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ARTICLE 590.

PUBLICATION D'ACTES

Authenticité obligatoire.
Acte sous seing privé déposé en l'étude d'un notaire avec reconnaissance d'écriture et de signature.

Dépôt effectué par un mandataire muni de pouvoirs sous seing privé.

ORDONNANCE
DU PRESIDENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AJACCIO DU 9 SEPTEMBRE 1964.

Le Président du Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio a rendu, en son cabinet au Palais de Justice, à Ajaccio, le 9 septembre 1964, l'ordonnance dont la teneur suit :

Le Juge des référés, après avoir entendu en leurs explications Charles Mingalon, notaire, demeurant et domicilié à Bastia, 8, rue Miot, représenté par M° Nivaggioni, avoué près le Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio, d'une part :

Et Saliceti, conservateur des Hypothèques d'Ajaccio, pris en cette qualité, demeurant et domicilié en ses bureaux, rue Général-Levie, à Ajaccio, comparant en personne, d'autre part;

A mis l'affaire en délibéré, et ce jourd'hui 9 septembre 1964, a rendu l'ordonnance dont la teneur suit :

Attendu que M..., notaire à B,.., a fait donner citation à S..., conservateur des Hypothèques d'Ajaccio, pris en cette qualité, a comparaître devant nous faisant fonctions de président du Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio, statuant en référé, pour s'entendre dire, le défendeur, qu'il devra procéder du dépôt de l'acte sous seing privé en cause et plus généralement de tous actes sous seings privés, relatifs aux opérations de la Société pour l'équipement touristique de la Corse ;

Attendu, en ce qui concerne la compétence du juge des référés, prévue par l'article 26 du décret du 4 janvier 1955, qu'aucune difficulté n'est soulevée par le défendeur, ès qualité, qui a déclaré que nous avons été valablement saisi ;

Attendu que les parties ont reconnu que le Conservateur des Hypothèques a refusé de donner la formalité à un acte sous seing privé portant vente par ladite société à la dame Vve El Glaoui d'une parcelle sise sur le territoire de la commune de Coti-Chiavari, déposé aux minutes de M° M..., notaire à B..., et pour lequel ce dernier demande la publication au bureau des hypothèques d'Ajaccio ; que, pour fonder sa décision de rejet de la formalité, le conservateur des Hypothèques fait valoir que l'acte en cause a été déposé et reconnu " en l'étude de M° M... par mandataire muni d'une procuration sous seing privé " ; qu'il soutient qu'aux termes du paragraphe 1er de l'article 68 du décret 55-1350 du 14 octobre 1955 sur la publicité foncière, le mandat donné par dame El Glaoui de déposer avec reconnaissance d'écriture et de signature l'acte en cause devait être lui-même établi en la forme authentique ; qu'il expose d'autre part que, dans sa réponse à une question de M. Jean Chamant et publiée au Journal Officiel du 8 février 1957 (Débats Assemblée Nationale, page 754), M. le Ministre d'Etat chargé de la Justice, a indiqué qu'il semblait, sous réserve de l'interprétation souveraine des tribunaux, que le mandat par lequel une personne partie à un acte sous seing privé chargerait une autre personne de procéder à la reconnaissance de ses écritures et signature, ne serait pas valable ;

Attendu que M° N..., pour M° M..., plaide que, dans une autre réponse à M. Zuccarelli, député de la Corse, publiée au Journal Officiel du 9 avril 1964 (Débats Assemblée Nationale, pages 678-679), et se rapportant à l'affaire qui nous est soumise, M. le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, rappelle la réponse faite à M. Chamant et plus haut rapportée ; qu'il ajoute cependant que, " l'opinion inverse suivant laquelle la reconnaissance pourrait faire l'objet d'un mandat (rap. Req., 25 janvier 1927, S. 1927-1.237) ne paraissant pas devoir être nécessairement écartée, l'Administration a recommandé aux conservateurs, non point de se montrer très stricts en la matière, mais, au contraire, " de faire preuve de prudence, tant que le doute n'aura pas été levé par les tribunaux " et de " donner la formalité aux actes qui, déposés et reconnus par les mandataires, présentent au moins les caractères matériels apparents de l'authenticité " (circulaire des " Solutions diverses " (7 1 , n° 5 b) : " il ne semble pas, à défaut de jurisprudence, qu'il puisse être fait grief à un conservateur de donner la formalité à un acte de dépôt-reconnaissance établi sur la comparution de mandataires munis de pouvoirs sous seing privé ";

