Retour

ARTICLE 627

RADIATIONS.

Réforme des régimes matrimoniaux. - Loi du 13 juillet 1965.
Epoux mariés sous un régime de communauté.
Conséquence de la réforme en ce qui concerne leur capacité à donner mainlevée des inscriptions.

1. - La loi n° 65-570 du 13 juillet 1965, portant réforme des régimes matrimoniaux, a modifié les pouvoirs d'administration et de disposition des époux mariés sous un régime de communauté à l'égard, tant des biens propres de la femme que des biens communs.

La présente note a pour objet d'examiner les conséquences que comportent ces modifications en ce qui concerne les conditions dans lesquelles les époux sont habilités à consentir la mainlevée des inscriptions de privilèges et d'hypothèques garantissant leurs créances propres ou celles de la communauté ( 1 ).

I. - NOUVEAU REGIME.

2. - Créances de communauté. - Comme par le passé, le mari administre seul la communauté et dispose, en principe, des biens communs (article 1421 nouveau du Code civil)

Ces pouvoirs comportent cependant des exceptions, en particulier aux termes de l'article 1424 nouveau du Code civil, le mari doit obtenir le concours de sa femme pour aliéner certains biens (immeubles, fonds de commerce et autres exploitations, droits sociaux et meubles corporels dont l'aliénation est soumise à publicité) et cette obligation s'étend à l'encaissement des capitaux provenant de ces aliénations.

Les restrictions ainsi apportées aux pouvoirs du mari comportent, pour ce qui concerne le consentement à mainlevée, les conséquences suivantes :

Tout d'abord, l'interdiction faite au mari d'aliéner seul, sans le concours de sa femme, les biens immobiliers de la communauté nous paraît devoir être étendue à la mainlevée sans constatation de payement des inscriptions garantissant une créance commune. Dans l'opinion dominante, la mainlevée sans payement exige, en effet, la même capacité que pour l'aliénation d'un immeuble (Jacquet et Vétillard, Introduction, n° 38, p. 31 ; Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° édition, n° 890 et 995 ; Planiol, Ripert et Becqué, n° 849).

Par ailleurs, l'obligation faite au mari d'obtenir le concours de sa femme pour encaisser les capitaux provenant de l'aliénation des biens visés à l'article 1424 dépendant de la communauté a pour conséquence qu'il ne peut disposer sans ce même concours de l'hypothèque garantissant la créance formée par les prix de vente, qui est un accessoire de cette créance (Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° édition, n° 185 ; Jacquet et Vétillard, V° Cession d'hypothèque, n° 2, dern. al., p. 115).

(1) Il est précisé que la loi nouvelle est sans effet à l'égard des mainlevées établies avant le 1er février 1966, même si la radiation est requise après cette date.

Dès lors, en cas d'inscription de privilège ou d'hypothèque prise pour sûreté du prix de vente de biens de la nature de ceux vises à l'article 1424 nouveau, la mainlevée, même avec constatation de paiement, ne peut être consentie par le mari sans le concours de sa femme.

3. - Créances propres aux époux. - Aux termes de l'article 1428 nouv., « chaque époux a l'administration et la jouissance de ses biens propres et peut en disposer librement. En particulier, le mari n'a plus l'administration des biens propres de sa femme et le droit de disposition de la femme n'est plus restreint par le droit de jouissance que la communauté possédait sur ses biens (Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1080-II).

En conséquence, chacun des époux a le pouvoir de donner seul mainlevée, avec ou sans constatation de paiement, des inscriptions garantissant ses créances personnelles.

II. - EPOUX MARIES AVANT LE 1ER FEVRIER 1966.

4. - Les règles qui précèdent ne sont applicables que lorsque les époux sont mariés depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965, c'est-à-dire, d'après l'article 9, depuis le 1er février 1966.

Les époux mariés avant le 1er février 1966 demeurent soumis, en principe, soit au régime légal antérieur, s'ils n'ont pas fait de contrat de mariage (art. 10, 1er alinéa), soit aux stipulations de leur contrat de mariage, s'ils en ont conclu un (art. 11 , 2° alinéa).

Toutefois, en vertu du 2° alinéa de l'article 10 et du 2° alinéa ajouté à l'article 11 par la loi n° 65-995 du 26 novembre 1965 (B.O.E.D. 1965-9627), ceux des époux qui sont mariés sans contrat ou qui ont adopté un régime de communauté reprennent immédiatement la jouissance de leurs biens propres et sont immédiatement soumis au droit nouveau pour tout ce qui concerne l'administration des biens communs et de leurs biens propres ( 1 ).

