fixé à 5,50 p. 100 » et
que « la formalité de la transcription au bureau de la conservation
des hypothèques ne donnera plus lieu à aucun droit proportionnel
». Aux termes de la seconde, « dans tous les cas où
les actes seront de nature à être transcrits au bureau des
hypothèques, le droit sera augmenté de 1 1/2 p. 100, et
la transcription ne donnera plus lieu à aucun droit proportionnel
». Sous l'empire de ces textes, il importait dès
lors de distinguer entre, d'une part, les ventes et les autres actes de
nature à être transcrits et, d'autre part, les actes qui
n'avaient pas à être soumis à la transcription. En l'état, la question qui se posait à
la Cour de Cassation était celle de savoir si on pouvait ranger
dans la première catégorie et par suite, à assujettir
au droit de transcription, au moment de leur enregistrement, les actes
par lesquels le propriétaire d'une fraction indivise d'un immeuble
acquérait les parts de tous ses coindivisaires, alors que l'acquéreur
était entré dans l'indivision, non pas en vertu d'un titre
commun à tous les copropriétaires indivis, mais au moyen
de l'acquisition de la part de l'un des copropriétaires originaires.
La Cour l'a d'abord résolue par la négative,
en se fondant sur ce motif que « quelle que soit la dénomination
donnée à un acte par lequel des copropriétaires font
cesser l'indivision, cet acte est un partage et que ce partage n'est pas
soumis à la transcription ». (Arrêts des 14 juillet
1824 et 10 août 1824 ; S. 24-1-342, Inst. 1205-9 ; 22 février
1827, S. 27-1-147 ; 6 novembre 1827, S. 28-1-145, Inst. 1236-5, J.E. 8693
et 8904). Mais il est apparu rapidement que cette jurisprudence
favorisait l'évasion fiscale. Il suffisait en effet à l'acquéreur
d'un immeuble de scinder l'opération et d'acheter d'abord une faible
part indivise de cet immeuble, puis d'acheter le surplus par un second
acte, pour que cette opération, ayant le caractère d'une
licitation, échappait au droit de transcription. Aussi la Cour fut-elle amenée plus pour mettre
fin à cette pratique que pour des motifs d'ordre strictement juridique
(Garnier, Répertoire général de l'Enregistrement,
7° éd., v. Licitation, n° 152 : Dictionnaire de l'Enregistrement,
4 éd. v. Partage-Licitation, n° 390), à réviser
sa position originaire. C'est dans ces conditions que, dans une nouvelle série, d'arrêts, elle a décidé que les actes d'acquisition de parts indivises d'immeubles faisant cesser l'indivision, lorsque l'acquéreur n'avait pas un titre commun avec les autres indivisaires, ne revêtaient pas le caractère d'un partage et devaient être considérés comme des actes de vente auxquels les dispositions de l'art. 883 du Code Civil sur l'effet déclaratif du partage n'étaient pas applicables (21 janvier 1840, S. 40-1-309, J.E. 12460, Inst. 1618 § 10 ; ch. réunies, 19 décembre 1845, S. 46-1-113, J.E. 13885, Inst. 1755, § 15; 11 février 1846, S. 46-1-113, J. E. 13929, Inst. 1767, § 12 ; 9 novembre 1847, S. 48-1-160; Inst. 1814, § 19; 26 janvier 1848, D.P. 48-1-56, S. 48-1-246, Inst. 1814, § 19, J.E. 14421 ; 18 décembre 1848, D.P. 48-5-851, S 49-1-304, Inst. 1837, § 15, J.E. 14634; 14 février 1849, D.P. 49-5-380, Inst. 1837, § l5-4, J.E. 14671) Ainsi, en 1857, lorsque s'est posée devant la
Cour de Cassation, en matière civile la question de savoir quelle
était la nature juridique des actes susvisés, la jurisprudence
de la Cour, formée à l'occasion d'affaires fiscales était
déjà fixée en ce sens que, pour la perception fiscale,
ces actes étaient des ventes. L'arrêt rendu, en matière civile, le 27
janvier 1857 (reproduit au § I, supra ne marque cependant pas un
revirement de la jurisprudence de la Cour Suprême. Il exprime seulement
l'intention de la Cour de donner à la question posée une
solution différente selon que cette question se pose en matière
de droits d'enregistrement ou dans une matière du droit commun.
C'est ce qui ressort du passage des motifs de l'arrêt
aux termes duquel « s'il résulte des lois spéciales
sur l'enregistrement que les dispositions de l'art. 883 ne sont pas applicables
dans les matières que ces lois régissent, elles reprennent
tout leur empire dans les matières du droit commun ». Cet argument est sans doute loin d'être sans réplique.
En effet, les arrêts qui, avant 1857, avaient reconnu
le caractère translatifs aux actes en cause, pour les assujettir
au droit de transcription s'étaient appuyés, non pas sur
des dispositions des lois spéciales sur l'enregistrement, mais
sur l'analyse des contrats en droit civil, de sorte que ces arrêts,
bien que survenus à l'occasion de litiges d'ordre fiscal, avaient
comme celui de 1857, statué en droit civil. Il n'en reste pas moins certain que la distinction entre
la matière fiscale et la matière civile correspond à
l'intention de la Cour. Tout d'abord, saisie à nouveau de la question
de l'assujettissement des actes en cause au droit de transcription, la
Cour a, dans une nouvelle série d'arrêts confirmé
sa jurisprudence antérieure (9 janvier 1854, S. 54-1-124, Inst.
2016, § 6; req. 2 mars 1858, R.P. 980, J.E. 16725, Inst. 2137, §
15; req. 21 juillet 1858, D.P. 58-1-456, S. 58-1-767, R.P. 1075, J.E.
