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ARTICLE 499

INSCRIPTIONS. - RADIATIONS.

Acte de constitution et de mainlevée d'hypothèque.
Consentement du mandataire. - Mandat authentique obligatoire.
Dérogation en faveur des mandats contenus dans les actes de formation et les délibérations des sociétés commerciales.

PUBLICATION D'ACTES.

Authenticité obligatoire.
Mandat donné par acte sous signature privée ou constaté dans une délibération d'une société.
Publication de la procuration sous signature privée ou de la délibération comme annexe à un acte soumis à publicité.
Régularité.

(Rép. Min. Fin. et Aff. écon., 19 août 1961.)

Question. - M. Mariotte expose à M. le Ministre des Finances et des Affaires économiques que les mutations de propriété d'immeubles nécessitant aujourd'hui l'intervention d'un notaire pour l'accomplissement des formalités auprès de la conservation des hypothèques, il est exigé dans certains cas que les représentants d'une société anonyme ayant à concourir aux actes soient habilités par des décisions du conseil d'administration prises sous la forme authentique, ce qui est la source de multiples complications. Il est demandé : 1° si cette exigence de certains conservateurs est justifiée : 2° dans quels cas elle pourrait paraître indispensable et dans quels cas elle pourrait être évitée.

Réponse. - 1° D'une manière générale, les mutations de droits réels immobiliers ne peuvent être publiées dans un bureau des hypothèques que si elles résultent d'un titre dressé en la forme authentique (décision judiciaire, acte notarié ou en la forme administrative) ou authentifié par son dépôt aux minutes d'un notaire par toutes les parties avec reconnaissance d'écritures et de signatures (décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, article 4; décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, article 68, paragraphes 1 et 2). Mais la règle de l'authenticité obligatoire n'est édictée par l'article 4 précité du décret du 4 janvier 1955 qu'en ce qui concerne l'acte " sujet à publicité " lui-même. Aussi, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, cette règle ne paraît-elle pas s'appliquer, d'une part, aux " pouvoirs résultant de l'acte de formation " d'une société anonyme " ou des délibérations ou autorisations constatées dans les formes réglées par ledit acte " (rapp. article 69 de la loi modifiée du 24 juillet 1867 sur les sociétés par actions) et, d'autre part, aux procurations données à des tiers à l'effet de représenter la société à l'acte de mutation (cf. réponse de M. le Ministre de la Justice à la question écrite n° 7578, posée par M. Pelleray, député, Journal Officiel, Déb. Ass. Nat., 7 septembre 1957, p. 4047, col. 2). Il n'en serait autrement qu'au cas où les actes de formations, les délibérations et procurations susvisées renfermeraient eux-mêmes des dispositions sujettes à publicité et feraient l'objet d'une réquisition de publication. 2° En dehors de cette dernière hypothèse, un pouvoir ne doit obligatoirement " revêtir la forme authentique que lorsque l'authenticité de l'acte pour la passation duquel il est donné est exigée par la loi en vue d'assurer, soit la sincérité de l'acte dans un intérêt d'ordre public, soit la protection du consentement d'une partie " (cf. réponse à la question écrite précitée). tel serait le cas, par exemple, si une société anonyme donnait mandat à un tiers d'accepter en son nom une donation de droits réels immobiliers. Mais les conservateurs des hypothèques n'étant pas, en principe, juges de la validité des titres qu'ils sont requis de publier ne sauraient refuser le dépôt des actes considérés, motif pris de l'inobservation des règles de forme imposées par la loi civile. (J.O. 19 août 1961, Déb. Ass. Nat., p. 2143.)

Observations. - 1° Aux termes des articles 2127 et 2158 du Code Civil, les actes portant constitution ou mainlevée d'hypothèque doivent être dressés en la forme authentique. Il est actuellement admis sans difficulté que cette obligation s'étend aux mandats donnés pour la formation de la convention (Jacquet et Vétillard, Introduction, n° 12, page 15, et V° Sociétés. n° 18, page 664; Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 864). La raison en est que, dans le cas des articles précités, l'authenticité est exigée pour assurer la sincérité du consentement et que c'est dans le mandat que ce consentement réside.