Les règles ainsi tracées entraînent les conséquences suivantes :

(1) Ce régime est celui qui est applicable de plein droit aux époux mariés avant le 1er février 1966. Il peut se trouver modifié du fait des options offertes à ces époux par la loi nouvelle. L'exercice de ces options sera révélé aux tiers par la mention de l'acte le constatant en marge de l'acte de mariage des époux intéressés et, le cas échéant, en marge de leur contrat de mariage (V. art. 11, 2° et 3° al., 16, 1er et 2° al., 17 et 20, 2° al. de la loi du 13 juillet 1965, compléter par la loi du 26 novembre 1965).

5. - Créances de communauté. - Pour ce qui concerne les créances entrant dans les prévisions de l'article 1424 nouv. (prix de vente de l'un des biens visés à cet article, V. n° 2, ci-dessus), l'application littérale des articles 10, 2° al., et 11, 2° al., de la loi nouvelle conduirait à distinguer selon que la mainlevée constitue un acte d'administration ou un acte de disposition, c'est-à-dire selon que la mainlevée est ou non la conséquence d'un paiement. Dans le premier cas de mainlevée, avec constatation de paiement, constituant un acte d'administration, le nouveau droit serait immédiatement applicable et la mainlevée nécessiterait le concours de la femme; dans le second cas, au contraire, de mainlevée sans constatation de paiement, la mainlevée resterait régie par le droit ancien et pourrait être consentie par le mari seul.

Cette conclusion heurte cependant trop nettement le bon sens pour pouvoir être admise. Il serait en effet inconcevable que, pour consentir valablement la mainlevée d'une inscription à la suite du paiement de la créance garantie, le mari doive obtenir le concours de sa femme et qu'il puisse se passer de ce concours pour donner mainlevée de la même inscription lorsque cette mainlevée n'est pas la conséquence d'un paiement. Si le consentement de la femme est nécessaire dans le premier cas, il doit aussi, à notre avis, être exigé dans le second.

Cette conclusion est d'ailleurs en harmonie avec les déclarations faites au cours de la discussion du projet à l'Assemblée Nationale, par M. Collette rapporteur, lequel, à l'occasion de l'examen de l'article 11 qui, dans sa rédaction originaire, se référait à l'article 10, a observé que. dans ce dernier article, le terme « administration » était pris « dans son sens large » et « englobait les pouvoirs de disposition » (Journal Off.. Déb. parl., Ass. Nat. 27 juin 1965, p. 2654).

Il en résulte, d'une part, que les mainlevées ayant pour objet des inscriptions prises pour sûreté du prix de vente de biens visés à l'article 1424 nouv. ne peuvent être consenties qu'avec le concours de la femme, que le payement de la créance garantie soit ou non constaté dans l'acte.

Quant aux inscriptions garantissant d'autres créances communes, leur mainlevée peut être consentie par le mari seul lorsqu'elle est la conséquence d'un payement. Le concours de la femme est au contraire nécessaire en cas de mainlevée sans constatation de payement.

6. - Créances propres aux époux. - La femme reprenant immédiatement la jouissance de ses biens propres et leur administration, elle a, depuis le 1er février 1966, comme son mari, le pouvoir de donner seule, avec ou sans constatation de paiement, la mainlevée des inscriptions garantissant les créances lui appartenant en propre. (V. n° 3 ci-dessus).

III. - APPLICATION PRATIQUE.

7. - De l'exposé qui précède, si l'on accepte l'interprétation proposée au n° 5 ci-dessus, il résulte qu'en définitive les règles à suivre en matière de radiations sont les mêmes, que les époux soient mariés avant ou depuis le 1er février 1966.

Elles se résument de la manière suivante :

a) Pour les créances de communauté, la mainlevée peut être consentie par le mari seul lorsqu'elle est la conséquence d'un payement et que la créance garantie ne consiste pas dans le prix de vente de l'un des biens visés à l'article 1424. Dans les autres cas, le concours de la femme est nécessaire ;

b) Pour les créances propres aux époux, seul est nécessaire le consentement de l'époux titulaire de la créance.