16T94, Inst. 2137, § 6; circ. 15 mars 1870, D. P. 70-1-230, S. 70-1.-270,
R.P. 3089, Inst. 2402-4 ; circ. 17 janvier 1881, D.P. 81-1-168; S. 81-1-229,
R.P. 5675, Inst. 2650, § 2). De plus, dans les conclusions qu'il a présentées
dans l'instance terminée par l'arrêt du 15 mars 1870, l'avocat,
général Blanche a nettement mis en lumière la distinction
faite par les arrêts entre les matières civiles et celles
relatives au droit fiscal. On lit, en effet, dans ces conclusions : « Il (le jugement attaqué) objecte... que
les hypothèques consenties sur l'immeuble du chef des colicitants
vendeurs se trouvent de plein droit résolues par le contrat, et
dès lors que cet acte n'est pas sujet à la transcription.
Si la question fiscale devait se résoudre par les règles
de droit civil, l'argument devrait être examiné et, peut-être
la réfutation n'en serait-elle pas difficile. Que les hypothèques
consenties sur l'immeuble du chef des colicitants non adjudicataires soient
résolues par l'effet de la cession, c'est ce qui ne fait pas de
doute. Vous l'avez catégoriquement décidé en matière
civile par un arrêt du 27 janvier 1857. Mais qu'advient-il des hypothèques
inscrites du chef du copropriétaire qui a cédé ses
droits au tiers acquéreur ? Elles demeurent intactes, et par l'effet
de l'indivisibilité de la garantie, elles se répandent sur
la totalité du bien. N'y aurait-il pas là une cause suffisante
à la perception du droit de transcription ? C'est ce que je n'ai
pas à examiner. La question ne se place pas sur ce terrain ;
elle est résolue par d'autres motifs tirés de la législation
spéciale que vous avez à appliquer et cela suffit, selon
moi, à justifier la cassation du jugement ». (R. P. 3089,
p. 156 et 157). La distinction que faisait la Cour suprême entre
les matières civiles et celles relatives aux droits d'enregistrement
a d'ailleurs été finalement abandonnée. Un nouvel
arrêt du 10 novembre 1891 (S. 1892-1-103, D. P. 1892-1-517, R. P.
7737), tout en consacrant, comme les précédents, l'exigibilité
du droit de transcription, fonde, en effet, sa décision, non plus
sur le caractère translatif que les décisions antérieures
attribuaient au contrat,, au regard de la perception des droits d'enregistrement,
mais sur des motifs en harmonie avec la jurisprudence civile. « Attendu, porte cet arrêt, que si, par l'effet
déclaratif du partage et conformément à l'art. 1er,
n° 4, de la loi du 23 mars 1855, l'adjudication sur licitation au
profit d'un cohéritier ou d'un copartageant est dispensée
de la transcription, cette exemption n'existe pas au profit d'un tiers
étranger qui est entré dans l'indivision, non en vertu d'un
titre commun à tous les copropriétaires précédents,
mais par suite des cessions que quelques-uns d'entre eux lui avaient faites
de leurs parts indivises ; « Que, dans ce dernier cas, l'adjudicataire n'est
affranchi que des hypothèques qui auraient pu être constituées
durant l'indivision par des cohéritiers autres que ses cédants
; « Qu'au contraire, à l'égard de celles
qui procédaient, soit du chef de ces derniers, soit de l'auteur
commun l'adjudicataire se trouve dans la situation d'un tiers acquéreur...
» Ce sont là les termes mêmes de l'arrêt
rendu en matière civile, le 29 mai 1876 (v. ci-dessus, § I).
Ainsi, selon la nouvelle jurisprudence résultant
de l'arrêt du 10 novembre 1891, le contrat par lequel le tiers qui
a précédemment acquis les droits indivis d'un cohéritier
se rend acquéreur des droits indivis de tous les autres cohéritiers
s'analyse au regard de la perception des droits d'enregistrement de la
même manière qu'en matière civile : ce contrat a le
caractère d'une licitation équipollente à partage,
mais il est sujet à transcription en raison de la possibilité
pour le tiers acquéreur de procéder à la purge des
hypothèques constituées par son cédant ou par l'auteur
commun. C'est sur cette dernière considération, et non plus
sur le caractère de vente que les arrêts précédents
attribuaient a la convention, que la cour fonde désormais l'exigibilité
du droit de transcription. Conclusion. - En résumé, la jurisprudence
a toujours considéré les actes dont il s'agit comme ayant
le caractère déclaratif, en matière civile. Au regard de la perception des droits d'enregistrement,
après avoir adopté la même attitude, elle a assimilé
ces actes à des ventes, mais pour des motifs tirés, dans
l'esprit de la Cour, de règles particulières à la
législation fiscale, de sorte que les arrêts rendus en cette
matière ne portent pas atteinte aux règles du droit civil.
Elle a finalement abandonné cette interprétation pour reconnaître
à nouveau aux actes en cause le caractère déclaratif
comme en matière civile. En l'état actuel de la question, on doit donc
considérer que les actes dont il s'agit ont, à tous égards,
le caractère déclaratif et que les doutes qu'ont pu faire
naître sur ce point, à une certaine époque, les arrêts
de la Cour de Cassation relatif à la perception du droit de transcription
ne sont plus actuellement permis C'est donc bien le privilège du copartageant,
et non celui du vendeur, qui garantit le payement du prix stipulé
dans ces actes lorsqu'il n'est pas versé comptant. En aucun cas,
par conséquent, il n'y a lieu pour les conservateurs de prendre
inscription d'office lors de la transcription desdits actes. Annoter . - C.M.L. n° 65, 2° ; Jacquet, Traité
du privilège du vendeur, n° 43-1; de France, n° 146 et
Supplément, n° 31. |