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ARTICLE 282

INSCRIPTIONS. - RADIATIONS.

Taxe de publicité foncière. - Salaires.
Inscription provisoire d'hypothèque judiciaire à titre conservatoire.

LOI N- 57- 115 DU 6 FEVRIER 1957.

coordonnant certains articles de la loi n° 55-1475 du 12 novembre 1955 relative aux mesures conservatoires avec ceux des décrets n° 55-22 du 4 janvier 1955 sur la réforme de la publicité foncière et n° 55-583 du 20 mai 1955 relatif aux faillites et à la réhabilitation.

(Journal Officiel du 7, p. 1507.)

ARTICLE PREMIER. - L'article 54 du code de procédure civile est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :

" Art. 54. - Sous les conditions mentionnées à l'article précédent, le président ou le juge de paix pourra également, par ordonnance rendue comme il est dit à l'article 48, autoriser le créancier à prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire, valable trois ans et renouvelable conformément à l'article 2154 du code civil pour sûreté de sa créance, sur es immeubles de son débiteur. Cette inscription ne prendra rang qu'à sa date.

" Elle sera opérée sur présentation de l'ordonnance et sur le dépôt des deux bordereaux visés par l'article 2148 du code civil, contenant exclusivement :

" 1° La désignation du créancier, l'élection de domicile et la désignation du débiteur, conformément aux dispositions de l'alinéa 3 (1° et 2°) de l'article 2148 du code civil;

" 2° L'indication de la date de l'ordonnance et la désignation du magistrat qui a rendu celle-ci;

" 3° L'indication du capital de la créance éventuelle dont le montant a été fixé par la dite ordonnance et ses accessoires;

" 4° La désignation, conformément aux dispositions de l'alinéa 3 (5°) de l'article 2148 du code civil de chacun des immeubles sur lesquels l'inscription a été ordonnée.

" Les dispositions des alinéas 4 et 7 de l'article 2148 du code civil sont applicables.

" Une inscription définitive, conforme aux dispositions de l'article 2148 du Code Civil devra être prise dans les deux mois à dater du jour où la décision statuant au fond aura acquis l'autorité de la chose jugée, sur présentation de la grosse de cette décision. Cette inscription se substituera rétroactivement à l'inscription provisoire et son rang sera fixé à la date de la dite inscription provisoire dans la limite des sommes que conserve celle-ci. Il ne sera dû qu'un seul salaire ou émoluments pour les deux inscriptions.

" Faute d'inscription nouvelle dans le délai ci-dessus fixé, l'inscription provisoire deviendra rétroactivement sans effet et sa radiation pourra être demandée par toute partie intéressée, aux frais de l'inscrivant, au magistrat qui aura autorisé ladite inscription.

" Dans le cas, soit de désistement ou de péremption d'instance, soit de désistement d'action, la mainlevée non consentie de l'inscription provisoire sera donnée par le magistrat qui aura autorisé la dite inscription et la radiation en sera opérée sur le dépôt de son ordonnance passée en force de chose jugée.
" Lorsque la valeur des immeubles grevés sera notoirement supérieure au montant des sommes inscrites, le débiteur pourra faire limiter les effets de l'inscription provisoire par le magistrat qui aura autorisé la dite inscription sur des immeubles qu'il indiquera à cette fin, pourvu qu'il justifie que ces immeubles ont une valeur double du montant de cette somme. "

ART. 2. - L'article 11 de la loi n° 55-1475 du 12 novembre 1955 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :

" Art. 11 - L'article 41 du décret n° 55-583 du 20 mai 1955 est complété par l'alinéa suivant :

" 4° Toutes inscriptions prises en application des articles 53 et 54 du code de procédure civile. "

Observations. - La principale modification apportée à la rédaction antérieure de l'article 54 du code de procédure civile (loi n° 55-1475- du 12 novembre 1955 ; Bull. A.M.C., art. 237) consiste dans la réduction de la durée de la validité de l'inscription provisoire. Alors que celle-ci était précédemment soumise à la péremption décennale de droit commun, elle sera désormais périmée à l'expiration d'un délai de trois ans (1).

Cette inscription sera toutefois renouvelable " conformément à l'article 2154 du code civil ", c'est à dire dans les mêmes conditions que les inscriptions assujetties à la péremption décennale. L'inscription de renouvellement qui est de même nature que l'inscription renouvelée, périmera comme celle-ci par trois ans.

La réduction à trois ans du délai de la péremption s'étend-t-elle aux inscriptions provisoires déjà prises avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ? L'affirmative paraît s'imposer. Il est de principe en effet que les lois qui modifient la durée d'une prescription sont applicables aux prescriptions non encore requises (Aubry et Rau, 6° éd., I,. § 30, page 124; Baudry Lacantinerie et Houcques; Fourcade, Despersonnes, I, n° 171; Planiol, 4° éd., I, n° 248; Fuzier, Herman et Demogue, Code civil annoté, art. 2, n° 108); la raison en est que l'extinction d'un droit ou d'une action par la prescription non encore accomplie constitue, non pas un droit acquis, mais seulement une expectative qui peut, sans rétroactivité, être modifiée par une loi postérieure (op. cit.).

