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ARTICLE 585

ETATS HYPOTHECAIRES.

I. - Etats sur publication.
Omission motivée de la désignation inexacte de l'immeuble vendu.
Absence de responsabilité du conservateur.

II. - Omission. - Réparation du préjudice.
Dommages-intérêts limités à la valeur des prestations fournies au vendeur par l'acquéreur évincé et ne comprenant pas la plus-value acquise par l'immeuble depuis la vente annulée.

(Arrêt de la Cour d'Appel d'Aix (1ere Ch.) du 26 février 1962.)

La Cour :

Attendu que le sieur Peverini est régulièrement appelant d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 8 mars 1961 , qui a condamné M° X..., notaire à ..., à lui payer une somme de 6.000 NF à titre de dommages-intérêts et rejeté la demande d'indemnité formée contre M. le Conservateur des Hypothèques de Nice ;

Que Peverini demande que le chiffre des dommages-intérêts alloués soit élevé 30.000 NF et, subsidiairement, et pour le cas ou la Cour estimerait que le Conservateur des Hypothèques est également responsable, demande que ce dernier soit condamné au paiement de ladite somme, solidairement avec M° X... ; .

Que M° X..., qui a formé un appel incident, conclut au débouté et, subsidiairement, à la diminution des dommages alloués par les premiers juges ;

Que le Conservateur des Hypothèques de Nice conclut à la confirmation de la première décision ;

Attendu en fait qu'il résulte des éléments de la cause que, par acte notarié reçu le 31 août 1950 par M° X..., le sieur C... se domiciliant faussement 7, rue Henri-Biais, à Villefranche-sur-Mer, a vendu au sieur Peverini, moyennant l'accomplissement de prestations d'entretien évaluées à 100.000 francs (anciens) un appartement sis à cette adresse au premier étage, appartement qu'il habitait personnellement ;

Que le même appartement, ainsi qu'il a été constaté par un arrêt de la Cour de céans en date du 26 mai 1959, et les premiers juges, avait déjà été vendu, pour la nue-propriété, par C... à une demoiselle B..., par acte notarié reçu par C... les 5 mars et 1er avril 1939, mais que l'adresse portée à l'acte était 7, rue du Poilu à Villefranche-sur-Mer, adresse réelle du bien vendu ;

Que l'arrêt susvisé, confirmant un jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice du 3 juin 1955, a déclaré, au vu des dates de transcription, et sur la demande faite par la demoiselle B... après le décès de C..., que cette dernière était propriétaire de l'appartement litigieux et ordonné l'expulsion de l'appelant Peverini ;

Que les héritiers du sieur C... ayant renoncé à la succession, le sieur Peverini a assigné le notaire M° X..., et le Conservateur des Hypothèques de Nice, 2° Bureau, en paiement d'une somme de 30.000 NF à titre de dommages intérêts leur faisant grief de n'avoir pas procédé aux vérifications qui eussent permis de déceler la confusion ou la fraude ;

Attendu, en droit, que le notaire, même s'il est simple rédacteur de l'acte, a l'obligation de vérifier si les conditions de validité de cet acte sont réunies pour procurer le résultat recherché par les parties, ce qui a fait dire justement qu'il était tenu d'une obligation de résultat ;

Que notamment le notaire étant tenu de procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour la validité des actes de son ministère, commet une faute le notaire qui ne contrôle pas l'applicabilité des titres des vendeurs à l'objet de la vente, condition nécessaire pour la régularité de l'acte dont il est chargé ;

Que la circonstance que les vendeurs auraient fourni des renseignements erronés ne suffit pas à faire disparaître la faute du notaire si celui-ci avait les moyens de déceler l'erreur (Cass. 12 mars 1941 : D.A. 1941, 148) ;

Attendu, en l'espèce, que les titres mentionnés aux origines de propriété de l'acte de vente du 31 août 1950, acte des 4 et 10 avril 1931, portant vente de l'appartement litigieux par C... aux époux C..., acte de partage dressé les ler et 10 avril 1936, après le décès de la dame C..., et attribuant l'appartement au sieur C... en pleine propriété, indiquent que cet appartement est sis n° 7, me du Poilu, au premier étage

Que l'appartement, objet du contrat passé devant M° X... le 31 août 1950 portait comme adresse, 7, rue Henri-Biais ; que le notaire devait constater ou présumer en présence de cette discordance qu'il s'agissait de biens différents ; qu'il avait l'obligation en présence de ces indications différentes de faire procéder à toutes vérifications utiles pour définir et situer exactement l'appartement vendu ; que ce contrôle était nécessaire pour déterminer si l'immeuble se trouve toujours dans le patrimoine du vendeur ;

Qu'en s'abstenant, le notaire a commis une faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code Civil, qui est la cause du préjudice subi par le sieur Peverini ; qu'il doit en réparer les conséquences ;

Attendu, sur le quantum des dommages-intérêts réclamés par l'appelant, que celui-ci fait plaider qu'il a été privé par la faute du notaire d'un appartement dont il estime la valeur actuelle à 30.000 NF minimum

