ARTICLE 527 INSCRIPTIONS EN RENOUVELLEMENT. Désignation des immeubles. Inscriptions requises avant le 1er janvier 1956 sur tous les immeubles appartenant au débiteur. ORDONNANCE DU PRESIDENT L'an 1962 et le 8 mars à 15 heures, devant Nous
Vinay Maurice, Président du tribunal de Grande Instance de Privas,
Chevalier de la Légion d'Honneur, siégeant en notre Cabinet
sis en ladite ville, assisté de Nicolas Greffier ; A comparu Georgette Arnodet, épouse divorcée
de Jean-Jacques Clozel, représentée par M° Durleman,
avocat, assisté de M° Carreau, avoué, lequel nous a
exposé qu'elle avait fait citer par devant Nous ces jour et heure
le Conservateur des Hypothèques de Tournon pour entendre dire et
juger que M. le Conservateur des Hypothèques devra inscrire en
ses volumes à la date du 9 décembre 1961 le renouvellement
de l'inscription prise le 11 décembre 1951 par ses soins à
l'encontre de Clozel Jean-Jacques, son débiteur ; Qu'il explique que, suivant jugement du Tribunal civil
de Tournon en date du 28 février 1951, devenu définitif,
Jean-Jacques Clozel a été condamné à payer
à la dame Arnodet, son ex-épouse, une pension alimentaire
mensuelle de 1.000 francs; Que pour avoir garantie et paiement de cette pension
ladite dame Arnodet a, le 2 décembre 1951, pris une inscription
judiciaire d'hypothèque sur tous les biens présents et à
venir dudit Closet et que cette inscription a été dûment
enregistrée ; Que, en vue d'obtenir le renouvellement décennal
de cette hypothèque, elle a, le 9 décembre 1961 , présenté
à Monsieur le Conservateur des Hypothèques deux bordereaux
aux termes desquels elle sollicitait le renouvellement de l'inscription
d'origine ; Que ces bordereaux étaient réguliers en
la forme pour comporter tant son état civil que celui de Clozel
; Que cependant, par lettre du 28 décembre 1961;
M. le Conservateur lui notifiait que ces bordereaux ne se trouvaient pas
être complets faute de désignation des immeubles grevés
et qu'elle avait à les compléter par la désignation
de ces immeubles ; Que Clozel n'étant pas quant à présent propriétaire d'immeubles, elle ne put compléter les bordereaux et que M. le conservateur lui faisait connaître par lettre du 29 janvier 1962 dûment notifiée que, faute de désignation des immeubles, il ne pouvait que refuser le renouvellement de l'inscription et ce en vertu des dispositions nouvelles de la réforme de la publicité foncière intervenue par décret du 4 janvier 1955 et décrets subséquents ; Qu'elle soutient que les dispositions nouvelles ne lui sont pas applicables ; A également comparu, en personne, M. le Conservateur des Hypothèques de Tournon, lequel a persisté dans son refus ; Sur quoi, statuant comme en matière de référé par application de l'article 26 du décret du 4 janvier 1955, avons statué en ces termes : Attendu que la demanderesse conclut à l'inscription, à la date du 9 décembre 1961 du renouvellement de l'inscription par elle prise le 2 décembre 1951 ; Attendu qu'à cette demande d'inscription, le Conservateur a opposé un refus au motif que le bordereau dépose ne comportait pas la désignation des immeubles ; Attendu que l'inscription prise le 2 décembre 1951 portait expressément sur tous les biens meubles et immeubles présents et à venir que le sieur « possède ou possédera et qui sont ou seront situés dans l'étendue du ressort de la Conservation des Hypothèques de Tournon » ; Attendu que la demanderesse déclare qu'à sa connaissance son débiteur n'est pas actuellement propriétaire, ni détenteur à un titre quelconque de quelque immeuble sis dans la circonscription du Bureau des Hypothèques de Tournon; Attendu qu'il convient de faire application au présent cas d'espèce des dispositions transitoires des articles 38 et suivants du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ; Attendu qu'aux termes des trois derniers alinéas dudit article 38, dérogeant à l'article 7 du même décret, les dispositions des chapitres premier, 2 et 3, ne sont pas applicables aux décisions judiciaires devenues définitives lesquelles sont régies, quant à l'obligation de la publicité et à leurs effets, à la législation antérieure ; Qu'il y est spécifié que tout bordereau déposé à partir du 1er janvier devra être conforme aux dispositions des articles 2146, 2148 et 2154 nouveaux du Code Civil Que les dispositions de l'article 2154 nouveau, auquel renvoie ledit article 38 et qui concernent le renouvellement des inscriptions renvoie au décret du 14 octobre 1955 ; Que ce dernier décret pris, après avis du Conseil d'Etat pour l'application du décret du 4 janvier 1955, dispose en son article 62 qu'à partir du 1er janvier 1956, le premier bordereau de renouvellement devra porter, pour produire ses effets, outre les mentions concernant la personne ou l'état du créancier. le montant de la créance et la