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ARTICLE 393

RADIATION.

Jugement de radiation. - Liquidation judiciaire.
Inscription de l'art. 517 C. Com. prise par erreur sur les biens du gérant de la société en liquidation.
Erreur constatée par un jugement rendu contre le liquidateur, devenu commissaire à l'exécution du concordat.

Question. - Une société à responsabilité limitée a été mise en liquidation judiciaire, puis admise au bénéfice du concordat.

L'inscription prescrite par l'art. 490, 3° al. du Code de Commerce (actuellement : art. 49 du décret n° 55-583 du 20 mai 1955) n'a pas été requise; mais après l'homologation du concordat - et avant le 1er janvier 1956 le liquidateur a pris, au profit des créanciers concordataires, l'inscription prévue à l'art. 517 du Code de Commerce (actuellement : art. 134 du décret précité du 20 mai 1955) sur tous les biens appartenant tant à la société en liquidation qu'à son gérant.

Estimant que cette inscription avait été requise à tort sur les biens du gérant, un créancier personnel de ce dernier et le gérant lui-même ont assigné le liquidateur, devenu commissaire à l'exécution du concordat, devant le Tribunal civil et ce dernier, faisant droit à leur demande, a ordonné la mainlevée de l'inscription en cause en tant qu'elle grevait les immeubles appartenant personnellement au gérant.

Requis d'opérer la radiation ainsi ordonnée, sur la production d'une expédition du jugement et des certificats constatant que ce jugement est devenu définitif, le conservateur peut-il satisfaire à la réquisition ?

Réponse. - Pour qu'un jugement ordonnant une radiation tienne lieu du consentement du titulaire de l'inscription à radier, il faut qu'il soit opposable à ce dernier. C'est à cette condition qu'il permet au conservateur d'opérer la radiation ordonnée (Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1364; Jacquet et Vétillard, V° Jugement de radiation n° 4). Spécialement, au cas d'une inscription prise au profit des créanciers d'une liquidation judiciaire (actuellement : règlement judiciaire), en vertu de l'art. 5 17 du Code du Commerce, la radiation ne peut être opérée qu'en vertu d'un jugement opposable à tous les créanciers concordataires (Jacquet et Vétillard, V° Faillite et liquidation judiciaire, n° 34-2; Rappr. : Chambaz et Masounabe, 2° éd., n° 1060.

Or, au cas actuel, cette condition n'est pas remplie.

A supposer, en effet, que les créanciers en cause puissent être représentés en justice par un tiers (ce qui parait contraire à la règle : « nul en France ne plaide par procureur »), le liquidateur (actuellement : administrateur judiciaire) devenu commissaire à l'exécution du concordat, contre lequel le jugement a été rendu, n'avait pas les pouvoirs nécessaires pour assurer cette représentation.

D'une part, les fonctions du liquidateur ont pris fin avec l'homologation du concordat (art. 519 du Code de Commerce; art. 136 du décret précité du 20 mai 1955; Chambaz et Masounabe, 2° éd., n° 1050, b; Jacquet et Vétillard, V° Faillite et liquidation judiciaire, n° 34). D'autre part, les pouvoirs du commissaire à l'exécution du concordat sont limités à la mission qui lui a été conférée par le concordat. (Rapp., art. 515, 2° éd. du Code du Commerce; art. 131 du décret précisé du 20 mai 1955); or, au cas actuel, cette mission ne comprenait pas la mainlevée de l'inscription (elle ne pouvait d'ailleurs pas la comprendre, puisqu'il s'agit, non pas de l'inscription de masse de l'art. 490 du Code de Commerce, mais de l'inscription de l'art. 517 du même code, laquelle ne peut être requise qu'après l'homologation du concordat).

Strictement, la mainlevée devrait dès lors être refusée.

En fait, elle peut cependant être opérée sans risques.

Dès lors, en effet, que la procédure de liquidation judiciaire n'a pas été étendue au gérant de la société (ce qu'il est facile de vérifier se faisant présenter une expédition du jugement qui a prononcé la mise en liquidation), il s'agit de la simple rectification d'une erreur. Les créanciers de la société en liquidation, qui n'ont aucun droit hypothécaire contre son gérant, ne seraient pas fondés, par suite, faute d'intérêt, à critiquer la radiation qui aurait dégrevé les immeubles lui appartenant personnellement.

La radiation doit, bien entendu, être limitée à cet objet et réserver expressément les effets de l'inscription en ce que celle-ci grève les biens de la société en liquidation.

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 1060 et 1364; Jacquet et Vétillard, V° Jugement de radiation n° 58 et V° Faillite et liquidation judiciaire, n° 34-2.