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ARTICLE 595.

PUBLICATION D'ACTES

Authenticité obligatoire.
Adjudication d'immeubles ruraux.
Droit de préemption du fermier.
Publication de la décision de ce dernier.

(Rép, Min. Justice, 26 juin 1964)

M. Charles Naveau expose à M. le Ministre de la Justice que, dans le cas de vente faite par adjudication volontaire ou forcée, l'article 799 du Code Rural accorde au bénéficiaire du droit de préemption un délai de cinq jours après l'adjudication à laquelle il a été convoqué pour faire connaître à l'officier ministériel sa décision de se substituer à l'adjudicataire. Ce susdit article ajoute que le bénéficiaire du droit considéré doit faire connaître la décision d'exercer son droit par ministère d'huissier dont l'exploit est annexé au jugement d'adjudication et publié en même temps que celui-ci. Il demande si, dans l'hypothèse d'une adjudication publique mais volontaire l'exercice du droit de préemption doit être signifié par exploit d'huissier et si, dans l'affirmative, l'absence de cet exploit autorise le précédent adjudicataire évincé à se faire rétablir dans les droits qu'il tenait de l'adjudication. Dans la négative, il souhaiterait connaître la ou les formalités susceptibles de remplacer utilement l'exploit susdit.

Réponse. - Les questions posées appellent, sous la réserve expresse de l'appréciation souveraine des tribunaux, les réponses suivantes : 1° le but recherché par l'ordonnance n° 59-71 du 7 janvier 1959, en tant qu'elle a complété l'article 799 du Code Rural, pour préciser que le bénéficiaire du droit de préemption fait connaître sa décision par ministère d'huissier, a été de faciliter la publication au fichier immobilier de la décision du preneur de se substituer à l'adjudicataire : en effet, les éléments de l'identité du preneur sont indiqués, dans un exploit d'huissier, d'une manière plus claire et plus précise qu'ils ne l'étaient habituellement lorsque la décision était notifiée par une simple missive. Il semble, en conséquence, que le seul fait que la décision du preneur ne soit pas notifiée par exploit d'huissier n'entache pas la validité de ladite décision, et que l'adjudicataire évincé ne puisse se prévaloir de cette circonstance (cf. sur ce point : Juris-Classeur Civil, art. 1763-1778, fasc. L 1. supplément 1963, n° 72 ; Répertoire général du Notariat, 1960, art. 27942) : 2° il semble que, comme avant l'intervention de l'ordonnance du 7 janvier 1959, aucune forme particulière ne soit imposée au preneur, à peine de nullité, pour l'exercice du droit de préemption ; une lettre missive recommandée ou non, ou même une simple déclaration verbale faite à l'officier ministériel ou au magistrat chargé de la vente serait suffisante, sous réserve des difficultés de preuve (cf. Juris-Classeur Civil, ibidem, n° 84). (J.O. Déb. Parl. Sénat 26 juin 1964, page 847.)

Observations. - Au cas où le bénéficiaire du droit de préemption fait connaître sa décision de se substituer à l'adjudicataire autrement que par la signification d'un exploit d'huissier, la question se pose de savoir comment cette notification peut être constatée par un acte formant titre pour le preneur et de nature à être publié.

Lorsqu'il s'agit d'une simple déclaration verbale faite à l'officier ministériel ou au magistrat chargé de la vente, cette déclaration paraît pouvoir être constatée dans le procès-verbal ou le jugement d'adjudication ou dans un acte à la suite ; elle est alors publiée en même temps que le procès-verbal ou le jugement.

La situation est différente au cas où la notification est faite par lettre, recommandée ou non. En principe, la lettre, qui est un écrit sous seing privé, ne peut être publiée que si elle est déposée en l'étude d'un notaire avec reconnaissance d'écriture et de signature.

Au cas d'adjudication devant notaire, il peut être satisfait à cette condition par le dépôt de la lettre par le notaire rédacteur du procès-verbal au rang de ses minutes, avec le concours du bénéficiaire du droit de préemption, auteur de la lettre déposée, pour reconnaître son écriture et sa signature,

Mais cette manière de procéder est inapplicable au cas d'adjudication judiciaire, la lettre adressée au magistrat chargé de la vente devant rester annexée au jugement d'adjudication.

En attendant l'intervention d'une disposition législative alors en projet, qui devait mettre fin à la difficulté, l'Administration avait conseillé aux Conservateurs d'accepter de publier la lettre annexée à la minute du jugement et reproduite à la suite de cette décision sur la formule spéciale destinée au service hypothécaire (circulaire n° XIX de la série spéciale à la Publicité foncière).

La disposition législative en projet a depuis lors été promulguée : c'est l'article 2 de l'ordonnance n° 59-71 du 7 janvier 1959 (B.O.E.D. 1959-17810, annexe n° I), complétant l'article 799 du Code Rural par un alinéa aux termes duquel « le bénéficiaire du droit de préemption fait connaître sa décision par ministère d'huissier ; l'exploit est annexé au jugement d'adjudication et publié en même temps que celui-ci ».

La difficulté tenant au caractère d'acte sous seing privé de la lettre missive aurait effectivement été résolue par cette disposition législative, si celle-ci avait exclu cette forme de notification, comme l'Administration l'avait originairement estimé (circulaire de la série spéciale n° LXXXVI § 4, observations). Mais il résulte de la réponse ministérielle rapportée ci-dessus que la décision du preneur de se substituer à l'adjudicataire peut, actuellement comme par le passé, être valablement notifiée par simple lettre missive.

La situation est dès lors demeurée sans changement.

En l'état, les collègues agiront sans doute sagement en continuant d'accepter que la lettre du bénéficiaire du droit de préemption soit publiée en même temps que le jugement auquel elle est annexée, malgré son caractère d'écrit sous seing privé (à la condition bien entendu qu'elle contienne les indications d'état civil nécessaires pour l'annotation de la fiche personnelle du fermier et que cette identité soit certifiée).

Par ailleurs, n'exigeant pas que la lettre dont il s'agit revête le caractère authentique lorsqu'elle est annexée à un jugement d'adjudication, ils seront peut-être amenés à ne pas formuler non plus cette exigence lorsque la lettre en cause sera annexée à un procès-verbal d'adjudication notarié.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 488-A-III (feuilles vertes).