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ARTICLE 427

I. - ETATS HYPOTHECAIRES

Inscription d'hypothèque légale de la femme mariée prise en termes généraux.
Immeubles vendus antérieurement par le mari avec renonciation par la femme à son hypothèque légale au profit de l'acquéreur.
Revente de l'immeuble par ce dernier.
Inscription de l'hypothèque légale portée sur l'état de transcription.
Régularité.

II. - PROCEDURE.

Instance en cassation.
Chef de l'arrêt attaqué profitant au Conservateur des hypothèques non critiqué par le pourvoi.
Appel du Conservateur à l'instance injustifié. - Mise hors de cause.

SOMMAIRE

I. - L'inscription d'hypothèque légale requise par une femme mariée sur tous les biens présents et à venir que son mari « possède ou pourra posséder » frappe non seulement les immeubles possédés, par le mari au jour où elle a été prise, mais également ceux qui lui ont appartenu depuis le jour du mariage et qui ont été vendus à une date antérieure à celle de l'inscription.

Par suite l'état requis sur ces derniers biens du chef du mari doit révéler l'inscription d'hypothèque légale requise en termes généraux par la femme. Il en est ainsi même lorsque celle-ci a comparu à l'acte de vente et a expressément renoncé à son hypothèque légale au profit de l'acquéreur (résolu par l'arrêt attaqué).

II. - Lorsque l'arrêt d'une cour d'appel a reconnu qu'un conservateur des hypothèques n'avait pas commis de faute et ne pouvait être condamné à des dommages-intérêts et aux dépens et qu'un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt, le conservateur appelé a l'instance en cassation doit être mis hors de cause dès lors que le pourvoi n'attaque pas le chef de l'arrêt qui le concerne.

ARRET DE LA COUR DE CASSATION (CH. CIVILE) DU 30 AVRIL 1958 :

LA COUR,

Sur la mise hors de cause demandée par le Conservateur des hypothèques :

Attendu que, dans le litige pendant entre dame Dupuy, la Société France d'outre-mer et le conservateur des hypothèques, l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré que ce dernier; n'ayant commis aucune faute, ne pouvait être condamné à des dommages-intérêts et aux dépens; que le pourvoi n'attaque pas l'arrêt de ce chef; que la mise hors de cause du conservateur doit donc être prononcée; met hors de cause le conservateur des hypothèques;

Sur le moyen unique pris en ses deux branches :

Attendu que les époux Plault-Dupuy ont vendu à la Société France outremer un immeuble de communauté, dame Dupuy renonçant expressément, dans l'acte, à son hypothèque légale sur cet immeuble; que postérieurement à l'occasion d'une instance en divorce entre lesdits époux, dame Dupuy a requis du conservateur des hypothèques l'inscription de son hypothèque légale sur « tous les immeubles présents et à venir que son mari possède, ou pourra posséder » dans le ressort de la Conservation; qu'ultérieurement, la Société a revendu l'immeuble que l'état des « inscriptions » grevant celui-ci demandé à ce moment, mentionnant l'existence de l'hypothèque légale de dame Dupuy sur l'immeuble, la société n'a pu recevoir une partie du prix pendant seize mois;

Attendu que la société a assigné dame Dupuy en mainlevée d'hypothèque et dommages-intérêts, et appelé en intervention forcée le conservateur; que dame Dupuy a soutenu que l'hypothèque n'aurait pas dû être inscrite sur l'immeuble; que le tribunal a imputé cette inscription à faute au conservateur, l'a condamné à payer 20.000 francs de dommages-intérêts à la Société, et a mis dame Dupuy hors de cause;

Attendu que l'arrêt infirmatif attaqué a, au contraire, relevé que le conservateur n'avait commis aucune faute au motif que la réquisition d'inscription de l'hypothèque légale de dame Dupuy sur tous les immeubles « présents » visait les immeubles dont le mari ou la communauté avaient été propriétaires depuis la date du mariage, et que le conservateur n'était pas juge de la validité de la renonciation; qu'il a en conséquence condamné la société et dame Dupuy aux dépens, chacune, pour moitié;

