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ARTICLE 690

SALAIRES.

Liquidation. - Attestation de propriété après décès.
Evaluation des immeubles transmis.
Date à laquelle il faut se placer pour cette évaluation.

Saisi d'un différend survenu entre un notaire et un conservateur au sujet de la date à laquelle il fallait se placer pour évaluer, en vue de la liquidation du salaire, la valeur des immeubles compris dans une attestation de propriété après décès, le président de l'A.M.C. a fait savoir au président du Conseil supérieur du Notariat, dans une lettre publiée sous l'art. 620 du Bulletin, qu'à son avis, c'était la valeur des immeubles à la date de l'attestation qui devait faire l'objet de l'évaluation.

Le président d'une chambre de notaires a contesté l'exactitude de ce mode de calcul du salaire et a soutenu que la valeur à retenir était celle de l'immeuble à l'époque du décès, date à laquelle la transmission de propriété publiée s'est effectuée. A l'encontre des arguments développés dans la lettre sus-visée au président du Conseil supérieur du Notariat, il a fait valoir les conditions suivantes littéralement reproduites :

1. " Un contrat de vente immobilière peut intervenir par acte sous seings privés ; il lie les deux contractants : cependant il ne peut pas être publié et par conséquent la mutation de propriété qui s'est incontestablement effectuée entre vendeur et acquéreur n'est pas opposable aux tiers. Mais les deux contractants peuvent, plusieurs mois ou plusieurs années après, déposer ce contrat au rang des minutes d'un notaire avec reconnaissance de leurs écritures et signatures ; la vente sera ensuite publiée. Qu'elle est, en pareil cas, l'assiette du salaire du conservateur ? Incontestablement le prix auquel la mutation s'est effectuée et non pas la valeur de l'immeuble au moment du dépôt de l'acte sous seing privé au rang des minutes du notaire. "

2, " Vous invoquez pour défendre la valeur au jour de l'établissement de l'attestation les principes de la responsabilité du conservateur engagée, le cas échéant, pour la valeur des immeubles au jour de la publicité.

" Votre argument aurait eu quelque valeur si s'était maintenue la jurisprudence traditionnelle de la Cour de Cassation qui retenait, pour déterminer le quantum du préjudice à réparer, le jour de la réalisation du dommage, c'est-à-dire au cas qui nous occupe le jour de la publicité foncière ou du refus de publicité foncière.

" Mais, depuis un arrêt célèbre du 24 mars 1942 (1), la Cour de Cassation retient dorénavant le jour où l'indemnité est payée pour assurer l'équivalence avec le préjudice subi.

" Il n'est donc plus possible, depuis cet important revirement de la jurisprudence, de proportionnaliser la prime d'assurance que constitue le salaire du Conservateur (Chambaz et Masounabe-Puyanne, n° 1983) avec l'importance du préjudice éventuel, car le deuxième élément de la proportion à fixer est, contrairement à ce qui se passait autrefois, totalement inconnu. "

(1) V° Bull. A.M.C., art. 287, observations § I.

Dans sa réponse au président de la chambre des notaires en cause, le président de l'A.M.C. lui a exposé dans les termes suivants les motifs pour lesquels il ne croyait pas pouvoir se ranger à son avis :

" Ce qui donne ouverture à la perception du salaire du conservateur, ce n'est pas la mutation par décès constatée dans l'attestation, mais la publication de cette dernière. C'est cette publication qui constitue le fait générateur du salaire et c'est par suite à la date où elle est effectuée qu'il faut se placer pour déterminer la valeur qui doit servir de base au calcul du salaire et, en cas de changement de tarif, le tarif à appliquer.

" Cette règle du fait générateur est couramment suivie pour la perception des droits d'enregistrement et, pour la détermination du tarif applicable, elle a été approuvée à plusieurs reprises par la Cour de Cassation (Cass. 4, février 1834, S.34.1.97 ; Cass. du 26 juillet 1859, DP 59.1.465, S.59.1.698 ; Cass. 31 janvier 1876, DP 76.1.209, S.76.1.425; Cass. 26 juin 1878, DP 78.1.426, S.78.1.384).

" En pratique toutefois, et par mesure de simplification, les conservateurs n'exigent pas l'évaluation de la valeur de l'immeuble à la date de la publication et, par extension à la matière des salaires des dispositions de l'art. 842 du Code général des Impôts relatives à la taxe de publicité foncière, perçoivent leur salaire sur la valeur de l'immeuble à la date de l'attestation, généralement voisine de celle de la publication.

" C'est précisément d'ailleurs en raison de cette pratique que, dans l'exemple que vous citez d'un acte sous signatures privées déposé en l'étude d'un notaire plusieurs mois ou plusieurs années après sa signature, il arrive que les conservateurs ne demandent pas l'évaluation de l'immeuble en cause au jour de la publication, comme ils en auraient incontestablement le droit, et liquident le salaire sur la même base que la taxe, c'est-à-dire sur le prix. Cette manière de procéder, qui aboutit à asseoir le salaire sur la valeur de l'immeuble la date de l'acte qui constate la mutation n'est pas en opposition avec la règle de perception suivie lors de la -publication des attestations par décès.

" L'argument que vous croyez pouvoir tirer du mode d'indemnisation éventuelle de la victime d'une faute du conservateur n'est pas plus convaincant. Sans doute résulte-t-il de la jurisprudence de la Cour de Cassation que cette indemnisation n'est pas limitée à la valeur de l'immeuble en cause au jour de la publication. Mais il n'en résulte aucun argument en faveur de l'opinion que vous défendez. Si le salaire du conservateur forme la rémunération de sa responsabilité, il demeure légitime, dans le cas d'une attestation de propriété après décès, qu'il soit calculé sur la valeur de l'immeuble à l'époque de la publication de l'attestation qui donne naissance à cette responsabilité et non sur celle qu'il pouvait avoir au moment du décès, événement qui n'établit aucun lien de droit entre le conservateur et l'usager.

" Je ne vois dès lors aucun motif de revenir sur l'opinion exprimée dans l'article 620 du Bulletin de mon Association.

" J'ajoute cependant que, ces principes étant posés, il ne s'élèverait probablement aucune contestation si le notaire rédacteur s'abstenait de préciser la date à laquelle il s'est placé pour établir l'évaluation des immeubles transmis. "

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 1996.