Retour

ARTICLE 402

RADIATION.

Faillite et règlement judiciaire. - Inscription de l'hypothèque de masse.
Radiation. - Compétence.

(Rép. Min. Finances, 22 avril 1959).

Question. - M. Marcel Rupied expose à M. le Ministre des Finances et des Affaires Economiques la situation suivante : un syndic de faillite à l'obligation de prendre au Bureau des Hypothèques compétent une inscription au profit de la masse. Lorsque les immeubles sont vendus, il est normal que l'acquéreur désire avoir radiation de cette hypothèque. Or, certains conservateurs se refusent à opérer cette radiation, même lorsque le syndic a été habilité à donner mainlevée par l'ordonnance de clôture de la faillite; ils prétendent qu'il appartient au syndic de rapporter une mainlevée spéciale pour chacun des créanciers de la faillite, ce qui est évidemment pratiquement impossible, puisque la plupart du temps les créanciers ne seront pas intégralement désintéressés et qu'ils refuseront de venir chez un notaire donner la mainlevée demandée ou signer une procuration à cet effet. D'autre part, les frais occasionnés par une telle procédure seraient évidemment considérables. Il lui demande si les conservateurs ont le droit de refuser la radiation de l'hypothèque prise au profit de la masse, lorsque le syndic spécialement habilité à cet effet en a donné régulièrement mainlevée.

Réponse. - Les conservateurs des hypothèques, personnellement et pécuniairement responsables des radiations qu'ils opèrent, ont qualité et intérêt pour apprécier, dans chaque cas particulier, la régularité de la mainlevée en vertu de laquelle une radiation leur est demandée (Cass. 12 juin. 1847, D.P. 1847-1-314). Leurs décisions sont prises sous le contrôle des tribunaux sans que l'Administration puisse intervenir en cette matière.

Sous le bénéfice de cette observation et sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, la question posée par l'honorable parlementaire paraît comporter la réponse suivante : En cas de clôture de la faillite pour insuffisance d'actif (décret n° 55-583 du 20 mai 1955, art. 168), le syndic qui demeure en fonctions et semble avoir qualité pour recevoir le prix de vente des immeubles, paraît fondé à consentir, dans la mesure du payement effectué, la mainlevée de l'inscription hypothécaire prise au nom de la masse. Lorsque la clôture est prononcée pour défaut d'intérêt de la masse (décret précité, art. l70), le syndic semble compétent pour requérir la radiation de l'inscription syndicale, s'il a été expressément habilité par le jugement de clôture. En cas de dissolution de l'union dans les conditions prévues aux articles 159 à 161 du décret susvisé, la mission du syndic prend fin et, à défaut de consentement unanime des créanciers, l'inscription syndicale ne semble pouvoir être radiée qu'en vertu d'une décision judiciaire, sur mise en cause de l'ancien syndic (cf. C. civ. art. 2. 160) Journal Officiel 22 avril 1959, débats parl., Sénat, p. 87 et 88).

Observations. - La question posée vise spécialement le cas où la mainlevée de l'inscription de masse est consécutive à la vente des immeubles du failli. Mais il est également intéressant d'examiner les hypothèses où la mainlevée, totale ou partielle, de l'inscription dont il s'agit a pour résultat de dégrever des immeubles de la faillite autres que ceux qui ont été aliénés.

En cas de faillite, le syndic a qualité pour recevoir le prix de vente des immeubles du failli et, à condition que la vente ait été réalisée régulièrement, de telle sorte qu'elle soit opposable aux créanciers. (Rappr. art. 598 c. comm., art. 162 du décret n°55-583 du 20 mai 1955), il est admis qu'il est également habilité à consentir, comme conséquence du payement effectué, la mainlevée de l'hypothèque de masse (Jacquet et Vétillard, V° Faillite et liquidation judiciaire, n° 42, page 166; Chambaz et Masounabe, Précis, 2° éd., n° 1.046 in fine).

Le syndic peut consentir cette mainlevée aussi longtemps qu'il reste en fonctions, c'est-à-dire, en premier lieu, pendant toute la période préparatoire de la solution de la faillite.

Pendant cette période, c'est la seule hypothèse où il soit habilité à donner mainlevée de l'inscription de masse. En dehors du cas de libération intégrale du failli (auquel cas il y aurait généralement lieu à clôture pour défaut d'intérêt de masse), il est sans qualité pour consentir toute mainlevée totale ou partielle, qui tendrait à dégrever des immeubles qui n'ont pas été aliénés (art. 401 du Bull. A.M.C.).

Après la fin de la période préparatoire, la situation diffère selon la solution que la faillite a reçue.