Attendu que le pourvoi reproche à la Cour d'Appel d'avoir condamné dame Dupuy aux dépens, alors que l'arrêt n'aurait retenu aucune faute à son encontre, mais constaterait, au contraire, que si, lors de la revente, un état, non seulement des inscriptions, mais également des transcriptions avait été demandé, celui-ci aurait révélé la renonciation, et que la société, qui n'avait pas fait cette double demande, était mal fondée à réclamer des dommages-intérêts ;

Mais attendu que dame Dupuy avait invoqué la faute du conservateur, et conclu devant la Cour à la confirmation du jugement, qui le condamnait; que dès lors, elle succombait à cet égard dans sa prétention et que la Cour d'Appel était fondée à mettre à sa charge une partie des dépens; que le moyen n'est pas, en conséquence, fondé ;

Par ces motifs : - Rejette le pourvoi.

Observations. - I. - L'arrêt de la Cour d'Appel de Bordeaux du 1er mars 1951, contre lequel était dirigé le pourvoi en cassation a été publié sous l'article 96 du Bulletin.

La cour avait jugé, conformément à une jurisprudence bien établie:

1° Que l'inscription d'hypothèque légale de femme mariée prise par une dame Plault « sur tous les biens présents et à venir que M. Plault possède ou pourra posséder » frappait, non pas seulement les immeubles appartenant au mari au moment où elle avait été inscrite, mais tous les immeubles qu'il avait possédé à un moment quelconque depuis le jour du mariage et spécialement un immeuble sis à Bordeaux qui avait été aliéné à une date antérieure à celle de l'inscription ;

2° Que le conservateur des hypothèques, qui, en matière de délivrance d'états, a un rôle purement passif, n'a pas à se faire juge de l'efficacité des inscriptions figurant sur ses registres et qu'en particulier, dans le cas de l'inscription d'hypothèque légale de femme mariée requise par la dame Plault, il avait à bon droit révélé cette inscription dans l'état requis du chef du mari sur l'immeuble, sis à Bordeaux, qui avait appartenu à celui-ci depuis le jour du mariage, bien que dans l'acte d'aliénation de cet immeuble Mme Plault soit intervenue pour renoncer à son hypothèque légale.

Le pourvoi ne critiquait pas l'arrêt sur ces points, de sorte que la Cour de Cassation n'a pas eu à les examiner. Si elle avait eu à le faire, elle aurait certainement approuvé la décision de la cour d'appel, étant donné qu'elle s'est déjà prononcée dans le même sens que celle-ci par un arrêt de la chambre civile du 15 mai 1901 (DP 1902-1-441, Journ. Not. 27433; Journ. Conserv. 5321; Rev. Hyp. 2534).

Les principes consacrés tant par ce dernier arrêt que par celui de Bordeaux n'ont plus cependant qu'un intérêt limité depuis que le décret du 4 janvier 1955, portant réforme du régime hypothécaire, a, d'une part, supprimé le caractère occulte de l'hypothèque légale (art. 2146 nouv. C. Civ; art. 21 du décret précité), laquelle ne prend plus rang désormais que du jour de son inscription (art. 2134 nouv. C. civ. ; art. 20 du décret précité) et a, d'autre part, exigé dans les bordereaux d'inscription la désignation individuelle des immeubles grevés, à l'exclusion de toute désignation générale (art. 2146, der. al. et 2148, 5° nouv. c. civ; art. 21 et 22 du décret précité).

II. - L'arrêt attaqué avait reconnu que le conservateur n'avait commis aucune faute et ne pouvait par suite être condamné ni à des dommages-intérêts ni aux dépens; il l'avait en conséquence mis hors de cause.

Or, le pourvoi ne critiquait pas l'arrêt de ce chef; l'instance en cassation était dès lors étrangère au conservateur; celui-ci, qui y avait été appelé à tort, ne pouvait dès lors qu'être hors de cause devant la Cour suprême.

Annoter : C.M.L. 2° éd. n° 612, 1813 et 2048 ; Jacquet, Traité des états, n° 90 et 217.