Retour

ART 241

REFORME HYPOTHECAIRE.

1. Etats hypothécaires. - Réquisitions. - Indication des date et lieu de naissance. - Modalités.
2. Inscription. - Titre. - Prêteur subrogé dans l'hypothèque légale de la femme du débiteur. - Inscription directe.
3. Inscription. - Enonciation du bordereau. - Certification de l'identité du créancier. - Inutilité.
4. Mention en marge des inscriptions. - Inscriptions antérieures au 1er janvier 1956. - Certification d'identité. - Désignation individuelle des immeubles. - Extrait cadastral. - Inutilité.
5. Radiation. - Dispense de justifications. - Enonciations des actes de mainlevée (art. 2158 nouv. du Code Civil, 2° alinéa). - Modalités.

Des représentants du Conseil Supérieur du Notariat et de l'A.M.C. se sont mis d'accord pour recommander les solutions suivantes à quelques unes des difficultés soulevées par la mise en application du nouveau régime hypothécaire.

La note qui suit sera également publiée dans le " Bulletin du Conseil Supérieur du Notariat " de janvier-février 1956.

I. - REQUISITIONS D'ETATS.

A - Aux termes de l'article 9 du décret du 4 janvier 1955 et de l'article 39 du décret d'application du 14 octobre 1955, lés réquisitions d'états doivent comporter tous les éléments d'identification des personnes du chef desquelles les renseignements sont requis et, en particulier, pour les personnes physiques, les date et lieu de naissance.

Les représentants des notaires ont exprimé la crainte que, lorsque les date et lieu de naissance ont été inexactement indiqués dans un acte transcrit ou un bordereau d'inscription déposé avant le 1er janvier 1956; l'indication exacte de ces éléments d'identification dans la réquisition, ne fasse apparaître une discordance autorisant le Conservateur à ne pas révéler dans son état la transcription ou l'inscription antérieure.

Pour éviter cet inconvénient éventuel, il a été admis que les réquisitions pourraient être établies de la manière suivante:

1. Réquisition du chef de personnes ayant aliéné l'immeuble sur lequel le renseignement est requis, par acte publié avant le 1er janvier 1956 : la réquisition précisera qu'il s'agit d'un propriétaire dépossédé avant le 1er janvier 1956 et n'indiquera pas les date et lieu de naissance.

2. Réquisition du chef de personnes ayant acquis l'immeuble sur lequel le renseignement est requis, par acte publié avant le 1er janvier 1956 : la réquisition indiquera les date et lieu de naissance ou précisera que le notaire n'est pas en mesure de fournir les éléments d'identification. Dans ce dernier cas, la réquisition sera réputée insuffisante, au sens de l'article 2197 du Code Civil.

3. Réquisition du chef de personnes ayant acquis l'immeuble sur lequel le renseignement est requis, par acte transcrit avant le 1er janvier 1956 et qui en étaient encore propriétaires à cette dernière date : la réquisition indiquera les date et lieu de naissance en précisant que ces indications ne seront à retenir que pour la période courue depuis le 1er janvier 1956, ou indiquera que le notaire n'est pas en mesure de fournir ces éléments d'identification. Dans ce dernier cas, la réquisition sera, pour la période courue depuis le 1er janvier 1956, réputée insuffisante au sens de l'article 2197 du Code Civil.

B. - Un état sur formalité autre qu'une inscription pourra continuer à être requis " du chef des vendeurs et précédents propriétaires ", comme par le passé, sans qu'il soit nécessaire d'indiquer dans la réquisition d'état civil complet de ceux des précédents propriétaires qui étaient propriétaires au 1er janvier 1956 ou qui le sont devenus depuis, si les lieux et dates de naissance de ces propriétaires sont portés dans l'acte publié.

A cet effet, il est particulièrement recommandé à tous les notaires d'indiquer dans les origines de propriété l'état civil complet, tel qu'il est prévu aux articles 5 et 6 du décret du 4 janvier 1955, de toutes les personnes qui étaient propriétaires au 1er janvier 1936 ou qui le sont devenues depuis.

Cette indication doit être considérée comme obligatoire dans tous les cas de division, lotissement, vente par appartements, et d'une manière générale dans tous les cas où la remise à l'acquéreur des titres de propriété antérieurs ne sera pas possible.

