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ARTICLE 617

PROCEDURES. - RADIATIONS. - SAISIES.

Inscription provisoire d'hypothèque judiciaire et saisies dirigées contre les français rapatriés.
Mainlevée.- -Compétence du juge des référés.

LOI N° 63 - 1218 DU 11 DECEMBRE 1963
instituant des mesures de protection juridique en faveur des Français rapatriés

(Journal Officiel du 12).

ARTICLE PREMIER. - Les dispositions de la présente loi sont applicables jusqu'à une date qui sera fixée par décret aux personnes visées aux articles 1er et 3 de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 (1) relativement aux dettes qu'elles ont contractées ou qui sont nées à leur égard, antérieurement à leur rapatriement et à la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

(1) Les personnes visées aux articles 1er et 3 de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 sont :

1° Les Français ayant dû ou estimé devoir quitter, par suite d'événements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France (art. 1er).

2° Les Français ayant dû ou estimé devoir quitter, par suite d'événements politiques un territoire autre que ceux visés au 1° et auxquels un décret aurait étendu le bénéfice des mesures prises en application de la loi sus-visée du 26 décembre 1961 (art. 3 de la loi).

ART. 2. - Les juges pourront, compte tenu de la situation respective des parties en tout état de cause et en toutes matières, notamment par dérogation à l'article 1244 du code civil et à l'article 182 du code de commerce, accorder aux personnes visées à l'article précédent des délais de paiement ne dépassant pas deux années et surseoir à l'exécution des poursuites. Ces délais pourront être portés à trois années au total par un ou plusieurs renouvellements.

Les juges pourront, sur la demande du débiteur, procéder à un aménagement des échéances, à telles conditions d'intérêts qu'ils apprécieront à défaut d'intérêts contractuels ou de droit.

Ils pourront également, à titre exceptionnel, et en considération de la situation respective des parties, accorder mainlevée totale ou partielle de toutes mesure conservatoires et de toutes saisies moyennant, s'ils le jugent à propos, la constitution de garanties affectées spécialement à la créance du saisissant.

Dans les cas prévus à l'article 806 du code de procédure civile, les facultés prévues au présent article appartiennent, en tout état de cause, au juge des référés même s'il y a instance pendante au principal.

ART. 3. - Dans tous les cas prévus à l'article précédent, le juge aura la faculté de suspendre l'exécution :

1° Des dispositions insérées dans les contrats ou les décisions judiciaires prévoyant la résolution de plein droit faute de paiement aux échéances fixées ;

2° Des clauses pénales tendant à assurer l'exécution d'une convention ou d'une décision judiciaire ;

3° Des déchéances légales encourues pour défaut de paiement de sommes dues en vertu de contrats ou de décisions judiciaires.

ART. 4. - Les facultés prévues aux articles 2 et 3 ci-dessus sont, dans les mêmes conditions et pour la même durée, ouvertes en toutes matières y compris la matière fiscale, aux juridictions administratives.

ART. 5. - En cas de changement survenu ou apparu pendant le cours des délais de grâce dans la situation du débiteur, toute partie intéressée pourra demander la modification de la décision intervenue.

ART. 6. - Sous réserve des dispositions de l'article 2, les dispositions qui précèdent ne porteront pas atteinte à des droits acquis par suite de l'exécution d'une décision de justice à laquelle il aura été procédé antérieurement à la mise en vigueur de la présente loi.

Elles ne pourront être invoquées en ce qui concerne le paiement des dettes d'aliment et celui des dettes résultant des condamnations prononcées à raison d'infractions pénales.

ART. 7. - Toutes ordonnances, tous actes de procédure, tous extraits, copies, expéditions ou grosses auxquels donnera lieu l'application de la présente loi seront dispensés de timbre et enregistrés gratis, à condition de porter la mention expresse qu'ils sont faits en application de ce texte.

ART. 8. - Un règlement d'administration publique fixera, en tant que de besoin, les conditions d'application de la présente loi.

Des règlements d'administration publique détermineront les conditions et les modalités selon lesquelles les dispositions de la présente loi seront applicables :

1° Aux personnes rapatriées qui, au jour où elles invoqueront le bénéfice de ces dispositions, auront souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française et fourni les pièces justificatives visées à l'article 2 du décret n° 62-1475 du 27 novembre 1962 ;

2° Aux personnes physiques qui, n'étant pas de nationalité française, étaient domiciliées antérieurement à leur établissement en France, dans un des territoires placés sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France et ont dû ou estimé devoir quitter ce territoire par suite d'événements politiques.

Observations. - En principe, le juge des référés statuant dans les conditions prévues aux articles 806 et suivants du Code de procédure civile ne peut rendre que des décisions provisoires dépourvues de l'autorité de la chose jugée. Il n'a pas par suite le pouvoir d'ordonner la radiation d'une inscription ou d'une saisie et le conservateur qui serait requis de radier en vertu d'une telle décision ne pourrait que refuser d'opérer la formalité. (V. Obs. sous l'art. 434 du Bulletin.)

A titre exceptionnel et jusqu'à une date qui sera fixée par décret, l'article 2 de la loi du 11 décembre 1963 déroge à cette règle.

Ce texte donne en effet pouvoir au juge des référés de donner valablement mainlevée totale ou partielle de toutes mesures conservatoires, parmi lesquelles il faut ranger les inscriptions provisoires d'hypothèques judiciaires requises en vertu de l'article 54 du Code de Procédure civile, et de toutes saisies. Il autorise ainsi les conservateurs à radier les inscriptions dont il s'agit ainsi que les saisies, en vertu d'une simple ordonnance de référé.

La dérogation est, bien entendu, expressément limitée aux cas où l'ordonnance de référé est rendue en application de la loi du 11 décembre 1963. Dans la pratique, l'ordonnance le mentionnera expressément, cette référence expresse étant exigée par l'article 7 de la loi pour la dispense des droits de timbre et d'enregistrement.

Les ordonnances de référé ne sont pas susceptibles d'opposition, mais peuvent être attaquées par la voie de l'appel , lequel doit être formé dans la quinzaine suivant la signification de l'ordonnance (art. 809 du . Code de Procédure civile). L'ordonnance de référé qui autorise une radiation en exécution de la loi du 11 décembre 1963 ne peut dès lors être exécutée que s'il est justifié qu'elle est définitive par la production des certificats de signification et de non-appel.

Annoter : Jacquet et Vétillard, V° Jugement de radiation n° 37, page 412; C.M.L. 2° éd., n° 1361-4°.