L'application de ces règles suppose que les énonciations du bordereau où les énonciations certifiées de la mainlevée permettent de déterminer exactement dans laquelle des catégories sus-visées doit être rangée l'inscription en cause. Or, ce n'est souvent pas le cas. Il importe dès lors d'examiner les différentes hypothèses qui peuvent se présenter lorsqu'il s'agit soit d'une inscription requise au profit du mari seul, soit d'une inscription requise au profit des deux époux, soit encore d'une inscription requise au profit de la femme seule et selon que ces inscriptions ont été requises avant ou depuis le 1er février 1 966.

8. - Inscriptions requises avant le 1er février 1966 :

A. - Au profit du mari seul : il peut s'agir d'inscriptions prises en garantie :

a) soit d'une créance propre au mari ;

b) soit d'une créance commune consistant en un prix de vente entrant dans les prévisions de l'article 1424 nouveau (v. N° 2 ci-dessus) ;

c) soit d'une autre créance commune.

Si les énonciations du bordereau ou les énonciations certifiées de l'acte de mainlevée ne permettent pas de déterminer dans laquelle de ces trois catégories l'inscription en cause doit être rangée, le consentement de la femme est nécessaire. Dans le cas contraire, ce consentement doit être exigé :

a) dans l'hypothèse visée au § b seulement lorsqu'il s'agit d'une mainlevée avec constatation de payement ;

b) dans les hypothèses visées aux § § b et c, lorsqu'il s'agit d'une mainlevée sans constatation de payement.

B. - Au profit des deux époux : Il peut s'agir alors d'inscriptions prises en garantie :

a) soit d'une créance commune consistant en un prix de vente entrant dans les prévisions de l'article 1 424 nouveau C.C. (v. N° 2 ci-dessus) ;

b) soit d'une autre créance commune ;

c) soit d'une créance appartenant conjointement en propre aux deux époux.

Si les énonciations du bordereau ou les énonciations certifiées de l'acte de mainlevée ne permettent pas de déterminer dans laquelle de ces trois catégories l'inscription en cause doit être rangée, le consentement de la femme est nécessaire. Dans le cas contraire, ce consentement doit être exigé :

a) dans les hypothèses visées aux § § a et c, lorsqu'il s'agit d'une mainlevée avec constatation de payement ;

b) dans les trois hypothèses, lorsqu'il s'agit d'une mainlevée sans constatation de payement.

C. - Au profit de la femme seule. - Il ne peut alors s'agir que d'inscriptions garantissant une créance propre à la femme et la radiation peut être opérée sur son seul consentement (v. ci-dessus n° 6).

9. - Inscriptions requises depuis le 1er février 1966 :

A. - Au profit du mari seul : Il ne peut s'agir dans ce cas que d'inscriptions prises en garantie :

a) soit d'une créance propre au mari ;

b) soit d'une créance commune ne consistant pas en un prix de vente visé à l'article 1424 nouveau du Code Civil.

Si les énonciations du bordereau ou les énonciations certifiées de l'acte de mainlevée ne permettent pas de déterminer dans laquelle de ces deux catégories l'inscription en cause doit être rangée, le consentement de la femme est nécessaire. Dans le cas contraire, il ne doit être exigé que dans l'hypothèse visée au § b et seulement s'il s'agit d'une mainlevée sans constatation de payement.

B. - Au profit des deux époux : Il peut s'agir d'inscriptions prises en garantie :

a) soit d'une créance commune consistant en un prix de vente entrant dans les prévisions de l'article 1424 nouveau du Code Civil ;

b) soit d'une autre créance commune ;

c) soit d'une créance appartenant conjointement en propre aux deux époux.

Si les énonciations du bordereau ou les énonciations certifiées de l'acte de mainlevée ne permettant pas de déterminer dans laquelle des trois catégories l'inscription en cause doit être rangée, le consentement de la femme est nécessaire. Dans le cas contraire, ce consentement doit être exigé :

a) dans les hypothèses aux § § a et c seulement s'il s'agit d'une mainlevée avec constatation de payement :

b) dans les trois hypothèses s'il s'agit d'une mainlevée sans constatation de payement.

C - Au profit de la femme seule. - Il ne peut s'agir alors que d'inscriptions garantissant une créance propre à la femme, qui peut être radiée sur le seul consentement de celle-ci.

Annoter : C.M.L. , 2°· éd, , n° 1 080 et 1081 , Jacquet et Vétillard, V° Femme mariée, n° 14, 16 à 20 et 22.