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ARTICLE 377

SALAIRES.

Formalités en debet.
Formalités requises par l'Etat, les départements et les communes.

Consultée à l'occasion d'une contestation relative à l'exigibilité immédiate des salaires afférents à une inscription d'hypothèque judiciaire requise par le Trésor Public, la Direction Générale a envoyé à l'Agence judiciaire du Trésor, le 27 août 1956, la note suivante :

Par note citée en référence, M. le Chef du Service du Contentieux, agent judiciaire du Trésor Public, a bien voulu m'exposer qu'il a été amené à requérir l'inscription d'une hypothèque judiciaire sur des biens immobiliers sis à... appartenant à M..., débiteur envers le Trésor d'une somme de 352.525.120 francs en sa qualité de caution solidaire de la Manufacture... pour le remboursement des avances consenties à cette société par la Caisse Nationale des Marchés de l'Etat. L'inscription a été opérée au Bureau de D... le 14 avril 1956 vol. 925 n° 71.

A l'occasion de cette inscription, dont il aurait accepté d'assurer les formalités en débet en ce qui concerne le paiement des taxes hypothécaires, le conservateur des hypothèques de D... a érigé de l'avoué du Trésor, M° G..., le paiement de ses salaires qui se sont élevés à la somme de 106.933 francs.

M. Adher estime que cette manière de procéder est en contradiction avec les règles généralement appliquées en la matière.

En application de l'article 850 du Code Général des Impôts, les salaires du conservateur doivent être, à son avis, liquidés en débet au même titre que les taxes hypothécaires lors de l'exécution des formalités d'une inscription d'hypothèque prise à la requête de l'agent judiciaire du Trésor.

M. le Chef du Service du Contentieux me prie, en conséquence, de vouloir bien inviter le directeur de l'Enregistrement N D... à faire restituer à M G... les salaires indûment perçus par le conservateur pour l'accomplissement de la formalité dont il s'agit.

J'ai l'honneur de faire connaître à M. Adher que je partage dans l'ensemble m manière de voir.

Si, en effet, depuis le 1er juin 1955, date d'entrée en vigueur des articles premier à 6 du décret n° 55-472 du 30 avril 1955 portant simplification et allégement des charges fiscales grevant les formalités de publicité foncière (J.O. des 1er, 2 et 3 mai), les dispositions de l'ancien article 850 du Code général des Impôts concernant les inscriptions requises par l'Etat n'ont plus d'existence légale et se trouvent remplacées en pratique par celles de l'article 841 du nouveau code portant dispense conditionnelle de la nouvelle taxe en pareille hypothèse (cf. art. 2 du décret), par contre, le nouveau texte ne parait pas avoir eu pour résultat de porter atteinte au principe posé par l'article 23 de la loi du 21 ventôse an VII, dans la mesure où ce texte prévoyait plus particulièrement " l'inscription des créances appartenant à la République... sans avance... des salaires des préposés ".

Il en résulte donc, sous réserve, bien entendu, de l'interprétation souveraine des tribunaux civils seuls compétents pour connaître les difficultés de l'espèce, que les salaires, afférents à de telles inscriptions, doivent continuer, comme par le passé, à être liquidés en débet.

Observations. - L'art. 23 de la loi des 21 ventôse an VII est ainsi conçu : " L'inscription des créances appartenant à la République, aux hospices et autres établissements publics sera faite sans avance des salaires des proposés "

Peut-être pourrait-on soutenir que cette disposition a été abrogée, d'abord partiellement par l'art. 2155 ancien du Code Civil, qui ne dispensait l'inscrivant de l'avance des salaires que pour les inscriptions d'hypothèque légale, puis entièrement par l'art. 25 du décret du 4 janvier 1955, lequel, dans la nouvelle rédaction qu'il donne à l'art. 2155 C. Civ., ne prévoit plus aucune exception à la règle selon laquelle l'avance des salaires doit être faite par l'inscrivant.

L'opinion contraire exprimée par la Direction Générale dans la lettre reproduite ci-dessus trouve cependant à s'appuyer sur la règle selon laquelle les lois générales ne dérogent pas aux lois spéciales.

En fait, sous l'empire de l'art. 2155 ancien, l'usage s'étant maintenu d'accepter sans payement immédiat des salaires, certaines inscriptions requises par l'Etat, les départements et les communes (v. Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° édition, n° 1944, 2°, et 1964), et notamment les inscriptions prises par l'agent judiciaire du Trésor (Déc. Min. Fin. 29 octobre 1929; Journ. Conservateurs, art. 10641; Instr. 4056, § 12).

Il semble opportun de ne pas revenir sur ces errements, même si le fondement juridique ne paraît les indiscutable. Une stricte application aux administrations publiques de l'obligation de faire l'avance des salaires risquerait en effet de provoquer le rétablissement par mesure législative d'une dispense qui pourrait être plus large que celle actuellement admise en fait. (Rappr., pour les inscriptions des frais de justice criminelle. B.A. 7465, n° 532-22, B.A. 7519, n° 812-2.)

L'art. 23 de la loi du 21 ventôse an VII ne vise que les inscriptions. Il n'existe pas de disposition analogue concernant les autres formalités de publicité (Sol. 12 et 18 novembre 1949 et 17 mars 1950; Bull. A.M.C., art. 2 et 24).

Cependant, pour les motifs d'opportunité indiqués plus haut, il est conseillé aux collègues de s'abstenir d'exiger strictement l'avance des salaires des formalités de publicité dans les cas où l'usage s'est établi d'opérer la formalité sans paiement préalable des salaires.

Il convient, d'ailleurs, d'établir une distinction entre :

- D'une part les salaires concernant certaines inscriptions qui doivent être recouvrés contre le débiteur soit par les administrations requérantes, soit directement par le conservateur;

- Et, d'autre part, les salaires dus pour diverses formalités requises par l'Etat, les départements et les communes, dont le paiement est seulement retardé pour des motifs d'ordre et de comptabilité, le mandatement en étant effectué au vu de mémoires établis par le conservateur.

La qualification de " salaires en débet " ne s'applique, en réalité, qu'aux premiers, qui seuls sont de recouvrement incertain et qui, pour ce motif, doivent, suivant les instructions administratives, être rattachés à l'année de ce recouvrement.

C'est la même distinction qui règle, dans la pratique, la question de l'attribution des salaires. Les premiers appartiennent au conservateur qui les recouvre (Précis Chambaz et Masounabe, n° 1948), tandis que les seconds reviennent à celui qui les a liquidés (Précis, eod. loc.; Rapport Combet, Ass. gén. 1954, page 29).

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 1944-2°.