II. - INSCRIPTIONS. - DESIGNATION DES CREANCIERS.

La rédaction très générale des articles 5 et 6 du décret du 4 janvier 1955 donnerait, à première lecture, à penser que leurs dispositions sont applicables aux créanciers hypothécaires aussi bien qu'aux débiteurs. Mais il y a lieu d'observer que ces articles font partie des mesures tendant à assurer l'exactitude du fichier immobilier et qu'aucune fiche ne sera établie au nom du créancier.

Il a donc paru possible d'assouplir la rigueur apparente des textes, et, s'il est admis que dans l'acte d'affectation hypothécaire ainsi que dans le bordereau, le créancier sera désigné au moyen des éléments d'identification prévus par les articles 5 et 6 (notamment s'il s'agit d'une personne morale; il y aura lieu de préciser la date de sa constitution définitive, et, pour les sociétés commerciales, le numéro d'immatriculation au registre de commerce), par contre il sera inutile que le notaire certifie, dans le bordereau, l'identité du créancier, et, corrélativement; le notaire ne sera pas tenu de se faire, remettre les pièces réglementaires justificatives de cette identité.

III. -- SUBROGATION DANS L'HYPOTHEQUE DE LA FEMME
AU PROFIT D'UN PRETEUR

1° Jusqu'au 1er janvier 1957, l'hypothèque légale d'une femme mariée avant le 1er janvier 1956, peut demeurer occulte (art. 38 du décret du 4 janvier 1955, dernier alinéa) de sorte que, jusqu'à cette date, un prêteur hypothécaire a le même intérêt que par le passé à se faire subroger dans l'hypothèque légale de la femme de son débiteur.

Certains commentateurs ont soutenu, en se basant sur la lettre de l'article 2149 nouveau du Code Civil (art. 23 du décret du 4 janvier), qu'il était désormais nécessaire dans ce cas, d'inscrire distinctement une hypothèque conventionnelle au profit du prêteur et une hypothèque légale au profit de la femme et de mentionner la subrogation en marge de cette dernière inscription.

Les représentants des notaires et des conservateurs ont été d'accord pour reconnaître que cette interprétation était inexacte.

L'article 2149 nouveau du Code civil n'a trait qu'aux mentions à faire en marge d'inscriptions existantes; par suite, pour ce qui concerne spécialement le cas de subrogations, il ne vise que le cas où la créance dans le bénéfice de laquelle un prêteur est subrogé est déjà garantie par une inscription.

Dans le cas contraire, le prêteur subrogé dans les droits de la femme peut, comme par le passé, inscrire directement à son profit l'hypothèque légale de celle-ci en même, temps que sa propre hypothèque conventionnelle.

2° Une particularité est à signaler :

dans une inscription d'hypothèque conventionnelle les intérêts dont la loi conserve le rang peuvent valablement n'être portés que pour mémoire (Décret du 4 octobre 1955, art. 57). D'autre part, l'inscription de l'hypothèque légale de la femme ne garantit les droits de celle-ci qu'à concurrence de leur évaluation.

Pour assurer au prêteur une garantie totale, il faut dès lors que soit conservé par l'hypothèque légale, comme étant à prendre sur le montant des reprises et créances de la femme contre son mari, le total des sommes garanties par l'hypothèque conventionnelle, y compris les intérêts de la créance.

Il paraît donc prudent lors de l'inscription d'employer l'un des deux procédés suivants :

Soit, sans faire de distinction, évaluer les intérêts dans l'inscription collective d'hypothèque conventionnelle et légale;

Soit faire deux évaluations distinctes, l'une au titre de l'hypothèque conventionnelle, en portant les intérêts pour mémoire, et l'autre au titre de l'hypothèque légale pour un chiffre global égal à celui de l'hypothèque conventionnelle augmenté des intérêts.

Le premier procédé a l'avantage de la simplicité, mais il est plus onéreux puisque la taxe hypothécaire sera perçue sur le montant des intérêts, alors, que cette taxe n'est pas due sur les inscriptions d'hypothèque légale.

La même précaution paraît devoir être prise lorsque la créance est assortie d'une clause de réévaluation (Cf. décret du 14 octobre 1955, art. 57).

En tout état de cause, il s'agira d'une inscription unique d'hypothèque conventionnelle et légale même si une double évaluation est faite dans les bordereaux.

