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ARTICLE 328

I. - PUBLICATION D'ACTES.

Actes soumis à publication.
Actes dont la publication n'est prévue ni à titre obligatoire, ni à titre facultatif, par le décret du 4 janvier 1955.
Refus justifié.

II. - PROCEDURE.

Procédure instituée par l'article 26 du décret du 4 janvier 1955.
Compétence du Président du Tribunal civil. - Pouvoir de statuer sur le fond.

SOMMAIRE

Le conservateur des hypothèques ne peut être assujetti à assurer la publicité d'un acte ou document que dans le cas où cette publicité est prévue, à titre obligatoire ou facultatif, par le décret du 4 janvier 1955.

Spécialement, est justifié le refus de publier le pourvoi en cassation formé contre l'arrêt d'une cour d'appel qui a statué sur une demande en justice tendant à la confirmation d'une convention.

ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL CIVIL DE SEGRE DU 12 MARS 1958

Nous Président,

Attendu que les parties sont en désaccord sur l'objet du procès entre H... et B... dans lequel ont été rendus le jugement du Tribunal Civil de Saint-Nazaire et l'arrêt de la Cour d'Appel de Rennes; qu'il est cependant constant qu'il... sollicitait par conclusions que le jugement qui devait être rendu par le Tribunal civil tienne lieu de la vente qui lui aurait été promise par B..., le 26 avril 1953; que cette convention antérieure a été jugée par le Tribunal comme équivalente à une promesse de vente et par la Cour d'Appel comme un pacte commissoire; qu'ainsi il paraît bien s'agir d'une demande en justice tendant à la confirmation d'une convention;

Attendu que, de la sorte, le refus du Conservateur des Hypothèques apparaît justifié par les dispositions légales et qu'il devient dès lors. superflu de constater que l'article 68, paragraphe 3 n'a pas interdit la publicité des actes d'opposition, d'appel ou de pourvoi dirigés contre une décision judiciaire rendue à la suite d'une telle demande;

Que, conformément aux dispositions légales, le Conservateur des Hypothèques, fonctionnaire public, ne saurait être assujetti à assurer la publicité que dans le cas où elle est obligatoire ou facultative, mais prévue par le décret du 4 janvier 1955;

Par ces motifs:

Au principal renvoyons les parties à se pourvoir et cependant par provision, vu l'urgence,

Déclarons justifié le refus de publicité du pourvoi en Cassation du 13 novembre 1957 formé par le sieur H... contre un arrêt de la Cour d'Appel de Rennes du 9 juillet 1957, refus opposé par M. le Conservateur des Hypothèques de S...;

Déboutons H... de ses demandes, fins et conclusions et le condamnons aux dépens.

Observations. - I. - Aux termes de l'article 2199 du Code Civil, " dans aucun cas, les conservateurs ne peuvent refuser ni retarder la transcription des actes de mutation, l'inscription des droits hypothécaires... sous peine de dommages et intérêts des parties ".

Plusieurs dispositions du décret du 4 janvier 1955 (not. les articles 22, 23, 34 et 48) et du décret du 14 octobre 1955 (not. les articles 35-2, 38, 72, 2° al.) dérogent à cette règle en prescrivant au conservateur de refuser de publication dans certains cas déterminés.

En dehors de ces dérogations explicites, existe-t-il des dérogations implicites ? Spécialement, le conservateur peut-il refuser de publier un acte, lorsque cette publication n'est prévue ni à titre obligatoire, ni à titre facultatif par le décret du 4 janvier 1955 ou celui du 14 octobre 1955 ?

Telle est la question qui était posée au président du tribunal de Segré.

La forme donnée au texte justifierait une réponse affirmative: Dès lors en effet que le décret du 4 janvier 1955 ne s'est pas borné à prescrire de publier certains actes, mais qu'il a en outre indiqué quels autres actes peuvent également être publiés, on devrait en conclure que, pour les actes et documents non prévus, la publication est impossible.

Néanmoins, en faveur de l'opinion contraire, on pourrait faire valoir que les décrets précités ont explicitement prévu les cas où le dépôt devait être refusé et que, en dehors de ces cas, la règle générale inscrite dans l'article 2199 du Code civil précité devrait reprendre son empire.

Au cas particulier, l'acte dont la publication avait été refusée était un pourvoi en cassation formé contre un arrêt de la Cour d'Appel de Rennes ayant statué sur une demande en justice dont l'objet consistait, selon l'ordonnance, dans la confirmation d'une convention.

Pour déclarer le refus justifié, le président du tribunal adopte tout d'abord l'interprétation selon laquelle le conservateur ne peut assurer la publicité d'un acte que si celle-ci est prévue, d'une manière obligatoire ou facultative.

Mais il n'exprime pas clairement le motif pour lequel, dans l'espèce en cause, il range le pourvoi en cassation parmi les actes dont la publication n'est pas prévue.

