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ARTICLE 606

INSCRIPTIONS. - RADIATIONS.

Modification des dispositions du Code Civil relatives à la tutelle et à l'émancipation.

La loi n° 64-1230 du 14 décembre 1964, publiée au Journal Officiel du 15, a modifié les dispositions du Code Civil relatives à la tutelle et à l'émancipation. Les collègues en trouveront le texte au B.O.E.D. n° 9388, où il a été reproduit.

Les modifications apportées au régime antérieur par la nouvelle loi sont nombreuses. Nous nous bornons à signaler ci-après les principales de celles qui peuvent intéresser les conservateurs, en précisant que lorsque, conformément aux prévisions de l'art. 417 nouveau du Code Civil, la tutelle a été divisée, le mot « tuteur » employé dans les explications qui suivent, visent le tuteur aux biens et non le tuteur à la personne

I. - Hypothèque légale du mineur sur les biens de son administrateur légal - Comme corollaire à l'extension du champ d'application de l'administration légale (art. 389, nouv. du Code Civil), l'art: 2143 nouveau, 3° alinéa, prévoit que le juge des tutelles peut décider qu'une inscription sera prise sur les immeubles de l'administrateur légal du mineur. Cette inscription est requise, le cas échéant, par le greffier du juge des tutelles. (Art. 2143 nouv., 4° alinéa).

L'inscription dont il s'agit peut être prise sans présentation du titre. L'art. 3 de la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965, sur les régimes matrimoniaux (B.O.E.D., n° 9519, p. 651) a, en effet, étendu aux biens des administrateurs légaux les dispositions de l'art. 2121-2 du Code Civil instituant une hypothèque légale au profit des mineurs. Par suite, du fait de la référence à l'art. 2121-2 de la disposition de l'art. 2148 qui dispense les inscrivants de la production du titre, les inscriptions prises au profit des mineurs sur les biens de leur administrateur légal se trouvent également dispensées de cette production.

· Il. - Mainlevée des inscriptions prises au profit du mineur contre les tiers. - Sous le régime antérieur, le tuteur pouvait encaisser, seul, les créances du mineur et quand ces créances étaient garanties par une inscription hypothécaire, il pouvait en donner mainlevée seul comme conséquence du paiement. (Jacquet et Vétillard, V° Minorité et interdiction, n° 7; Précis. Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1174).

L'art. 453 nouveau du Code Civil dispose que « le tuteur ne peut donner quittance des capitaux qu'il reçoit pour le compte du pupille qu'avec le contre-seing du subrogé-tuteur. » ,

Il en résulte que, désormais, le subrogé-tuteur devra assister le tuteur dans les actes de quittance-mainlevée consentis par ce dernier pour que le paiement constaté soit libératoire et que par suite la mainlevée qui en est la conséquence, soit valable.

Le tuteur peut aussi donner mainlevée sans paiement des inscriptions prises au profit du mineur contre des tiers ; mais il lui faut alors y être préalablement autorisé par le conseil de famille. (Art. 457 nouv., 1er al.).

Quant à l'administrateur légal, il peut seul, sans le concours de son conjoint, donner quittance des capitaux qu'il reçoit pour le compte du mineur et consentir la mainlevée qui en est la conséquence (art. 389-4 nouv.).

Par contre, il ne peut donner mainlevée sans paiement qu'avec l'autorisation du juge des tutelles (art. 389-5 et 389-6 nouv.). Il s'agit en effet d'un acte de disposition qui ne saurait être dispensé de cette autorisation, au cas d'administration légale pure et simple, même s'il est accompli avec le consentement du conjoint (art. 389-5, 3° alinéa, nouv.).

Lorsque l'inscription à radier garantit une créance recueillie par le mineur dans une succession, les pièces justificatives à produire par le tuteur varient selon que la succession a été acceptée sous bénéfice d'inventaire ou que l'acceptation a été pure et simple. L'acceptation pure et simple d'une succession échue à un mineur est en effet désormais possible, à condition d'avoir été autorisée par une délibération spéciale du conseil de famille (art. 461 nouv.). Le tuteur n'a plus besoin par contre d'autorisation pour accepter la succession sous bénéfice d'inventaire (même article). En conséquence, en cas d'acceptation bénéficiaire, le tuteur n'a plus à justifier de l'autorisation du conseil de famille; mais il doit, comme par le passé (Jacquet et Vétillard, V° Minorité et interdiction, n° 18, p. 478) établir qu'il a souscrit au greffe du tribunal la déclaration d'acceptation bénéficiaire. En cas d'acceptation pure et simple, il lui faut justifier de l'autorisation du conseil de famille.

Les règles qui précèdent sont également applicables à l'administrateur légal, à cette différence près que l'autorisation du conseil de famille est remplacée par celle du juge des tutelles. Il ne semble pas, en effet, que même dans l'administration légale pure et simple, l'administrateur légal puisse accepter purement et simplement une succession avec le seul consentement de son conjoint. (Rappr. art. 389-5 nouv., 3° al.).