Que la même réponse indique que, " quoi qu'il en soit, il incombe aux notaires d'apprécier sous leur propre responsabilité s'ils sont ou non fondés à rédiger un tel acte " ;

Attendu que la procuration sous seing privé pour l'acte de dépôt et de reconnaissance a été en fait donnée à un clerc de M° M..., notaire, par la dame El Glaoui ; que le notaire a donc soumis, en parfaite connaissance de cause, ledit acte aux formalités de publicité et qu'il a ainsi agi sous sa propre responsabilité ;

Attendu, d'autre part, que si le décret du 4 janvier 1955, article 4, a subordonné la publicité à la rédaction d'un acte authentique, le conservateur des hypothèques n'a pas qualité pour apprécier la validité d'un acte, le droit du déposant ou la capacité des parties, pouvoirs qui ne doivent appartenir qu'à un juge (art. 2199 du Code civil) ; que l'authenticité n'est exigée par le décret-loi que pour l'accomplissement de la formalité de publicité et non pour la validité de l'acte considéré en lui-même ;

Que l'on peut lire au Jurisclasseur civil (annexes, Tome IV-V, publicité foncière, transcription, fascicule 7, n° 10) : " Le décret-loi du 4 janvier 1955 garde le silence sur le point de savoir si les procurations à l'effet d'accomplir les actes sujets à publicité doivent être ou non elles-mêmes authentiques. On pourrait écarter ici la règle suivant laquelle la procuration doit revêtir la même forme que l'acte pour lequel elle est donnée, en considérant que l'authenticité est exigée par l'article 4 du décret-loi de 1955, uniquement pour la formalité de publicité, mais non pour la validité de l'acte considéré en lui-même " ... " que lorsqu'une partie a été représentée dans un acte par un mandataire, la publicité de la procuration donnée à ce mandataire n'est pas jugée nécessaire pour l'efficacité de la publicité de l'acte lui-même et il en est de même pour les pièces annexes telles que les autorisations habilitantes ou les jugements en vertu desquels il est procédé à l'acte ".

Attendu ainsi qu'un mandataire muni d'une procuration sous seing privé pourrait valablement intervenir dans un acte qui serait valable en lui-même, alors qu'il ne pourrait intervenir par un acte de dépôt-reconnaissance moins important, accepté par un notaire sous sa responsabilité et uniquement dans le but de remplir les conditions nécessaires à la publicité de l'acte lui-même.

Attendu enfin que les circonstances de fait et la qualité des parties en cause sont de nature à donner tous apaisements et constituent les " caractères matériels apparents de l'authenticité.

Attendu qu'il n'y a lieu, aux termes de la loi, à exécution provisoire en la matière.

Par ces motifs.

Nous Juge faisant fonctions de Président, au principal renvoyons les parties à se pourvoir et cependant, dès à présent, par provision, vu l'urgence disons que M. S..., en sa qualité de Conservateur des Hypothèques d'Ajaccio, sera tenu de donner la publicité à l'acte du 28 août 1963 déposé en les bureaux par M° M..., notaire à B...

Rejetons la demande d'exécution provisoire...

Observations. - Dans une réponse à une question écrite du 9 avril 1964 (Bull. A.M.C., art. 579), le Ministre des Finances et des Affaires économiques a exprimé l'avis qu'il appartient aux notaires d'apprécier, sous leur responsabilité, si un mandataire habilité par une procuration sous signature privée a le pouvoir de déposer en leur étude un acte sous signature privée avec reconnaissance d'écriture et de signature et que, lorsqu'ils estiment possible de recevoir un tel acte de dépôt, ils confèrent à celui-ci les apparences de l'authenticité qui en autorisent la publication.

L'ordonnance rapportée ci-dessus confirme cette interprétation.

On conseille en conséquence aux collègues de ne pas refuser la publication des actes dont il s'agit pour le seul motif que le mandataire qui a effectué le dépôt était autorisé par un pouvoir sous signature privée.

Annoter : C.M.L,, 2° éd. N° 488 A (feuilles vertes).