ARTICLE 615 PROCEDURE Litige entre parties. - Mise en cause du conservateur. ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AIX (8° CHAMBRE) DU 24 JUIN 1964. La Cour, Statuant sur les appels par Bessi et Falque d'une ordonnance
de référé du Président du Tribunal de grande
instance de Nice du 9 mars 1959 qui les a déboutés de leur
demande de rétractation d'une précédente ordonnance
du 30 janvier 1959 autorisant la S.A. « Les Fils de Pierre Gilardi
» à prendre inscription d'hypothèque conservatoire
sur..., pour sûreté et garantie d'une créance en dommages-intérêts
et a condamné ces demandeurs aux dépens tout en mettant
le conservateur du premier bureau des hypothèques de Nice hors
de cause ; Attendu que depuis la décision attaquée,
une nouvelle ordonnance de la même juridiction en date du 19 mars
1959, exécutoire sur minute et même avant son enregistrement,
a prescrit que moyennant la consignation par Bessi et Falque de la somme
de... entre les mains de M..., désigné comme séquestre,
avec affectation spéciale à la créance de la société
précitée, serait purement et simplement radiée l'inscription
d'hypothèque judiciaire conservatoire précitée, par
le Conservateur du premier bureau des hypothèques de Nice sur le
vu de ladite ordonnance et de la quittance du séquestre ; Attendu que Bessi et Falque ont versé le 20 mars
1959 ladite consignation et qu'en conséquence l'inscription hypothécaire
fut radiée le 6 juin 1959 ; Attendu cependant que Bessi et Falque avaient cru devoir
interjeter appel le 26 mars 1959 de l'ordonnance du 9 du même mois,
même à l'encontre du conservateur des hypothèques
dont la mise hors de cause avait été admise par une telle
décision au juste motif qu'il ne pouvait avoir à refuser
le dépôt si la décision de justice qui donnait naissance
à hypothèque contenait une désignation suffisante
des immeubles ; Attendu que, malgré l'exécution de l'ordonnance du 19 mars 1959 ayant abouti à la radiation de l'inscription hypothécaire dont s'agit, Bessi et Falque n'en poursuivirent pas moins un long temps leur procédure d'appel ; Qu'en effet, ils firent mettre le 15 octobre 1963 l'affaire
au rôle de cette Chambre, et qu'aux dates des 10 décembre
1963 et 7 janvier 1964, il fut à leur requête délivré
avenirs pour conclure tant à la Société qu'au conservateur
sus-visé ; que c'est seulement le 22 mai 1964 que ces appelants
signifièrent un désistement que la S.A. « Les fils
de Gilardi » acceptèrent le 17 juin 1964, soit plus de 5
ans après l'exécution de l'ordonnance du 19 mars 1959 ;
Attendu que le conservateur des hypothèques du
premier bureau de Nice se refusa à accepter un aussi tardif désistement
pur et simple dont il entend seulement prendre acte et qu'il sollicite
la condamnation de Bessi et Falque à lui payer la somme de 1.000
F à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,
faisant valoir à cet effet que fonctionnaire, chef de service,
il a été attrait et maintenu en justice en une affaire dans
laquelle il n'aurait jamais dû figurer et quoique les appelants
aient obtenu satisfaction ; Que cela lui a occasionné des frais non entièrement
remboursables, des soucis et pertes de temps, échange de correspondance
et coups de téléphone, alors qu'après dernier déplacement
des plaidoiries, le désistement n'a été proposé
qu'in extremis; Attendu que Bessi et Falque ne sauraient actuellement
prétendre que c'est seulement par erreur qu'ils ont interjeté
appel le 26 mars 1959 contre le conservateur des hypothèques au
prétexte de lui rendre la décision opposable mais sans conclure
personnellement contre lui ; Qu'en effet, ils avaient été dûment
avertis, par l'ordonnance même qu'ils attaquaient, que ce fonctionnaire
n'avait aucunement à être mis en cause ; qu'au surplus, ils
ont relevé appel après qu'une décision postérieure
leur ait donné satisfaction ; que, malgré le délai
qu'a nécessité ensuite l'affaire au fond, ils ont persévéré
dans une telle erreur, suivant sur une affaire qui n'avait plus aucune
base et poursuivant très longuement une procédure inconsidérée,
ce qui constitue indubitablement une faute même s'ils n'ont point
eu l'intention de nuire au conservateur des hypothèques personnellement;
Que celui-ci n'avait pas, en conséquence, à
accepter leur tel et aussi tardif désistement ; qu'ils font preuve
sinon d'inconscience du moins d'audace en demandant la condamnation de
ce fonctionnaire aux dépens postérieurs au désistement
d'appel et refusé ; qu'ils doivent donc lui réparer le dommage
matériel subi de leur faute et qu'il a tenu à détailler
en ses éléments ; Attendu que si les errements suivis par Bessi et Falque
dénotent une persistante négligence et fort longue, il échet
de considérer comme notoirement excessive la demande de dommages-intérêts
formulée ; Qu'il y a lieu de réduire celle-ci à sa
juste mesure, et de prononcer contre les appelants condamnation tant à
une amende d'appel qu'aux dépens d'appel. Par ces motifs : Constate que Falque et Bessi se sont désistés
de leur appel à l'égard de toutes parties. Les condamne à payer au conservateur du premier
bureau de la ville de Nice, la somme de 100 F à titre de dommages-intérêts
en réparation du préjudice matériel causé
par leur appel reconnu abusif et par leur procédure inconsidérée
; Déboute ce dernier du surplus de sa demande en
dommages-intérêts ; Les condamne à une amende de 100 F pour appel
abusif ainsi qu'en tous dépens d'appel. Observations. - De nombreuses décisions de justice ont déjà reconnu qu'un conservateur ne peut être appelé en intervention dans une instance entre parties lorsqu'aucun grief ne peut être formulé contre lui et que l'action n'a d'autre but que d'obtenir un jugement qui lui soit opposable (V. les décisions citées au Bulletin, art. 551, observations). L'arrêt de la Cour d'Aix rapporté ci-dessus confirme cette jurisprudence. Dans l'espèce, la Cour a relevé dans les
circonstances, qui ont accompagné la mise en cause du conservateur
en appel et la poursuite de la procédure une faute caractérisée.
Il s'agissait d'une demande en radiation d'une inscription
provisoire d'hypothèque judiciaire. En première instance,
une première ordonnance avait débouté les requérants
de leur demande et mis le conservateur hors de cause. Puis, une seconde
ordonnance avait, moyennant le versement d'une consignation entre les
mains d'un séquestre, ordonné la radiation et, en vertu
de cette décision, l'inscription avait été effectivement
radiée. Néanmoins, après l'intervention de la seconde
ordonnance qui leur donnait satisfaction, les demandeurs ont fait appel
de la première ordonnance en mettant à nouveau en cause
le conservateur. Bien plus, ils ont poursuivi la procédure devant
la Cour d'Appel malgré la radiation de l'inscription déjà
opérée. La Cour a estimé qu'en de telles circonstances,
le conservateur était fondé à solliciter l'allocation
de dommages-intérêts. Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 2048 et 2052
; Jacquet et Vétillard, V° Jugement de radiation, n° 57
et 62 (pages 434 et 439).
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