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ARTICLE 405

PROCEDURE.

Instance principale entre parties.
Appel justifié du Conservateur en intervention forcée.

PROCEDURE. - PUBLICATION D'ACTES.

Décision de justice ordonnant la radiation d'une transcription.
Mode d'exécution.

SOMMAIRE

I. - Aucun immeuble n'existant à l'adresse donnée à un appartement vendu une deuxième fois sous une adresse intentionnellement différente, la revente est nulle et de nul effet; la radiation de la transcription doit en être ordonnée.

II. - L'instance étant seulement liée entre les deux acquéreurs, la responsabilité du notaire et du conservateur ne saurait être recherchée; cependant leur appel en intervention forcée se trouve suffisamment justifié à l'effet qu'ils ne puissent méconnaître les faits et circonstances qui ont motivé la décision confirmée.

ARRET DE LA COUR D'AIX (PREMIERE CHAMBRE) DU 26 MAI 1959

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par le sieur Peverini d'un jugement du Tribunal Civil de Nice en date du 3 juin 1955 qui a constaté l'identité des deux appartements vendus successivement par feu Curti Antoine, par acte reçu aux minutes de M° C..., notaire à Saint-S... les 5 mars et 1er avril 1939 et par acte reçu au rang des minutes de M° F...., notaire à N..., le 31 août 1950 et dit que la vente, consentie par feu Curti Antoine, à Peverini Raphaël, est nulle et de nul effet, en l'état de la transcription antérieure et préférable de la vente consentie par lui à la demanderesse, ordonné en conséquence la radiation de la transcription de l'acte de vente du 31 août 1950 au 2° Bureau des Hypothèques de N..., ordonné en outre l'expulsion immédiate de Peverini et de tous occupants de son chef de l'appartement litigieux.

Statuant de même suite sur l'appel en intervention forcée réalisé par Peverini contre M F... notaire, et contre le Conservateur des Hypothèques..

Attendu que des documents et renseignements produits aux débats il résulte que feu Curti Antoine a bien possédé deux appartements sis au 1er étage de l'immeuble 7, rue du Poilu, à Villefranche-sur-Mer, mais que l'un de ces appartements, celui de droite, est hors de débat comme ayant été vendu à un tiers; que le deuxième appartement, celui de gauche, a, par contre été vendu manifestement deux fois par ledit Curti : la première fois suivant acte en date des 5 mars et 1er avril 1939 reçu par M° C...,notaire à Saint-S.... aux termes duquel ledit Curti vendait à demoiselle Barzizza Stanisla, la nue propriété « d'un appartement sis au 1er étage à gauche en montant d'une maison d'habitation sise dans la ville de Villefranche-sur-Mer, rue du Poilu, n° 7, comprenant 4 pièces, cuisine, petite pièce et water-closet » et ce pour le prix de 20.000 francs payé dès avant acte, lors la vue du notaire, mais quittancé dans l'acte, la 2° fois sous une adresse intentionnellement différente, suivant acte aux minutes de M° F...., notaire à N...., en date du 31 août 1950, aux termes duquel le même Curti vendait à Raphaël Peverini « un appartement au premier étage à droite en regardant la façade et à gauche en montant l'escalier d'une maison située à Villefranche-sur-Mer, 7, rue Henri-Biais, ledit appartement comprenant quatre pièces, cuisine, penderie, et water-closet », avec réserve d'usufruit pour le vendeur sa vie durant et pour le prix de 120.000 francs immédiatement converti en bail à nourriture.

Attendu que malgré l'adresse dudit appartement, portée à l'acte comme étant 7, rue Henri-Biais, à Villefranche, il n'y a pas d'équivoque possible, aucun immeuble n'existant au n° 7 de la rue, Henri-Biais et Curti n'ayant jamais possédé que les appartements du 1er étage de l'immeuble 7, rue du Poilu;

Que, profitant de l'absence de demoiselle Barzizza qui résidait alors en Italie, ledit Curti au demeurant âgé et de santé déficiente a cru pouvoir vendre une 2° fois le même appartement en le situant faussement, 7, rue Henri-Biais.

Attendu qu'aucune expertise n'est nécessaire pour démontrer cette évidence et que le jugement entrepris est donc en voie de confirmation.

Attendu que Peverini appelant a appelé en intervention forcée le notaire Fossati et le Conservateur des Hypothèques aux fins que l'arrêt rendu leur soit commun; qu'il fait plaider qu'il aurait appartenu au notaire de vérifier exactement l'existence et l'adresse du bien vendu et au Conservateur de s'assurer, avant de transcrire en 1950 la vente de l'appartement emplacé 7, rue Henri-Biais, du chef de Curti, si le même Curti n'en avait pas déjà opéré la vente sous une adresse différente en 1939.

