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ARTICLE 562.

PUBLICITE FONCIERE.

Effet relatif des formalités.
Communauté dissoute par divorce. - Renonciation de la femme.
Acte ultérieur de disposition du mari seul.
Publication non subordonnée à la publication préalable de l'acte de renonciation.

(Rép. Min. Justice. 16 juillet 1963.)

M. René Ribière demande à M. le Garde des Sceaux, ministre de la Justice : 1° si la renonciation à la communauté ayant existé entre elle et son ex-conjoint, faite suivant déclaration au greffe du Tribunal de Grande Instance dans les trois mois et quarante jours, par une femme divorcée, est soumise à la publicité foncière prévue par l'article 28 (4°) du décret du 4 janvier 1955 ; 2° au cas où la renonciation ne serait pas obligatoirement publiée, si le mari peut disposer librement de l'immeuble en question et en vertu de quel texte. (Question du 30 avril 1963.)

Deuxième Réponse. - La question posée appelle, sous la réserve expresse de l'interprétation souveraine des tribunaux, la réponse suivante :

1° La renonciation à la communauté ayant existé entre une femme divorcée et son ex-conjoint, éventuellement faite par l'intéressée par voie de déclaration au greffe du Tribunal de Grande Instance dans l'arrondissement duquel le mari avait son domicile et dans les trois mois et quarante jours après que le divorce, ait été définitivement prononcé, ne semble pas être l'un des actes dont la publication au fichier immobilier est rendue obligatoire par l'art. 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955. Elle constitue, en effet, une renonciation purement abdicative. Or, les renonciations purement abdicatives ne sont généralement pas considérées comme devant être publiées au fichier immobilier : les actes déclaratifs visés à l'article 28 (4°) sont en effet des actes qui, ayant pour but de constater, déterminer ou préciser un droit préexistant, ont été faits par la personne dont le droit est ainsi constaté, déterminé ou précisé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Telle est la solution admise par la majorité des auteurs. (Cf. Ripert et Boulanger Traité de Droit Civil, tome III 1958, p. 270; Aubry et Rau Droit Civil Français, tome II, 1935 § 209 (3°), et supplément permanent, § 209, p. 7 IV (3°) et § 174 ter, p. 13 ; Jurisclasseur civil, annexes, tome IV (V°), publicité foncière, fasc. 4. N° 43 ; Josserand in D.H. 1936; p. 1 ; Mazin: Rép. Gén. Not., art. 24-345 ; Nast in Rép. Gén. Not., art. 24-392). I1 convient toutefois de signaler que la solution contraire, soutenue par MM. Négrier et Masounabe (Rec. civ. et Not. 1936, p. 51) et par les auteurs du Traité Général du notariat (Vol. 7. titre Publicité hypothécaire et foncière, N° 262) a été adoptée, par le répertoire alphabétique de l'enregistrement, Hypothèques N° 659. La solution retenue, quelle qu'elle soit, n'a en toute hypothèse qu'une importance pratique limitée, puisque l'Administration de l'enregistrement admet que le défaut de publication au fichier immobilier de la renonciation de la femme n'est sanctionné ni par l'inopposabilité aux tiers, ni par la règle de l'effet relatif de la publicité, ni par une amende civile. On voit mal en outre, comment un tiers pourrait subir un préjudice en raison du seul défaut de, publication de la renonciation. Il est bien entendu que l'opinion exprimée ci-dessus ne vaut que si la renonciation est purement abdicative ; si, après que la femme eût accepté la communauté, une convention intervenait en vue de revenir sur cette acceptation, elle constituerait un acte portant mutation de propriété, dont le défaut de publication serait sanctionné par l'inopposabilité de l'acte aux tiers ;

2° L'ex-mari peut, en cas de renonciation de la femme, disposer librement des immeubles ayant fait partie de la communauté. Il en est en effet devenu, rétroactivement et en vertu des dispositions de la loi, le propriétaire exclusif ; or, l'un des principes fondamentaux du régime des biens est que le propriétaire desdits biens peut en disposer librement. Il convient toutefois de préciser qu'en raison de l'article 3 du décret N° 55-22 du 4 janvier 1955 et des articles 32 et 35-1 du décret N° 55-1350 du 14 octobre 1955, l'acte par lequel le mari dispose de ces immeubles doit contenir une déclaration relatant l'existence de la renonciation ainsi que les circonstances dans lesquelles elle est intervenue. (J.O. Déb. parl. Ass. Nat., 26 juillet 1963, page 4551.)

Observations. - Aux termes de l'art. 32-2 du décret du 14 octobre 1955, tout acte soumis à publicité doit, à peine de refus, contenir les références à la formalité donnée au titre du disposant ou dernier titulaire du droit. Toutefois, cette prescription n'est pas applicable lorsque le droit du disposant ou dernier titulaire du droit a été acquis sans titre (même décret, art. 35-1).

Au cas de l'acquisition sans titre, il faut assimiler le cas où le titre n'est pas de nature à être publié. Il en est ainsi notamment de l'acte constatant la renonciation par une femme divorcée à la communauté ayant existé entre elle et son ex-mari, lequel acte, selon la doctrine dominante citée dans la réponse ministérielle, n'est pas assujetti à publicité. Sans doute cette opinion n'est-elle pas unanimement admise ; cependant l'obligation pour les intéressés de faire publier les actes dont il s'agit est suffisamment douteuse pour que les conservateurs, ne subordonnent pas, dans l'hypothèse envisagée, à la publication préalable de la renonciation de la femme, la publication de l'acte par lequel le mari dispose seul de la totalité des immeubles provenant de la communauté dissoute.

A noter d'ailleurs que l'Administration aboutit à cette même conclusion bien qu'elle se range à l'opinion selon laquelle les actes de renonciation de communauté doivent être publiés. (Rép. Alph. Enreg. V° Hypothèques n° 659).

Il importe au surplus de remarquer que les renonciations dont il s'agit ne sont pas nécessairement constatées par écrit. L'art. 1463 du Code civil dispose en effet : « La femme divorcée ou séparée de corps, qui n'a point, dans les trois mois et quarante jours après le divorce ou la séparation définitivement prononcés accepté la communauté, est censée y avoir renoncé... » Lorsque, en vertu de cette disposition la femme est présumée renonçante, le mari se trouve avoir acquis sans titre, la moitié de la communauté revenant à son ex-épouse et il se trouve incontestablement fondé, en vertu de l'art. 35-1 précité du décret du 14 octobre 1955, à obtenir la publication de l'acte par lequel il dispose de la totalité de l'actif commun, sans avoir à justifier de la publication préalable de son titre.

C'est là une raison supplémentaire pour adopter la même solution dans l'hypothèse où un, acte a été dressé pour constater la renonciation (Rappr. : Rép. Alph. Enreg., V° Hypothèques, n° 659 déjà cité). Que la renonciation soit explicite ou présumée, l'acte par lequel le mari dispose des biens communs doit relater cette renonciation et, dans le premier cas, énoncer les références à l'acte qui le constate. (Décret du 14 octobre 1955, art. 35, in fine).

Annoter : C.M.L. 2° éd. N° 490 A k III et 761 A (feuilles vertes).