Retour

ARTICLE 329

PUBLICATION D'ACTES.

Authenticité obligatoire. - Actes sous seing privé déposé en l'étude d'un notaire avec reconnaissance d'écriture et de signature. - Dépôt effectué par un mandataire.

(Rép. Min. Justice, 8 février 1957)

Question 4189. - M. Jean Chamat rappelle à M. le Ministre d'Etat, chargé de la justice que, depuis le 1er janvier 1956, les actes sous seing privé ne peuvent être publiés que s'ils ont été déposés avec reconnaissance d'écritures au rang des minutes d'un notaire (sauf pour certains échanges): par voie de conséquence, lorsqu'un compromis de vente a été rédigé en la forme S.S.P. et que l'une des parties refuse de régulariser l'acte en la forme authentique, ces conventions ne peuvent, en principe, être publiées et une seconde convention, rédigée en la forme authentique et régulièrement publiée, sera préférée à la première convention. Il demande si un compromis de vente rédigé en la forme sous seing privé et contenant la formule suivante: « L'un des exemplaires des présentes sera déposé avec reconnaissance d'écritures au rang des minutes de M X..., notaire à..., tous pouvoirs sont donnés au porteur de l'un des originaux des présentes pour effectuer ce dépôt quand bon lui semblera et reconnaître que les signature et mention, figurant au bas des présentes, ont bien été écrites par M. ..., vendeur, et par M. ..., acquéreur », peut valablement être déposé au rang des minutes d'un notaire et être publié au bureau des hypothèques compétent. (Question du 30 novembre 1956.)

Réponse. - Il semble, sous réserve de l'interprétation souveraine des tribunaux, que le mandat par lequel une personne, partie à un acte sous seing privé, chargerait une autre personne de procéder à la reconnaissance de ses écritures et signature, ne soit pas valable. En disposant en effet que les actes sous seing privé ne peuvent être publiés au bureau des hypothèques que lorsque les écritures et signatures ont été reconnues par toutes les parties, l'article 68 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 a entendu que les parties interviennent elles-mêmes. En outre, la reconnaissance d'écritures et de signature est un acte qui n'a de portée que s'il est effectué par l'auteur des écritures et de la signature, et paraît ne pouvoir faire l'objet d'un mandat. Il semble en conséquence que la formule de mandat envisagée au texte de la question écrite ne permette pas de procéder à la publication au bureau des hypothèques d'un acte sous seing privé déposé au rang des minutes d'un notaire, sans reconnaissance d'écritures et de signatures par les parties elles-mêmes. (J.O., 8 février 1957, Débats Ass. Nat., p. 754.)

Observations. - Sans doute, comme l'indique la réponse qui précède, la reconnaissance d'écriture et de signature est-elle un acte qui, par sa nature, exige la comparution personnelle des auteurs des écritures et signatures reconnues. Mais est-il indispensable que cette reconnaissance soit contenue dans l'acte même constatant le dépôt de l'acte sous seings privés au rang des minutes d'un notaire; ne peut-elle pas, au contraire, être renfermée dans un acte séparé destiné à être déposé en même temps que l'acte sous seing privé et spécialement dans l'acte par lequel l'auteur de l'écriture et de la signature reconnus donne pouvoir à un tiers pour effectuer ce dépôt ?

On ne voit pas ce qui interdirait cette dernière manière de procéder, qui est d'ailleurs conseillée (Page Réforme de la Publicité Foncière, n° 56). Dans cette hypothèse, ce serait le mandat qui constituerait le titre de la reconnaissance d'écriture et de signature (cf. Jacquet et Vétillard, Introduction, n° 11; Gazette du Palais, 1887-1-419, note sous Cass., 18 juillet 1887) et son dépôt aux minutes d'un notaire par le mandataire en même temps que celui de l'acte dont l'écriture et la signature sont reconnus, conférerait l'authenticité à ce dernier (Rappr. C. de Rennes, 29 octobre 1885, Gaz. du Palais, 1887-I-419).

Bien entendu, le pouvoir renfermant la reconnaissance d'écriture et de signature devrait être établi par un notaire, ce qui exclurait le pouvoir sous seing privé et en particulier le pouvoir contenu, comme dans l'espèce visée par la question écrite, dans l'acte même qui doit faire l'objet de la reconnaissance.

Le même pouvoir devrait, par ailleurs, être libellé de manière à ce que le notaire qui doit recevoir l'acte en dépôt puisse s'assurer qu'il y a identité matérielle entre l'acte sous seing privé qui lui est présenté et celui dont l'écriture et la signature ont été reconnues. Mais il n'y aurait pas là, le plus souvent, de difficulté sérieuse. Car c'est à cette double condition de lien établi entre l'acte de dépôt, le mandat authentique et l'acte sous seing privé que ce dernier acquiert, non le caractère authentique (car il reste, toujours un acte sous seing privé), mais la valeur authentique, puisque la reconnaissance de la ou des signatures et du contenu de l'acte déposé est bien constatée par un notaire (Rapp. Perrot, Jurisc. civ., art. 1317, 1320, n° 19; B.A. 7135, n° 4-C; note Masounabe, J.C.P.-18-2392-III).

En l'état, il n'est donc pas possible de considérer comme certain qu'un acte sous signatures privées ne peut acquérir le caractère authentique que si la reconnaissance d'écriture et de signature émanant des parties elles-mêmes est reçue par le notaire, même aux minutes duquel l'acte sous seing privé est déposé.

Il y a pour le moins un doute en présence duquel le conservateur n'a pas à prendre parti. A son égard et dès lors que le notaire qui a reçu l'acte en dépôt a cru devoir accepter, sous sa responsabilité, la reconnaissance d'écriture et de signature contenue dans la procuration établie par un de ses confrères à la requête du ou des auteurs des écritures et signatures reconnues, et que le receveur de l'Enregistrement n'a pas cru devoir refuser la formalité pour ce motif, ainsi que le lui prescrit l'article 8 du décret du 30 avril 1955 (B.A. 713i), l'acte déposé revêt les apparences extérieures d'un acte authentique. II satisfait dès lors aux exigences de l'article 4 du décret du 4 janvier 1955 et peut, par suite, être publié.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 488 A (feuilles vertes).