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ARTICLE 613

HYPOTHEQUE JUDICIAIRE.
TAXE DE PUBLICITE FONCIERE. - SALAIRES

Inscription faisant suite à une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire.
Délai dans lequel cette inscription est requise sans conséquence pour la perception de la taxe et du salaire.

ARRET DE LA COUR D'APPEL DE NIMES (1ère CHAMBRE) DU 18 JUIN 1963.

La Cour,

Attendu que Samuel Orts a formé le 15 mars 1962 un dire au cahier des charges dressé par les époux Duffourc pour parvenir à la vente sur saisie immobilière d'un immeuble, qu'il a acheté à Biais suivant acte notarié du 3 juillet 1 959;

Attendu que par jugement du 11 avril 1961, le Tribunal de grande instance de Mende a déclaré que le dépôt dudit cahier des charges a été régulièrement effectué, en conformité du dispositif du jugement du 20 décembre 1961; que l'inscription hypothécaire définitive prise par les époux Duffourc a été faite hors délai et qu'en conséquence l'hypothèque provisoire est devenue rétroactivement inopérante ; en conséquence a ordonné la radiation de toutes inscriptions et mentions hypothécaires prises par les époux Duffourc au bureau des hypothèques de Mende sur les immeubles acquis par Orts le 3 juillet 1959, transcrit le 16 juillet 1959, a dit que les poursuites sur saisie immobilière ne peuvent être continuées par les époux Duffourc sur la propriété Orts, qui n'est pas leur débiteur, et a condamné ces derniers aux dépens y compris le coût de la radiation de toutes les hypothèques ;

Attendu que les époux Duffourc ont relevé appel de ce jugement et demandent sa réformation au motif que l'hypothèque prise dans les deux mois qui ont suivi l'écoulement des deux mois après la signification de l'arrêt du 10 mars 1960, a été prise valablement, car le délai de deux mois de l'article 54· du Code de procédure civile a pour point de départ le jour où la décision a acquis l'autorité de la chose jugée et non le jour de son prononcé ; qu'ils répondent, sur le moyen soulevé par Orts de l'irrecevabilité de leur appel, qu'il n'est pas fondé, puisque le jugement déclare que les inscriptions hypothécaires doivent être rayées, parce que Orts n'est pas leur débiteur ;

Attendu que Orts conclut tout d'abord à l'irrecevabilité de l'appel des époux Duffourc, parce que le jugement attaqué ne rentre pas dans les catégories de jugements énumérées par l'article 731 du Code de procédure civile et très subsidiairement à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il déclare que l'hypothèque définitive a été prise hors délai ;

Attendu que le moyen d'irrecevabilité soulevé par Orts n'est pas fondé, car le jugement entrepris reprenant d'ailleurs ses conclusions de première instance, dit et juge qu'il n'est pas le débiteur des époux Duffourc ;

Attendu, en droit, qu'un jugement ou arrêt contentieux a autorité de la chose jugée du jour où il a été rendu ; que l'arrêt de la Cour de Montpellier ayant été rendu le 10 mars 1960, les consorts Duffourc auraient donc dû faire inscrire leur hypothèque définitive avant le 10 mai 1960 et non dans les deux mois suivant la signification de l'arrêt ;

Attendu que la partie, qui succombe, doit les dépens ; Par ces motifs, et ceux des premiers juges ;

Déclare recevable mais mal fondé l'appel des époux Duffourc ; Confirme le jugement entrepris dans son entier ;

Condamne les époux Duffourc aux dépens d'appel.

Observations. - Aux termes de l'article 54 du Code de procédure civile (loi n° 57-115 du 6 février 1957; Bull. A.M.C. art. 282), l'inscription définitive d'hypothèque judiciaire doit, pour se substituer rétroactivement à l'inscription provisoire, " être prise dans les deux mois à dater du jour où la décision au fond aura acquis l'autorité de la chose jugée ".

Les auteurs sont à peu près unanimes à considérer que les rédacteurs de ce texte ont confondu les décisions de justice ayant l'autorité de la chose jugée, ce qui est le cas de ces décisions dès le moment où elles sont rendues, et les décisions de justice passées en force de chose jugée, qui sont celles qui ne sont plus susceptibles d'un recours ordinaire (opposition ou appel); ils estiment que c'est seulement à partir du jour où une décision de justice est devenue définitive, du fait qu'elle ne peut plus être attaquée par une voie de recours ordinaire, que court le délai de deux mois dans lequel doit être requise l'inscription définitive. (V. not. note Masounabe-Puyanne sous J.C.P. 1958-I-1418).

L'arrêt rapporté confirme cette opinion bien qu'il paraisse confondre, lui aussi, l'autorité de la chose jugée et la force de chose jugée.

Car, ce n'est que pour les jugements qu'il importe de distinguer les deux termes puisque si l'autorité de la chose jugée ne leur est acquise le jour où ils sont rendus, ils ne passent en force de chose jugée qu'à l'expiration du jour où ils ne peuvent plus être attaqués par les voies ordinaires de recours. Tandis que pour les arrêts il y a identité de date, du fait que, ne pouvant être attaqués que par les voies extraordinaires de recours, ils ont force de chose jugée, le jour même où ils sont rendus (Cf. Aix 21 juillet 1953, J.C.P. 54-IX-7932, Jacquet et Vétillard, p. 414, n° 39; Boulanger et de Récy, n° 729). La Cour en a fait l'application en décidant qu'en l'espèce l'inscription définitive litigieuse aurait dû être prise dans les deux mois de la date de l'arrêt sur le fond et non pas, comme le soutenaient les appelants, dans les deux mois de la signification de l'arrêt.

Cette date n'a, en effet, d'intérêt que pour fixer le point de départ de l'exécution de l'arrêt (art. 147 C. Pr. Civ.), alors que l'inscription, en tant que mesure conservatoire, peut être requise dès que la décision judiciaire est rendue. (Précis Chambaz, Masounabe, 2° éd. n° 516).

Interprétant le texte à la lettre, la Cour d'Appel de Nîmes s'est prononcée en sens contraire. Elle a jugé que c'est dès le jour où la décision a été rendue que commence à courir le délai de deux mois.

Il est vraisemblable que la Cour de Cassation aura à se prononcer sur la difficulté. Mais, quelle que soit la solution qui prévaudra, elle n'intéresse pas le conservateur qui n'a à se faire juge ni de la validité des inscriptions requises, ni de leurs effets. Dès lors que le bordereau d'une inscription énonce que celle-ci est destinée à se substituer à une inscription provisoire à laquelle il se réfère, cette inscription doit être traitée comme telle, en particulier pour la perception de la taxe et du salaire. (V. Bull. A.M.C., art. 588).

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 1895 A et 1966 A (feuilles vertes).