Attendue que la faute commise par le notaire n'a pas eu pour effet de priver Peverini de la propriété de l'appartement, puisque celui-ci n'était plus, lors de la vente, dans le patrimoine du vendeur C..., mais dans celui de la demoiselle B... ;

Qu'en d'autres termes Peverini ne peut faire reproche au notaire de ne pas lui avoir fourni par sa faute un bien qu'il n'était pas en mesure de lui procurer ; ,

Que l'absence de toute faute du notaire eût seulement permis à celui-ci d'avertir son client que l'immeuble n'était plus la propriété du vendeur ; qu'ainsi Peverini ne saurait en réclamer la valeur ;

Que le préjudice pour Peverini résulte du fait notamment qu'aux termes du contrat, il a, de sa formation en 1950 au décès de C... en 1954, entretenu, soigné, nourri son vendeur outre le préjudice résultant de son expulsion ;

Que la Cour a les éléments d'appréciation suffisants pour fixer, toutes causes confondues, le préjudice subi par le sieur Peverini la somme 600.000 anciens francs soit 6.000 NF, chiffre déjà retenu par les premiers juges ;

Attendu, en ce qui concerne l'action en responsabilité former par Peverini contre le Conservateur des Hypothèques de Nice, que celui-ci ne saurait être rendu responsable d'omissions motivées par une désignation inexacte de l'immeuble vendu, requis qu'il avait été de délivrer un état de transcription ou inscriptions concernant un appartement situé dans l'immeuble ayant pour adresse inexacte le n° 7 rue Biais.

Attendu, en ce qui concerne les dépens, que Peverini triomphe sur le principe de la demande, il échet de laisser les entiers dépens à la charge de M° X...

Par ces motifs :

Adoptant les motifs des premiers juges non contraires à ceux du présent arrêt, confirme le jugement entrepris ;

Dit qu'il en sortira son plein et entier effet ;

Dit les parties mal fondées en leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

Les en déboute ;

Condamne M° X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Observations. - I. L'affaire a déjà fait l'objet d'une instance terminée par un arrêt de la Cour d'Aix-en-Provence du 26 mai 1959 (Bull. A.M .C., art. 405) qui constate l'identité des deux appartements vendus, respectivement le 1er avril 1939 et le 31 août 1950, et indiqués dans les actes de vente comme situés l'un rue du Poilu n° 7 et l'autre rue Henri-Biais n° 7 et déclaré nulle la seconde vente.

La nouvelle instance qui a donné lieu à l'arrêt reproduit ci-dessus tendait à mettre en cause la responsabilité du notaire qui avait rédigé l'acte de vente et celle du conservateur qui l'avait transcrit.

Si la Cour a retenu la responsabilité du notaire, elle a par contre, à juste titre, dégagé celle du conservateur.

Ainsi qu'il est rappelé dans les observations qui, dans l'art. 405 du Bulletin, suivant l'arrêt du 26 mai 1959, les recherches auxquelles le conservateur est tenu sont les recherches intrinsèques, c'est-à-dire celles portant sur les seuls documents de ses archives en rapport direct et obligé avec les termes de la réquisition et ceux de la formalité à laquelle elle se réfère.

Requis de délivrer un état sur la transcription de la vente d'un immeuble désigné comme sis rue Henri-Biais n° 7, il n'avait donc pas à révéler dans cet état de vente antérieurement transcrite d'un immeuble situé rue du Poilu n° 7.

A noter que, sous le régime hypothécaire actuel, l'acquéreur aurait nécessairement été informé de la publication de la première vente. L'acte aurait dû en effet se référer à la publication du titre du vendeur et la discordance entre ce titre, situant l'appartement vendu rue du Poilu, et l'acte à publier, situant l'appartement rue Henri-Biais, aurait motivé le rejet de la formalité.

II. -A titre de réparation, l'acquéreur évincé demandait une indemnité égale à la valeur actuelle de l'appartement dont il était privé. La Cour n'a pas accédé à cette demande et, pour fixer le montant des dommages-intérêts mis à la charge du notaire, n'a retenu, comme éléments du préjudice, que le fait que l'acquéreur a entretenu, soigné et nourri son vendeur jusqu'au décès de ce dernier et le dommage qu'il a subi du fait de son expulsion, à l'exclusion de la plus-value acquise par l'appartement depuis l'époque de la vente annulée.

Antérieurement, le Tribunal de Clermont-Ferrand (jugement du 22 décembre 1954, Bull. A.M.C., art. 287) avait jugé, au contraire, que cette plus-value devait entrer en ligne de compte pour la détermination de l'indemnité due à l'acquéreur évincé. Dans le même sens : Aix, 15 octobre 1958 confirmé par Cass. civ. 27 novembre 1963, J.C.P. 63 II 13587 ; Bull. A.M.C., art. 584).

Annoter : C.M.L., 2° éd. n° 1653, 1741, 2030 et 2051.