désignation du propriétaire de l'immeuble, la désignation actuelle de chacun des immeubles grevés par l'inscription de renouvellement Qu'aucune disposition du texte n'exige une mention spéciale concernant les immeubles à venir susceptibles d'être grevés, pour lesquels d'ailleurs aucune identification actuelle ne saurait être individualisée; Attendu qu'enfin, dans son troisième alinéa, l'article 38 dispose que les hypothèques légales de la femme mariée et du mineur ou de l'interdit, ainsi que les hypothèques judiciaires inscrites antérieurement au 1er janvier 1956 seront soumises quant à leurs effets aux dispositions du Code Civil antérieures et que les hypothèques légales conserveront leur rang dans les conditions du texte de l'article 2135 antérieur au décret; Qu'ainsi les nouvelles dispositions laissent subsister
sur les points qu'elles spécifient, les dispositions antérieures
à la réforme de Publicité Foncière ; Qu'il y a donc lieu de faire droit à la requête de la dame Arnodet. Par ces motifs, Faisant droit à la requête de la dame Arnodet,
disons que M. le Conservateur des Hypothèques de Tournon sera tenu
d'inscrire en ses volumes, à la date du 9 décembre 1961
le renouvellement de l'inscription prise le 11 décembre 1951 par
la dame Arnodet à l'encontre de Clozel Jean-Jacques ; Condamnons le défendeur aux dépens ; Fait à Privas, le 15 mars 1962. Observations. - Aux termes de l'article 62-1 du
décret du 14 octobre 1955, « à titre transitoire,
le premier bordereau de renouvellement déposé à partir
du 1er janvier 1956 pour renouveler une inscription prise avant cette
date porte la désignation actuelle de chacun des immeubles grevés
par l'inscription en renouvellement. Cette disposition est-elle inapplicable aux renouvellements
d'inscriptions prises avant le 1er janvier 1956 sur tous les biens du
débiteur, de telle sorte que les bordereaux de renouvellement de
ces inscriptions pourraient ne pas contenir la désignation des
immeubles grevés ? C'est la question qui était posé
au Président du Tribunal de Grande Instance de Privas. Pour la résoudre par l'affirmative, on a cru pouvoir
tirer argument de l'art. 38 du décret du 4 janvier 1955 et spécialement
du 3° alinéa de cet article ainsi conçu : « Les
privilèges, les hypothèques légales de la femme mariée
et du mineur ou de l'interdit ainsi que les hypothèques judiciaires
inscrits antérieurement au 1er janvier 1956 seront soumis, quant
à leurs effets, aux dispositions du Code Civil antérieures
au présent décret des lois spéciales les concernant...
» Il est sans difficulté qu'en vertu de cette disposition,
une inscription d'hypothèque légale requise avant le 1er
janvier 1956 sur tous les biens du débiteur a conservé après
cette date et conservera jusqu'à l'expiration du délai de
la péremption son. caractère de généralité.
Mais la situation est différente lorsqu'une telle
inscription a été ou doit être renouvelée. Sans doute, l'inscription en renouvellement a-t-elle
pour seul effet d'empêcher l'inscription originaire de périmer
de telle sorte que, après le renouvellement, c'est l'inscription
renouvelée qui demeure en vigueur et que par suite on se trouve
;toujours en présence d'une inscription requise avant le 1er janvier
1956. Mais pour qu'une inscription renouvelée conserve les mêmes effets qu'avant le renouvellement, il faut que le renouvellement soit pur et simple. Or, le renouvellement pur et simple d'une inscription générale est précisément interdit par l'art. 62 du décret du 14 octobre 1955 qui exige dans le premier bordereau de renouvellement déposé à partir du 1er janvier 1956, la désignation actuelle de chacun des immeubles grevés par l'inscription en renouvellement. Pour que le renouvellement d'une inscription générale
puisse être pur .et simple; il faudrait par conséquent admettre
que l'art. 38, 3° alinéa du décret du 4 janvier 1955
apporte une dérogation aux prescriptions de l'art. 62-1 du décret
du 14 octobre 1955. Ce serait attribuer audit art. 38, 3° alinéa, une portée qu'il ne peut avoir. Il ressort en effet des termes mêmes de cette disposition
qu'elle a exclusivement pour objet de maintenir au delà du 1er
janvier 1956 , au profit des inscriptions qu'elle vise, prise avant cette
date. Les effets que leur conférait la législation antérieure;
elle est étrangère à toutes les inscriptions à
requérir à partir da 1er janvier 1956 et ne peut pas dès
lors soustraire celles de ces inscriptions qui ont pour objet un renouvellement,
aux prescriptions de l'art. 62-1 du décret du 14 octobre 1955.
Cette interprétation est au surplus confirmée
par le 1er alinéa du même. article 38 dont la partie finale
dispose que « tout bordereau déposé à partir
de la même date (1er janvier 1956) devra être conforme aux
dispositions des articles 2146, 2148 et 2154 nouveaux du Code Civil ».