Enfin, il convient de signaler qu'en cas de transaction, il n'est plus exigé, comme par le passé, que celle-ci soit conforme à l'avis de trois jurisconsultes et homologuée par le tribunal. (Jacquet et Vétillard, V° Minorité et Interdiction, n° 25 ; Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1183). Il suffit désormais que le tuteur soit autorisé par le conseil de famille (art. 467 nouv.) ou que l'administrateur légal ait obtenu l'autorisation du juge des tutelles (art. 389-5, 3° al. et 389-6, nouv.).

On notera que, dans tous les cas sus-visés où est prévue l'autorisation du conseil de famille, celle-ci peut être suppléée par celle du juge des tutelles lorsque la créance n'excédera pas la somme qui sera fixée par un décret à paraître (art. 468 nouv., 1er al.).

III. - Mainlevée de l'hypothèque légale du mineur pendant sa minorité. - Aux termes de l'art. 2164 nouveau du Code Civil, le conseil de famille (Ou, éventuellement, le juge des tutelles (V. § 2, ci-dessus, dern. al.)), peut, comme par le passé, restreindre l'inscription de l'hypothèque légale prise contre le. tuteur, soit en libérant certains des immeubles grevés, soit en réduisant l'évaluation qui avait été faite des engagements du tuteur envers le pupille. Le juge des tutelles a les mêmes pouvoirs pour ce qui concerne l'inscription requise contre l'administrateur légal. Le conseil de famille et le juge des tutelles peuvent même ordonner la radiation totale de l'inscription s'il apparaît que la sauvegarde des intérêts du mineur est suffisamment assurée par la constitution de gage consentie par le tuteur ou l'administrateur légal.

L'acte de mainlevée totale ou partielle est signé par un membre du conseil de famille ayant reçu délégation à cet effet, en ce qui concerne les biens du tuteur. Le nouvel article 2164 ne distingue plus, comme l'ancien, selon que la délégation du conseil de famille a été ou non consentie à l'unanimité; une décision prise à la majorité est désormais suffisante. Lorsqu'il s'agit des biens de l'administrateur légal, la radiation est opérée au vu de la décision du juge des tutelles.

IV. -- Voies de recours contre les décisions du juges des tutelles et celles du conseil de famille. - Conformément aux prévisions de l'art. 396 nouveau, le décret n° 65-263 du 5 avril 1965 (Journal Off. du 7) modifie les dispositions du Code de Procédure civile relatives à la tutelle, aux conseils de famille et aux ventes de biens de mineurs.

Aux termes des art. 882-2 et 883-2 du Code ainsi modifié, les décisions du juge des tutelles et celles des conseils de famille peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal de grande instance, formé dans le délai de quinzaine. Ce délai prend cours, savoir : a) pour les décisions du juge des tutelles, du jour de la décision pour les personnes présentes et du jour où la décision leur a été notifiée pour les autres; b) pour les décisions du conseil de famille, du jour de la délibération, sauf au cas, prévu à l'art. 413 nouveau, de vote par correspondance, où le délai ne court que du jour de la notification de la délibération aux membres du conseil de famille.

Les notifications sont faites en principe par lettre recommandée; le juge des tutelles peut toutefois décider qu'elles auront lieu par ministère d'huissier ou par la voie administrative (art. 885- 1 du Code de Procédure civile). Les recours sont inscrits sur un registre spécial tenu au greffe du tribunal d'instance (art. 884, même code).

Des règles qui précèdent, il résulte que, lorsque les pièces justificatives à produire à l'appui d'une mainlevée consistent en une décision du juge des tutelles ou une décision d'un conseil de famille, il doit être justifié du caractère définitif de cette décision au moyen d'une pièce établissant, s'il y a lieu, la date de notification de la décision aux intéressés et d'un certificat de non-appel délivré par le greffier du Tribunal d'Instance.

V. - Mainlevée de l'inscription de l'hypothèque légale du mineur consentie par ce dernier après sa majorité. - Sous l'empire de l'ancien article 472 du Code Civil, les conventions passées entre le mineur devenu majeur et son ex-tuteur étaient nulles, lorsqu'elles n'avaient pas été précédées de la reddition de compte du tuteur. On en déduisait que le mineur devenu majeur ne pouvait pas donner valablement mainlevée de l'inscription de son hypothèque légale avant que son tuteur lui ait rendu compte de sa gestion (Jacquet et Vétillard, V° Minorité et Interdiction, n° 35 ; Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1143).

Le nouvel article 472 restreint la nullité de toute convention passée entre le mineur devenu majeur et son ex-tuteur au cas où « elle a pour effet de soustraire celui-ci, en tout ou partie, à son obligation de rendre compte »).

Désormais par conséquent le mineur devenu majeur est habilité à donner mainlevée sans attendre que le compte de tutelle lui ait été rendu et le conservateur n'est plus fondé à subordonner la radiation à la justification de cette reddition de compte.

