ARTICLE 548. INSCRIPTIONS EN RENOUVELLEMENT. Désignation des immeubles. ARRET DE LA COUR D'APPEL DE NIMES, 1ere CHAMBRE DU 24 AVRIL 1963 LA COUR, Attendu que le 29 janvier 1961 le Conservateur des Hypothèques de Tournon a notifié à dame Noëlle Arnodet une décision de refus du dépôt fait le 9 décembre 1961 du bordereau en renouvellement décennal de l'hypothèque, qu'elle avait fait inscrire le 2 décembre 1951 sur les biens présents et à venir de son mari, à la suite du jugement du Tribunal civil de Tournon du 28 février 1951, le condamnant à lui payer une pension alimentaire..., en raison de ce que ledit bordereau ne mentionnait pas la désignation actuelle de chacun des immeubles grevés conformément à l'article 2154 du Code civil ; Attendu que la dame Arnodet a assigné, le 5 février 1962, ledit Conservateur devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Privas, pour s'entendre ordonner d'avoir à procéder à ladite inscription ; Attendu que, par ordonnance du 15 mars 1962, ce magistrat a fait droit à la requête, aux motifs que les nouvelles dispositions laissent subsister sur les points, qu'elles spécifient, les dispositions du Code civil antérieures à la réforme de la publicité foncière, que l'article 38, paragraphes 2 et 3, du décret du 4 janvier 1955 indique que les chapitres 1, 2 et 3 ne sont pas applicables aux décisions judiciaires devenues définitives avant le 1er janvier 1956, que ces décisions restent régies, quant à l'obligation de publicité et à leurs effets, par la législation antérieure et qu'il en est de même pour les hypothèques judiciaires inscrites antérieurement au 1er janvier 1956 quant à leurs effets et que l'article 62 du décret du 14 octobre 1955 n'exige pas de mention spéciale concernant les immeubles à venir susceptibles d'être grevés, pour lesquels d'ailleurs aucune identification actuelle ne saurait être individualisée ; Attendu que le Conservateur des Hypothèques de Tournon a relevé appel de cette ordonnance et demande sa réformation ; qu'il soutient que le juge des référés a fait une fausse interprétation et application de l'article 38 du décret du 4 janvier 1955 et de l'article 62 du décret du 14 octobre 1955 ; qu'il a confondu la publication, anciennement transcription, et l'inscription, que les textes susvisés régissent les bordereaux en renouvellement déposés depuis le 1er janvier 1956, et qu'enfin la solution adoptée par le juge des référés aurait pour conséquence de perpétuer, dans le cas des hypothèques générales, l'incertitude du gage hypothécaire, que par l'institution du fichier immobilier la réforme a précisément voulu supprimer d'une façon radicale ; Attendu que dame Arnodet demande la confirmation de l'ordonnance dans toutes ses dispositions reprenant les motifs de cette décision et indiquant en outre, qu'en appliquant aux bordereaux de renouvellement les règles instituées par la réforme de 1955 serait violé l'article 38, paragraphe 3, du décret du 4 janvier 1955 qui maintient les effets des hypothèques judiciaires inscrites antérieurement au 1er janvier 1956 suivant les anciennes dispositions du Code civil, que l'article 62 du décret du 14 octobre 1955 exige seulement la désignation détaillée, et qu'enfin le maintien de l'ancienne législation ne crée pas de difficultés insurmontables pour les Conservateurs, puisqu'elle ne serait prolongée que pour une période de 10 ans ; Attendu que les deux premières phrases du paragraphe 2 et le paragraphe 3 de l'article 38 du décret du 4 janvier 1955 ont trait aux décisions judiciaires devenues définitives avant le 1er janvier 1956, à leur publicité et à leurs effets, ainsi qu'aux effets des hypothèques judiciaires inscrites antérieurement à cette date et ne sont donc pas applicables à la forme et au libellé du bordereau ; Attendu que cette matière est régie par l'article 38 in fine du décret du 4 janvier 1955, qui prescrit que, depuis le 1er janvier 1956, le bordereau doit être conforme aux