IV. - MENTIONS EN MARGE DES INSCRIPTIONS
ANTERIEURES AU 1er JANVIER 1956
Mainlevées, subrogations, etc.)

A prendre à la lettre les prescriptions des 3° et 4° alinéas de l'article 2149 nouveau du Code civil (article 23 du décret-loi), les conservateurs sont fondés à exiger que les expéditions des actes ou décisions judiciaires qui leur sont remises en vue d'une mention en marge d'une inscription, et spécialement d'une mention de radiation, soient conformes aux prescriptions des articles 5, 6 et 7 du décret du 4 janvier 1955, sans distinguer selon que les inscriptions à émarger de la mention sont, ou non antérieures au 1er janvier 1956.

En fait, cependant, les prescriptions dont il s'agit ont exclusivement pour objet d'assurer exactitude du fichier immobilier et sont sans intérêt dans le cas de formalités qui ne sont pas inscrites à ce fichier. Tel est notamment le cas des mentions mises en marge d'inscriptions qui n'ont pas été portées au fichier parce qu'elles sont antérieures au 1er janvier 1956 (décret du 14 octobre 1955, art. 5-1).

Les représentants des conservateurs ont admis en conséquence que les mentions (et notamment les mentions de radiation) à faire en marge d'inscriptions pris avant le 1er janvier 1956, les conservateurs pourraient s'abstenir d'exiger la certification de l'identité du créancier et du débiteur prévue aux articles 5 et 6 du décret du 4 janvier 1955, ainsi que la désignation individuelle des immeubles et l'extrait cadastral.

Par ailleurs, la disposition de l'article 32-2 du décret du 14 octobre 1955 qui prévoit l'indication de la référence au titre du disposant est sans application puisque, dans le cas de mentions en marge des inscriptions, le " disposant ", au sens de l'article 32-1 du décret précité, est le créancier, lequel ne possède pas de droit réel sur l'immeuble en cause.

V. - MENTIONS EN MARGE DES INSCRIPTIONS PRISES
POSTERIEUREMENT AU 1er JANVIER 1956

Des précisions seront données ultérieurement.

VI. - RADIATIONS. - DISPENSE DE JUSTIFICATIONS.
ENONCIATIONS DES ACTES DE MAINLEVEE

L'article 27 du décret du 4 janvier 1955 a ajouté à l'article 2158 du Code civil relatif à la radiation des inscriptions, un deuxième alinéas ainsi conçu :

" Aucune pièce justificative n'est requise à l'appui de l'expédition de l'acte authentique notarié en ce qui concerne les énonciations établissant l'état, la capacité et la qualité des parties, lorsque ces énonciations sont certifiées exactes dans l'acte par le notaire ".

Pour que le notaire puisse, par application de cette disposition, se dispenser de produire les justifications précédemment nécessaires au sujet de l'état de la capacité et de la qualité des parties, il faut :

1° Que l'acte de mainlevée renferme des énonciations établissant ces états, capacité et qualité;

2° Que ces énonciations soient certifiées exactes par le notaire.

Pour " établir " l'état, la capacité ou la qualité des parties, les énonciations de l'acte de mainlevée ne peuvent pas consister en une simple affirmation. Il est nécessaire, en principe, qu'elles relatent les actes, pièces et autres documents qui font la preuve de l'état, de la capacité et de la qualité, pour consentir la mainlevée en cause, de la partie intéressée.

En d'autres termes, la réforme réalisée par le deuxième alinéa de l'article 2158 du Code civil consiste à remplacer la production des pièces justificatives par leur énonciation dans l'acte de mainlevée, certifiée exacte par le notaire rédacteur.

Toutefois, on peut admettre que les énonciations soient, dans certains cas, implicites. Par exemple, en matière de pouvoirs donnés par une société il n'est pas nécessaire de relater distinctement chacune des délibérations d'assemblée générale qui ont nommé les administrateurs ayant participé aux délibérations du conseil d'administration; le notaire peut se borner à constater que le conseil d'administration était valablement constitué.

Mention de certification. - La mention de certification de l'exactitude des énonciations de l'acte de mainlevée pourra être placée à la fin de l'acte. Dans ce cas, elle constatera qu'elle s'applique à toutes les énonciations contenues dans la mainlevée et relatives à l'état, la capacité et la qualité des parties.

Elle pourra aussi être placée immédiatement après la comparution, ainsi qu'il est indiqué dans les exemples qui suivent. Elle ne s'appliquera alors qu'aux énonciations de la comparution.

Au cas où une énonciation aurait été omise dans l'acte, le notaire pourra y suppléer par une déclaration certifiée par lui et mise au pied de l'expédition déposée en vue de la formalité.

Référence à des justifications antérieures. - En raison des nouvelles facilités données aux notaires, il a été admis que toutes les mainlevées devraient contenir l'énonciation de toutes les justifications nécessaires et que les références à des pièces justificatives antérieurement produites ne seraient plus acceptées.