Il importe cependant de signaler que cette opinion n'est pas unanimement admise. Dans le J.C.P. 1965-IV, 3842, p. 36, notre collègue, M. Bulté, exprime en effet l'avis que la nouvelle rédaction donnée à l'art. 472 ne modifie pas les conclusions que l'on tirait de cet article sous le régime antérieur, en ce qui concerne les droits du mineur devenu majeur à consentir la mainlevée de son hypothèque légale contre son ex-tuteur. En l'état, les collègues apprécient si, par mesure de prudence, ils peuvent continuer à se faire justifier, avant de radier, de la reddition préalable du compte de tutelle ou s'ils doivent, au contraire, adopter l'interprétation plus libérale que paraît comporter la lettre du nouvel art. 472.

VI. - Mainlevée consentie par un mineur émancipé. -- En vertu de l'art. 481 nouveau du Code Civil « le mineur émancipé est capable comme un majeur de tous les actes de la vie civile ». Il peut dès lors consentir mainlevée, même sans constatation de payement, des inscriptions hypothécaires garantissant ses créances. Il suffit, pour qu'il puisse être procédé à la radiation, qu'il soit justifié de l'émancipation par la production de l'acte d'émancipation si elle est expresse ou par celle de l'acte de mariage si c'est du fait de son mariage que par application de l'art. 476 du Code Civil, le mineur s'est trouvé émancipé (Jacquet et Vétillard, V° Minorité et Interdiction, n° 42 : Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1202).

La règle qui précède n'est toutefois applicable que lorsqu'il s'agit d'une créance civile. En effet, aux termes de l'art. 487 nouveau du Code Civil, le mineur émancipé doit, pour bénéficier de la pleine capacité pour ses actes commerciaux, obtenir, comme par le passé (Jacquet et Vétillard, eod. V° n° 43; Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd. n° 1203), l'autorisation prévue à l'art. 2 du Code de Commerce. Aux termes de cet article, tel qu'il a été modifié par l'art. 4 de la nouvelle loi, cette autorisation lui est accordée par ses père et mère ou par le conseil de famille. En cas de mainlevée consentie par un mineur émancipé d'une inscription garantissant une créance commerciale, il doit donc être produit, en dehors des justifications indiquées ci-dessus, l'autorisation de faire le commerce si elle n'est pas contenue dans l'acte d'émancipation et un certificat constatant que cette autorisation a été inscrite au registre du commerce.

VII. - Entrée en vigueur de la loi. - La nouvelle loi est, aux termes de son article 7, entrée en vigueur six mois après sa publication au Journal Officiel, c'est-à-dire, si l'on prend le terme « publication » dans le sens d'insertion au Journal Officiel, le 16 juin 1965.

En principe, selon l'art. 8, elle est applicable aux administrations légales et aux tutelles déjà ouvertes. C'est ainsi que les quittances consenties par un tuteur depuis le 16 juin 1965 nécessitent pour être libératoires le concours du subrogé-tuteur (v. § 2 ci-dessus), même si la tutelle a été ouverte avant cette date. De même les règles énoncées aux § 3, 4 et 5 sont applicables à toutes les mainlevées consenties depuis le 16 juin 1965, quelle que soit la date de l'ouverture de l'administration légale ou de la tutelle.

La règle selon laquelle la nouvelle loi est applicable aux administrations légales et aux tutelles déjà ouvertes comporte toutefois des exceptions résultant des art. 9 à 14 de la loi.

En particulier, aux termes de l'art. 11 « quand une délibération du conseil de famille, prise avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ne pouvait être exécutée qu'après une homologation ou avec des formes particulières, cette homologation devra être obtenue ou ces formes observées conformément à la loi ancienne ». Cette disposition paraît de nature à recevoir son application au cas où la décision du conseil de famille autorisant la restriction ou la mainlevée totale de l'inscription de l'hypothèque légale du mineur n'aurait pas, avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, été prise à l'unanimité des membres du conseil. Il semble que, dans cette hypothèse, la décision ne peut, conformément aux prescriptions du 3° alinéa de l'art. 2163 ancien, être exécutée qu'en vertu d'une autorisation du Tribunal. Les intéressés échapperaient toutefois à la nécessité de recourir à cette décision de justice s'ils pouvaient faire prendre par le conseil de famille une nouvelle décision qui, postérieure à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ne tomberait plus sous l'application de l'art. 11.

Par ailleurs, l'art. 14 de la loi précise que les dispositions antérieures restent applicables en principe aux mineurs déjà émancipés. Toutefois, pour ceux de ces derniers ayant atteint l'âge de dix-huit ans, le bénéfice de la pleine capacité prévu par l'art. 481 nouveau (v. § 5, supra) peut leur être conféré par une déclaration complémentaire faite dans les mêmes formes que la déclaration d'émancipation.

Annoter : Jacquet et Vétillard, V° Majorité et Interdiction, n° 7, 30, 35, 42. et 43 ; C.M.L. 2° éd., n° 387-3°, 587, 1139, 1143, 1144 et 1174.