dispositions des articles 2146, 2148 et 2154 du Code civil, et par les articles 62 à 67 du décret du 14 octobre 1955, auquel renvoie l'article 2154 du Code civil, lesquels indiquent qu'à titre transitoire le premier bordereau de renouvellement déposé à partir du 1er janvier 1956 pour renouveler une inscription prise avant cette date porte la désignation actuelle de chacun des immeuble grevés par l'inscription en renouvellement que la désignation actuelle des immeubles est faite conformément à l'article 7 du décret du 4 janvier 1955, que le dépôt est refusé si les immeubles ne sont pas individuellement désignés avec indication de la commune où ils sont situés dans le cas où la désignation détaillée est obligatoire, que plus particulièrement l'article 67 indique que les articles 61 à 66 ne sont pas applicables aux inscriptions visées par l'alinéa 3 de l'article 2154 du Code civil et donc sont applicables aux autres inscriptions visées par cet article et qu'il crée dans son paragraphe 2 une exception au refus de dépôt du Conservateur seulement pour les mentions prescrites sur l'identité du propriétaire des immeubles, qu'enfin ces prescriptions sont reprises dans l'article 6 du décret du 30 décembre 1955 portant règlement d'administration publique pour l'application de l'article 2154 du Code civil (J.-CI. Civil, art. 2146, 2156 à 2169 ; art. 2154, F, n. 34. - Aubry et Rau, suppl. Tome III, § 280, p. 15) ; Or, attendu que le bordereau déposé par dame Arnodet ne renfermait par la désignation individuelle des immeubles grevés par l'inscription en renouvellement ; Attendu que la partie, qui succombe, doit les dépens ; PAR CES MOTIFS : Déclare recevable et bien fondé l'appel du Conservateur des Hypothèques de Tournon ; Infirme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau ; Dit et juge fondée la décision du Conservateur des Hypothèques de Tournon du refus du dépôt du bordereau en renouvellement décennal de l'hypothèque inscrite le 2 décembre 1951 par dame Noëlle Arnodet comme ne mentionnant pas la désignation individuelle des immeubles grevés conformément à l'article 2154 du Code civil ; En conséquence, déboute ladite dame de son action et la condamne aux dépens de première instance et d'appel... Observations. - L'arrêt rapporté reconnaît expressément qu'une inscription requise, avant le 1er janvier 1956, sur tous les biens du débiteur, ne peut être renouvelée depuis le 1er janvier 1956 sans que le bordereau de l'inscription de renouvellement renferme la désignation détaillée des immeubles grevés. En particulier, une hypothèque légale prise en 1951 par une femme mariée sur les biens à venir de son mari ne pouvait pas être renouvelée en 1961, étant donné qu'à cette époque aucun immeuble n'était encore entré dans le patrimoine du mari. En critiquant l'ordonnance du juge du Tribunal de Grande Instance de Privas du 15 mars 1962, qui avait statué en sens contraire (Bull. A.M.C., art. 527), nous avons approuvé par avance la décision de la Cour. A noter que cette décision ne place pas les femmes mariées qui ont requis, avant 1956, une inscription d'hypothèque légale sur les biens à venir de leur mari dans une situation plus défavorable que celles qui auraient à prendre une telle inscription sous le régime hypothécaire actuel. Ces dernières doivent, en effet, attendre désormais qu'un immeuble soit entré dans le patrimoine de leur mari pour inscrire leur hypothèque légale et ne peuvent au surplus le faire que si, à cette époque, le délai d'un an après la dissolution du mariage prévu au deuxième alinéa de l'art. 2135 du Code civil n'est pas expiré. La situation des premières, lorsqu'elles ont perdu le bénéfice de leur inscription originaire, parce qu'à l'époque où elles auraient dû la renouveler leur mari ne possédait pas d'immeuble, n'est pas différente. Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 620 A-II (feuilles vertes).
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