Exemples. - Compte tenu des règles générales énoncées plus haut, les représentants des notaires et des conservateurs se sont mis d'accord sur les cas particuliers ci-après, pris à titre d'exemple :

Société anonymes.

A comparu

Monsieur Pierre Dupont, demeurant à...

Agissant au nom et comme Président Directeur général de la société anonyme des Anciens Etablissements Pierre Dupont et Cie, En vertu de l'article 19 des statuts qui donne au Conseil d'Administration, notamment le pouvoir de consentir la mainlevée de toutes inscriptions avec ou sans paiement,

De l'article 23 des statuts qui permet au Conseil d'Administration de transmettre au Président Directeur général, notamment le pouvoir de faire mainlevée de toutes inscriptions avec ou sans paiement,

Et d'une délibération en date du... du Conseil d'Administration, aux termes de laquelle, celui-ci, valablement constitué et ayant valablement délibéré conformément aux statuts, a nommé M. Pierre Dupont comparant, Président Directeur général de la société et lui a transmis notamment le pouvoir de consentir seul la mainlevée de toutes inscriptions avec ou sans paiement.

Toutes énonciations que le notaire soussigné certifie exactes conformément à l'article 2138 du Code Civil.

Société civile.

Les énonciations seront analogues à celles indiquées ci-dessus pour la société anonyme. Il faudra toutefois les compléter soit dans les énonciations elles-mêmes, soit dans la certification, si le signataire, ou celui qui l'a mandaté, n'est pas le gérant statutaire originaire ayant statutairement pouvoir de faire mainlevée avec ou sans paiement, par l'indication que, lors de l'assemblée des associés du... (celle qui a nommé le gérant ou lui a donné pouvoir), tous les associés ont été régulièrement convoqués, et que ces associés, s'ils n'étaient pas les associés originaires, étaient régulièrement aux droits de ceux-ci. Cela dispensera les notaires d'énoncer les cessions de parts successives.

Procuration. - Substitution.

A comparu

Monsieur X...

Agissant au nom et comme mandataire de M. Y... En vertu d'une procuration reçue par M° ... notaire à ..., le ...

Laquelle procuration contient notamment pouvoir au mandataire agissant seul de recevoir..., de reconnaître tous paiements antérieurs... de faire mainlevée avec ou sans paiement de toutes inscriptions (ou de la présente inscription de saisie.).

Si la procuration a été reçue à l'étranger, certifier que la procuration a été légalisée conformément à la loi.

La nécessité d'énoncer toutes les pièces justificatives nécessaires, sans référence à des pièces justificatives antérieurement produites, s'applique spécialement aux procurations.

Femme mariée. - Régime matrimonial.

Mme Z... mariée sans contrat (il ne sera pas nécessaire d'énoncer les lieu et date de mariage) ou mariée sous tel régime aux termes de son contrat de mariage reçu par M°..., notaire à ..., le ..., lequel ne contient aucune clause restrictive de la capacité civile de l'épouse ni prescriptive d'emploi ou de remploi de ses biens propres (au cas de dotalité partielle, préciser que la dotalité ne porte pas sur la créance garantie par l'inscription dont il est fait mainlevée).

Si la mention de certification est insérée dans la mainlevée tout de suite après la comparution du créancier, il est recommandé d'énoncer le régime matrimonial de la femme immédiatement après sa comparution, avant la mention de certification, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.

Femme mariée étrangère.

Viser s'il y a lieu le certificat de coutume.

Mineur ou interdit.

Si la mainlevée (quittance mainlevée) est donnée par un tuteur datif, énoncer et certifier sa nomination.

Si elle est donnée par une tutrice remariée et son mari, énoncer et certifier son maintien ou sa réintégration dans la tutelle.

Succession, mainlevée par un héritier ou légataire.

A comparu M. Y...

Agissant comme étant seul aux droits de M. Z..., créancier originaire, décédé à ..., le ..., ainsi qu'il résulte des dispositions combinées de : par exemple, testament, notoriété, envoi en possession (les énoncer sans plus) ou notoriété, partage (les énoncer sans plus).

Annoter C.M.L. 2° éd., 1607, 1612, 612, 871, 881, 882; Jacquet et Vétillard p. 54 n° 77 et 78; de France n° 69, 98, Jacquet, Traité des Etats, 12, 5°.

Voir AMC n° 1280. 1306.