Par identité de motifs, on est amené à décider que les inscriptions provisoires déjà requises sous le régime de la loi du 12 novembre 1955 se trouvent actuellement soumises à la péremption triennale. En outre, s'agissant d'une péremption d'une durée plus courte que celle à laquelle elle se substitue, elle a pris cours uniformément à la date d'entrée en vigueur de la loi du 6 février 1957 (v. Seine, 17 octobre 1931, Revue de l'Enregistrement. art. 9690 ; v. égal. Instr. n° 3395 page 17).

Dans sa rédaction précédente, le 3° al. de l'article 54 disposait que l'inscription définitive, qui doit être prise après la décision de justice statuant au fond, se substituait rétroactivement à l'inscription provisoire. Il en résultait que l'inscription définitive prenait rang à la date de l'inscription provisoire, cet effet ne pouvant toutefois se produire que dans la mesure où la seconde inscription ne conservait pas une somme supérieure à la première. La nouvelle rédaction du texte l'indique explicitement. Cette disposition n'intéresse les conservateurs qu'en ce qu'elle confirme la règle suivie pour la liquidation du salaire afférent à l'inscription définitive (v. ci-après).

Pour le surplus, la nouvelle loi ne fait que mettre en harmonie les disputions de l'art. 54 du Code de procédure civile avec le décret du 4 janvier 1955.

Du texte antérieur, il résultait déjà implicitement que la seule dérogation apportée à l'art. 2148 du Code civil par l'art. 54 du Code de procédure civile consistait dans la dispense pour le rédacteur du bordereau de l'inscription provisoire d'indiquer la référence au titre du débiteur ou de déclarer soit que ce titre était antérieur au 1er janvier 1956, soit que le débiteur avait acquis sans titre (v. observations sous l'art. 237, § I). Le nouveau texte confirme cette interprétation en précisant que le bordereau doit désigner le magistrat qui a rendu l'ordonnance, désigner les immeubles " conformément aux dispositions de l'alinéa 3 (5°), de l'article 2148 du Code civil, c'est-à-dire, par voie de référence " conformément aux deux premiers alinéas de l'art. 7 du 4 janvier 1955 " et enfin satisfaire aux prescriptions des alinéas 4 à 7 de l'article 2148 du Code civil - Il n'est plus douteux, en particulier, que, contrairement à ce qui avait été soutenu sous l'empire de la loi du 12 novembre 1955, le bordereau d'inscription doit contenir la mention de certification de l'identité du débiteur.

Salaire et taxe. -- Le nouveau texte reproduit la disposition antérieure aux termes de laquelle " il ne sera dû qu'un seul salaire ou émolument pour les deux inscriptions ". En précisant que l'inscription définitive ne se substitue à l'inscription provisoire que dans la limite des sommes conservées par celle-ci (v. ci-dessus), la nouvelle loi confirme indirectement l'interprétation formulée dans l'art 237 II du Bulletin selon laquelle la dispense de salaire n'est pas applicable dans la mesure où la seconde inscription conserve une somme plus levée que la première.

Le texte qui édicte la dispense de salaire ne vise par ailleurs que l'inscription définitive. Il n'est pas applicable à l'inscription de renouvellement de l'inscription provisoire, laquelle donnera ouverture au salaire dans les conditions habituelles.

Pour ce qui concerne la taxe, nous avons exprimé l'avis que l'inscription définitive pouvait, dans la limite des sommes conservées par l'inscription provisoire, bénéficier des dispositions de l'art. 843 du Code général des Impôts, selon lesquelles " il n'est dû qu'une seule taxe pour chaque créance ". Appliqué strictement, ce principe conduirait à dispenser également de la taxe l'inscription de renouvellement de l'inscription provisoire.

Telle ne paraît cependant pas à être la règle de perception appliquée par la Direction générale aux inscriptions de renouvellement en général.

A l'égard des renouvellements d'inscriptions provisoires, la question ne se posera d'ailleurs effectivement que dans trois ans, il est vraisemblable que d'ici là l'Administration aura pris parti et, s'agissant d'une matière fiscale, son interprétation s'imposera aux Conservateurs.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 490 Ak (feuilles vertes), et 595, 600, 1895 et 1956.

(1) On rappelle qu'il existe déjà une catégorie d'inscriptions régies par la péremption triennale : Ce sont les inscriptions provisoires de l'hypothèque légale de la femme mariée que celle-ci est autorisée, par l'article 2137 nouv. du Code Civil (art. 20 du décret du 4 janvier 1955), à requérir dès l'introduction par elle d'une demande en justice tendant à faire constater une créance contre son mari ou les héritiers de celui-ci.