L'article 2154 se réfère en effet au décret en Conseil
d'Etat fixant les conditions dans lesquelles les inscriptions doivent
être renouvelées et les énonciations que doivent contenir
les bordereaux de renouvellement, c'est-à-dire aux articles 61
à 67 du décret du 14 octobre 1955 dont les dispositions
se trouvent ainsi indirectement mais explicitement déclarées
applicables à toutes les inscriptions en renouvellement requises
depuis le 1er janvier 1956. L'ordonnance du 15 mars 1962 fait d'ailleurs elle-même
état de la disposition finale du 1er alinéa de l'art. 38
du décret du 4 janvier 1955 et des conséquences qu'elle
comporte du point de vue de l'application de l'art. 62-1 du décret
du 14 octobre 1955 au renouvellement des inscriptions prises sur «
tous biens », mais elle en tire une conclusion toute différente
Interprétant l'art. 62-1 susvisé. elle constate «
qu'aucune disposition du texte n'exige une mention spéciale concernant
les immeubles à venir susceptibles d'être grevés.
pour lesquels d'ailleurs aucune identification actuelle ne saurait être
individualisée». Ainsi, selon l'ordonnance, à supposer
que les dispositions de l'art. 62-1 prescrivant la désignation
des immeubles grevés soient applicables , au renouvellement des
inscriptions générales en ce qu'elles grèvent des
immeubles présents, leur application ne pourrait être étendue
aux mêmes inscriptions en tant qu'elles grèvent des immeubles
à venir. Cette distinction ne résiste pas à l'examen. L'art. 62-1 ne vise en effet spécialement ni les
biens présents, ni les biens à venir; il détermine
d'une manière générale les conditions que doivent
remplir les inscriptions en renouvellement à partir du 1er janvier
1956 pour être acceptées. Celles qui ne peuvent satisfaire
à ces conditions se trouvent implicitement exclues. Il·
en est ainsi des inscriptions pour les biens à venir qui ne peuvent
faire l'objet d'une désignation actuelle. En les excluant l'art.
62-1 n'a fait d'ailleurs qu'appliquer au cas des inscriptions en renouvellement
la règle générale posée par les articles 2122
et 2123 nouveaux du Code Civil aux termes desquels le créancier
bénéficiaire d'une hypothèque légale ou d'une
hypothèque conventionnelle ne peut inscrire son droit que sur les
« immeubles appartenant actuellement à son débiteur
». Il importe enfin de souligner que le renouvellement d'une
inscription quelle qu'elle soit, sans que le bordereau désigne
les immeubles grevés serait radicalement incompatible avec les
règles qui régissent la tenue du fichier immobilier. L'organisation de la documentation hypothécaire
n'est pas en effet laissée à l'initiative du Conservateur;
elle est au contraire minutieusement réglementée par les
articles 1er à 16 du décret du 14 octobre 1955. Sans l'examiner
en détail, il suffit d'en rappeler les règles essentielles
pour montrer qu'elle exclut toute formalité n'ayant pas pour objet
un immeuble nettement identifié. Tout d'abord, les fiches personnelles de propriétaires
sont établies en raison d'une part commune, de sorte qu'une inscription
grevant tous les immeubles présents et à venir du débiteur
devrait être annotée sur autant de fiches qu'il existe de
communes dans le ressort de la Conservation. Si l'on considère
le nombre des communes comprises dans chaque circonscription hypothécaire
dont certaines s'étendent à tout le département,
ce serait pratiquement irréalisable. Quant aux fiches d'immeubles ou aux fiches parcellaires,
qui constituent partie réelle de la documentation, leur annotation
suppose l'identification précise de l'immeuble sur lequel porte
la formalité, de sorte qu'une inscription générale
ne pourrait absolument pas y être mentionnée. Il en résulte que, si une inscription requise
sur « tous biens » avant le 1er janvier 1956 pouvait être
actuellement renouvelée sans que le bordereau de renouvellement
désigne les immeubles grevés, ainsi que l'a décidé
le président du tribunal de Privas, ce renouvellement ne pourrait
pas être mentionné au fichier immobilier et par suite ne
serait pas révélé dans les états hypothécaires.
Or, la révélation aux tiers des documents
publiés est le but même de la publication dont le dépôt
des documents à la Conservation des Hypothèques n'est que
la phase préparatoire, de sorte qu'il est inconcevable que la loi
puisse admettre à la publication un acte qui, une fois déposé
à la Conservation, ne pourrait figurer dans les états. Par conséquent, de ce qu'une inscription de renouvellement
n'énonçant pas les immeubles grevés ne pourrait,
en raison de l'organisation du fichier, être révélée
dans les états hypothécaires, il faut nécessairement
conclure qu'une telle inscription ne peut être acceptée.
Ainsi, sous quelque aspect qu'on l'envisage, l'ordonnance
du 15 mars 1962 ne saurait être approuvée. Elle a été
frappée d'appel. Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 620 A II (feuilles
vertes).
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