Attendu que la responsabilité tant du notaire Fossati que du Conservateur des Hypothèques ne saurait être recherchée en la présente instance qui est liée seulement entre Peverini et demoiselle Barzizza; que, cependant, leur appel en intervention forcée se trouve suffisamment justifié à l'effet qu'ils ne puissent méconnaître les faits et circonstances qui ont motivé la décision des premiers juges, confirmée par la Cour.

Par ces motifs et ceux des premiers, juges.

La Cour confirme purement et simplement le jugement entrepris qui sortira son plein et entier effet.

Dit justifié par des circonstances de fait l'appel en intervention forcée du notaire F... et du Conservateur des Hypothèques, 2° Bureau de N....

Condamne Peverini aux entiers dépens...

Observations. - La décision rapportée ne peut être approuvée en tant qu'elle déclare justifiée la mise en cause en appel, afin que le Conservateur ne puisse méconnaître les faits et circonstances qui ont motivé la décision confirmée. Il aurait fallu pour cela que ces faits et circonstances aient une influence certaine sur l'action envisagée contre celui-ci. Or, il n'en est rien.

En effet, au principal, l'instance était motivée par la demande en nullité de la vente d'un appartement (paraissant différemment désigné dans les deux actes), intentée par un premier acquéreur contre un second postérieur en date : tant en ce qui concerne son acquisition que la transcription de son acte. Comme le tribunal, la Cour décide que, sans équivoque possible, il est évident qu'il s'agit d'un même appartement.

Qu'importe au Conservateur, à qui on prétend faire grief de n'avoir point délivré la transcription de la première vente dans l'état requis sur la transcription de la seconde.

Sauf rares accidents de jurisprudence, il est de principe que le Conservateur ne doit pas certifier en fonction de recherches extérieures ou d'après ses connaissances personnelles. (Circ. 25 juin 1821. J. Conserv. 4.403). Les recherches auxquelles il est tenu, sont les recherches intrinsèques, c'est-à-dire celles portant sur les seuls documents de ses archives en rapport direct et obligé avec les termes de la réquisition et ceux de la formalité à laquelle elle se réfère. (Précis, C.M.L., n° 1621 ; Becqué et Bulté. J. class. crv., art. 2.196, fasc. I n° 125; Rapp. civ. 26 avril 1882; J. Conserv. 3.456; Cit. 15 mai 1901, J. Conserv. 5.321).

Ce n'est donc que si le tribunal, ou la Cour ait décidé, hors la présence du Conservateur, que, malgré la différence de désignation de l'appartement dans les deux actes de ventes, il aurait dû en reconnaître l'identité, que celui-ci aurait pu former tierce opposition à une décision susceptible de nuire à sa défense. Puisqu'il n'avait pas ce droit, l'appel en intervention forcé n'était justifié : ni en fait, ni en droit. (Nouv. Rep. Dallor, V°. Intervention forcée n° 37: Reg. 11 mai 1908, D. 08-1-365; note Masounabe-Puyanne sous civ. 30 avril 1958; J.C.P. 10.655).

Par contre, c'est à bon droit que, sans demander sa mise hors de cause pour des motifs d'opportunité, notre collègue a conclu, non sur le fond, mais contre toute argumentation qui tendrait à sanctionner sa responsabilité. La Cour en a convenu puisqu'elle déclare expressément que la responsabilité tant du notaire que du Conservateur, ne saurait être recherchée en la présente instance; puisque celle-ci est liée seulement entre les acquéreurs.

II. - Le jugement confirmé en appel a ordonné la radiation de la transcription du second acte de vente.

En réalité, les seules formalités qui peuvent être radiées sont les inscriptions et les publications de saisie. Aucun texte ne prévoit la radiation des autres formalités.

Sous l'empire de l'art. 4 de la loi du 23 mars 1855, les décisions de justice prononçant la résolution, la nullité ou la radiation d'un acte transcrit pouvaient être publiées sous la forme d'une mention inscrite en marge de la transcription de l'action résolu, annulé ou rescindé. Mais cette mention n'équivalait pas à une radiation, la transcription qui en était émargée continuait à être révélée dans les états en même temps que la mention.

Depuis le 1er janvier 1956, ladite mention n'est même plus possible. Sous le nouveau régime hypothécaire, les jugements prononçant une résolution, une nullité ou une rescision sont publiés de la même manière que les autres actes.

Au cas particulier, par conséquent, le seul moyen d'exécuter le jugement du 3 juin 1955 consistera dans la publication, en la forme ordinaire, de cette décision et de l'arrêt qui l'a confirmée.

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 933, 934 et 2048.