Il pourrait se fonder sur l'article 68-3 du décret du 14 octobre 1955 aux termes duquel " ne sont pas soumis publicité... l'acte d'opposition ou d'appel ou le pourvoi en cassation dirigés contre une décision judiciaire rendue à la suite d'une demande en justice visée au 1 ", c'est-à-dire une demande en justice " tendant à obtenir la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort antérieurement publiée ". Si en effet un tel pourvoi ne doit pas être publié, il en est de même a fortiori lorsque la décision contre laquelle il est dirigé a statué sur une demande n'entrant pas dans la catégorie de celles qui sont soumises à publication.

Est-ce là ce que le juge a voulu décider ? Ce qui laisse un doute à ce sujet, c'est que l'ordonnance ne fait état du texte précité que pour déclarer " superflu de constater que l'article 68, paragraphe 3 n'a pas interdit la publicité des actes d'opposition, d'appel ou de pourvoi dirigés contre une décision judiciaire rendue à la suite d'une telle demande ".

En réalité, il est probable que l'adversaire tirait argument de l'article 68, paragraphe 3, pour prétendre a contrario que la publication d'un pourvoi était possible lorsque la demande en justice contre laquelle il était formé statuait sur un objet autre qu'une résolution, une révocation, une annulation ou une rescision.

Il semble que c'est cette prétention que le juge a entendu écarter par le passage des motifs reproduit ci-dessus. Ce que le rédacteur de l'ordonnance a voulu sans doute exprimer - dans une phrase un peu laconique - c'est qu'il importe peu que la publication d'un pourvoi dirigé contre une décision de justice rendue sur une demande en confirmation d'une convention ne soit pas explicitement interdite par l'article 68 paragraphe 3 dès lors que cette interdiction résulte d'une manière implicite mais certaine de ce texte.

Ainsi interprétée, l'ordonnance du 12 mars 1958 peut être approuvée.

II. - L'affaire soulevait par ailleurs une question de compétence. L'article 26 qui habilite le président du tribunal civil en matière d'inscriptions et l'article 34-3 qui en étend la portée aux autres formalités de publicité ne visent que les litiges auxquels donnent naissance les rejets de formalité, à l'exclusion de ceux qui concernent les refus de dépôt. Il a été jugé en conséquence que les litiges nés d'un refus de dépôt étaient régis par le droit commun et devaient être portés devant le tribunal civil (Ord. du prés. du trib. civ. de Lyon, 15 février 1957, Bull. A.M.C., art. 327; v. ég. Rép. Sec. d'Etat au Budget, 1er novembre 1956, Bull. A.M.C., art. 290).

Si le président du tribunal civil de Segré avait été saisi en vertu des articles 26 et 34-3 du décret du 4 janvier 1955, la question se serait donc posée de savoir si ce magistrat n'était pas incompétent du fait que ce qui était contesté était un refus de dépôt et non un rejet de formalité.

Mais il ne semble pas qu'il ait statué dans le cadre des dispositions susvisées.

L'article 26 du décret du 4 janvier 1955 soustrait en effet à la compétence du tribunal civil les instances auxquelles il s'applique pour en confier la connaissance au président de ce tribunal. Il s'agit d'un transfert de compétence qui donne au magistrat, au profit duquel il est opéré, le pouvoir de statuer sur le fond, comme l'aurait fait le tribunal lui-même; l'article 74-5 du décret du 14 octobre 1955 le stipule d'ailleurs expressément. La référence, aux textes qui régissent les ordonnances de référés ne concerne que la forme de la procédure.

Or le dispositif de l'ordonnance du président du tribunal civil de Segré du 12 mars 1958 est ainsi conçu: " Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir et cependant par provision, vu l'urgence... ".

Ainsi le juge ne s'est pas prononcé sur le fond. Il n'a rendu qu'une décision provisoire entrant dans le cadre de la procédure ordinaire de référé et qui pourrait être remise en cause devant le tribunal.

La nature du litige ne s'accommodait certainement pas d'une décision provisoire: Lorsqu'une formalité hypothécaire a été exécutée, elle ne peut plus en effet être rétroactivement annulée, de telle sorte qu'elle soit considérée comme n'ayant jamais existé; elle conserve nécessairement ses effets " pendant la période comprise entre la date où elle a été effectuée et celle de son annulation. Aussi ne peut-elle être opérée en exécution d'une décision de justice que si celle-ci est définitive.

Le décret du 4 janvier 1955 l'a expressément prévu en matière de rejet de formalité: l'article 26 dispose en effet que l'ordonnance du président du tribunal civil n'est pas susceptible d'exécution provisoire. Il y a les mêmes raisons de décider qu'il ne peut être statué au sujet d'un refus de dépôt que par une décision de caractère définitif.

Au cas particulier, le caractère provisoire de la décision du juge est sans conséquence parce que le refus contesté a été déclaré justifié. Il en serait différemment si l'ordonnance avait décidé que le refus n'était pas fondé et avait prescrit l'exécution de la formalité

Annoter : C.M.L., 2° éd.: II-837 A-II, l (feuilles vertes); II-490-A-r-d (feuilles vertes).