Il est toutefois dérogé à cette règle en faveur des sociétés commerciales, par l'article 69 de la loi du 24 juillet 1867, modifiée par l'article 6 de la loi du 1er août 1893, lequel dispose que " il pourra être consenti hypothèque au nom de toute société commerciale en vertu des pouvoirs résultant de son acte de formation même sous seing privé, ou des délibérations ou autorisations constatées dans le: formes réglées par ledit acte ".

Bien que cette disposition ne vise que les constitutions d'hypothèque, la jurisprudence reconnaît qu'elle est applicable également aux mainlevées d'hypothèque (Jacquet et Vétillard. V° Sociétés, n° 26, page 673 ; Chambaz et Masounabe, 2° éd., n° 1296.)

Il en résulte que les mandats consentis dans les statuts ou dans les délibérations régulières d'une société commerciale, pour la constitution ou de mainlevée d'une hypothèque sont dispensés de la condition d'authenticité prévue par les art. 2127 et 2158 du Code Civil. Il suffit que la copie de la délibération soit certifiée par la personne habilitée à cet effet par les statuts, en général le président-directeur général.

Mais cette dérogation doit être limitée au cas des sociétés régies par la loi commerciale; elle ne s'étend pas au cas des sociétés civiles qui ne peuvent, en toute hypothèse, donner mandat pour constituer une hypothèque ou en donner mainlevée que par acte authentique. (Jacquet et Vétillard, V° Sociétés, n° 18, page 666; Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1288.)

2° La situation est différente lorsqu'il s'agit de l'authenticité exigée par l'article 4 du décret du 4 janvier 1955 pour les actes sujets à publicité.

Si la forme authentique a été exigée pour ces derniers actes, ce n'est pas pour la solennité du consentement comme au cas des art. 2127 et 2158 du Code Civil, mais, explique l'Administration, dans l'exposé des " Principes généraux de la réforme hypothécaire réalisée par le décret du 4 janvier 1955 )" parce qu' " il importe..., pour le bon fonctionnement du service hypothécaire, que les documents publiés soient correctement rédigés, que les clauses soient claires et précises, que la, désignation des contractants et des immeubles soit complète et exacte ", et qu'il est apparu aux rédacteurs du décret que seule la rédaction des contentions en la forme authentique permettait. d'obtenir ce résultat.

Il n'y a pas dès lors les mêmes raisons qu'au cas des actes de constitution et de mainlevée d'hypothèque, d'étendre l'exigence de l'authenticité aux actes qui concourent à la formation de la convention sans en renfermer la teneur. La nécessité de la forme authentique doit être limitée aux seuls actes que vise l'article 4, c'est-à-dire ceux qui, en raison des conventions qu'ils constatent, sont par eux-mêmes " sujets à publicité ".

C'est pour ce motif que le département de la Justice a exprimé l'avis que les procurations données par acte sous signature privée pouvaient être publiées lorsqu'elles étaient annexées à un acte sujet à publicité (Rép. Min. Justice, 7 septembre 1957, Bull. A.M.C., art. 481). Il doit en être de même des délibérations des sociétés renfermant un mandat ou une autorisation, sans distinguer selon que la société en cause revêt la forme civile ou commerciale, lorsqu'elles sont annexées à un tel acte.

Bien entendu, ainsi que l'observe la réponse ministérielle du 19 août 1961 reproduite ci-dessus, la situation serait différente si était requise la publication de délibérations renfermant des dispositions sujettes à publicité, les délibérations enteraient alors directement dans le champ d'application de l'article 4 du décret du 4 janvier 1955 et devraient être établies en la forme authentique.

Annoter : Jacquet et Vétillard, Introduction n° 12, page 15, et V° Sociétés, n° 18, pages 664 et 666, et 26, page 673 ; C.M.L., 2° é d. n° 488 A-III (feuilles vertes), 1288 et 1296.