Au cas d'union, le syndic qui demeure en fonctions ou son successeur (cf. art. 586 C. com. ex. art. 150 du décret précité du 20 mai 1955) conserve, jusqu'à la dissolution de l'union, les mêmes pouvoirs que pendant la période préparatoire. Par contre, lorsque l'union est dissoute, le syndic, dont la mission a pris fin, n'a plus qualité, ni pour donner mainlevée de l'inscription syndicale, en tant qu'elle grève les immeubles qui ont été vendus, ni a fortiori pour en consentir la mainlevée totale (1), si l'inscription a été prise sur tous biens présents et à venir. Celle-ci ne peut plus être consentie que par l'unanimité des créanciers (Jacquet et Vétillard, eod. V°, n° 37, page 163; Chambaz et Masounabe, Précis, 2° éd., n° 1.054); à défaut de ce consentement unanime, elle doit être prononcée par une décision de justice.

(1) Pour inscriptions prises depuis le 1er janvier 1956, la mainlevée totale de l'inscription s'identifiera avec la mainlevée dégrevant les immeubles vendus, puisque l'inscription à radier désignera obligatoirement les immeubles grevés.

Dans la rigueur des principes, cette décision ne peut tenir lieu du consentement des créanciers que si ceux-ci ont tous été appelés à l'instance (Jacquet et Vétillard, V° Jugement de radiation, n° 4, page 371; Chambaz et Masounabe, Précis, 3° éd., n° 1.364). Toutefois, dans la pratique, il serait difficile et souvent même impossible de mettre en cause la totalité des créanciers; ce serait en outre fort onéreux. Comme, au surplus, il s'agit pour le tribunal, non pas de statuer sur un véritable litige, mais seulement de constater la caducité de l'hypothèque de masse résultant de la dissolution de l'union, les auteurs considèrent que l'on peut, sans risque, se contenter, pour radier, d'un jugement rendu contre l'ancien syndic comme seul défendeur (Boulanger, tome I, n° 118, page 161; Jacquet et Vétillard, V° Faillite et liquidation judiciaire, n° 37, p. 163; Chambaz et Masounabe, Précis, 2° éd., n° 1.054).

Au cas de clôture de la faillite pour insuffisance d'actif, la mission du syndic n'est pas modifiée; ses opérations sont seulement suspendues (Jacquet et Vétillard, eod. V°, n° 39, page 164; Chambaz et Masounabe, Précis, 2° éd., n° 1.051). Le syndic demeure qualifié par conséquent pour donner quittance du prix qu'il a encaissé avant la clôture, ou qu'il sera appelé à recevoir ultérieurement et à consentir en conséquence la mainlevée de l'inscription syndicale en ce qu'elle grève les immeubles vendus. Mais il n'a les le droit de consentir à la radiation totale de l'inscription syndicale lorsque celle-ci a été prise sur tous biens. Cette radiation requiert le concours de tous les créanciers (Précis, Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1.051-2°) ou, à défaut, une autorisation de justice.

Quant à la clôture de la faillite pour défaut d'intérêt de masse, elle met fin aux pouvoirs du syndic. En même temps, elle rend caduque l'hypothèque de masse; mais cette caducité, à la différence de celle qui résulte de la dissolution de l'union, est constatée, sans doute implicitement, mais néanmoins d'une manière indiscutable, par le jugement de clôture qui rétablit le débiteur dans tous ses droits (art. 606 C: comm., ex. art. 170 du décret précité du 20 mai 1955; Bull. A.M.C., art. 230) et, par conséquent, entraîne la dissolution de la masse.

Strictement, c'est le tribunal lui-même qui devrait tirer la conséquence de la disparition de l'hypothèque de la masse en ordonnant la radiation de l'inscription (Rappr. Angers, 25 février 1959, J.C.P. 1959-II-11265) ou, au moins, en conférant à l'ancien syndic le pouvoir d'en donner mainlevée. Néanmoins, même lorsque le jugement ne confère pas ce pouvoir, on peut sans risque opérer la radiation sur la mainlevée émanant de l'ancien syndic appuyée d'une expédition du jugement ordonnant la clôture de la faillite.

Ce qui vient d'être dit au sujet de la faillite est applicable également au cas de règlement judiciaire.

Mais, dans ce dernier cas, la procédure peut aboutir, non seulement à l'union, à la clôture pour insuffisance d'actif ou à la clôture pour défaut d'intérêt de masse, mais encore à une autre solution qui n'existe plus en matière de faillite : le concordat.

Au cas de concordat, il faut, pour ce qui concerne la radiation de l'hypothèque de masse consécutive à la vente des immeubles du débiteur, distinguer entre le concordat simple et le concordat par abandon d'actif.

Au cas de concordat simple, les pouvoirs de l'administrateur cessent dès que le jugement d'homologation est passé en force chose jugée (art. 572 C. comm., ex. art. 136 du décret précité du 20 mai 1955), de sorte que si, pendant la période préparatoire, l'administrateur a encaissé le prix d'immeubles vendus sans donner mainlevée de l'inscription de masse grevant ces immeubles, il n'a plus le pouvoir de consentir cette mainlevée. (Jacquet et Vétillard, eod. V°, n° 34; Chambaz et Masounabe, Précis, 2° éd., n° 1.050, b). Il n'a pas non plus, a fortiori, le pouvoir de consentir la radiation totale de l'inscription, si celle-ci est prise sur d'autres immeubles ou sur tous les biens présents et à venir.

Souvent, cependant, le concordat règle lui-même le sort de l'inscription de masse et, lorsqu'il ne donne pas immédiatement mainlevée de celle-ci, il confie à un commissaire chargé de surveiller sont exécution (lequel est souvent l'ancien administrateur) le soin de consentir cette mainlevée; l'absence d'une telle clause pouvait même, sous le régime antérieur au décret du 20 mai 1955, être une cause de refus de l'homologation du concordat (art. 515, ancien, du Code de Commerce). Dans ce cas, c'est au commissaire à l'exécution du concordat qu'il appartient de consentir la mainlevée de l'inscription de masse dans les conditions prévues au concordat. Cette inscription sera radiée seulement en ce qu'elle grève les immeubles qui ont été aliénés et dont le prix a été encaissé au profit de la masse si le commissaire n'a reçu pouvoir de donner mainlevée que comme conséquence de la réalisation de l'actif. La radiation pourra au contraire être totale si les pouvoirs du commissaire ne sont pas limités ou encore, si tous les immeubles grevés par l'inscription ont été vendus et le prix payé.

Il arrive aussi que le concordat, sans prévoir expressément la radiation de l'inscription de masse, donne au commissaire chargé de surveiller la réalisation de l'actif le pouvoir d'en encaisser le prix pour le compte des créanciers concordataires, à condition que la vente ait été réalisée dans les conditions prévues au concordat, le commissaire peut alors, en donnant quittance du prix et comme conséquence du payement, donner mainlevée de l'inscription de masse. Celle-ci pourra être totale si tous les immeubles grevés ont été aliénés et si le commissaire en a touché le prix.

Lorsque le concordat ne renferme aucune des clauses qui viennent d'être envisagées, la radiation doit alors être consentie par l'unanimité des créanciers ou ordonnée par une décision de justice. Cette décision devrait, strictement, être rendue contre tous les créanciers; toutefois, pour les motifs indiqués plus haut, lorsqu'a été examiné le cas des radiations requises après la dissolution de l'union, et lorsqu'il s'agit seulement de constater l'extinction de l'hypothèque résultant du payement fait entre les mains de l'administrateur alors en fonctions, on peut se contenter d'un jugement constatant la régularité de la vente et du payement rendu contre le seul ancien administrateur. Par contre, lorsqu'il s'agit d'immeubles vendus à l'amiable par le débiteur remis par le concordat à la tête de ses affaires, il ne paraît pas possible d'éviter la remise en cause de tous les créanciers dont le consentement n'a pu être obtenu. (Jacquet et Vétillard, eod. V° n° 34-2; Chambaz et Masounabe, Précis, 2° éd. n° 1.050-III-2°).

Au cas de concordat par abandon d'actif, la situation est différente : la liquidation de l'actif abandonné s'opère comme en cas d'union (art. 585 C. comm., ex., art. 149 du décret précité du 20 mai; 1955) et jusqu'à la dissolution de l'union, l'administrateur qui reste en fonctions peut, en donnant quittance des prix de vente, consentir en conséquence la mainlevée de l'inscription de masse grevant les immeubles vendus. Après la dissolution de l'union, il doit être procédé ainsi qu'il a été dit plus haut, lorsque l'hypothèse a été envisagée en matière de faillite.

Les observations qui précèdent visant le cas de concordat par abandon d'actif supposent que le concordat ne renferme aucune disposition particulière au sujet de l'inscription de masse. Dans le cas contraire, il faudrait, bien entendu, se conformer aux stipulations du concordat.

Annoter : Jacquet et Vétillard, V° Faillite et Liquidation judiciaire, numéros 34, 35. 36, 37, 38 et 39; C.L.M., 2° éd., numéros 1.046, 1.050, 1.051, 1.052, 1.053, 1.054 et 1.055.