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ARTICLE 723

INSCRIPTIONS. - RADIATIONS.

Acte de constitution ou de mainlevée d'hypothèque.
Consentement par mandataire.
Pouvoir contenu dans une délibération des membres d'une société civile.
Dispense d'authenticité.

(Rép. Min. Justice, 17 mai 1967)

Question. - M. Marcel Motte rappelle à M. le Ministre de la Justice que la loi du 24 juillet 1966, modifiant ou complétant les articles 1841, 1860, 1866 et 1868 du Code Civil, la loi du 23 janvier 1929 sur les parts de fondateur émises par les sociétés et diverses autres dispositions, a complété l'article 1860 du Code Civil par un alinéa autorisant les représentants légaux d'une société à " consentir hypothèque au nom de celle-ci, en vertu de pouvoirs résultant soit des statuts, soit d'une délibération des associés prise dans les conditions prévues aux statuts, même si ceux-ci ont été établis par acte sous seing privé " ; il lui demande si la délibération visée audit alinéa peut, au même titre que les statuts eux-mêmes, être établie par un acte sous seing privé ou, au contraire, faire l'objet d'un acte authentique.

Réponse. - Il ne résulte par du texte du 2° alinéa nouveau de l'article 1860 du Code Civil que la délibération des associés, prise dans les conditions prévues aux statuts et autorisant les représentants légaux de la société à consentir hypothèque, doive être nécessairement constatée par acte authentique. Si les statuts, même établis par acte sous seing privé habilitent valablement les représentants légaux à consentir hypothèque, la même solution doit, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, être retenue au cas où, dans le silence des statuts, ce pouvoir est accordé par une délibération ultérieure des associés (Journal officiel, 17 mai 1967, Déb. Sénat, p. 362).

Observations. - Le second alinéa ajouté à l'article 1860 du Code Civil par l'art. 4 de la loi n° 66-538 du 24 juillet 1966 (Bull. A.M.C., art. 689) est à rapprocher de l'art. 69 de la loi du 24 juillet 1867, modifié par l'art 6 de la loi du 1er août 1893, selon lequel " il pourra être consenti hypothèque au nom de toute société commerciale, en vertu des pouvoirs résultant de son acte de formation, même sous seings privés, ou des délibérations ou autorisations constatées dans les formes réglées par ledit acte ".

Cette dernière disposition apporte, en faveur des sociétés commerciales, une double dérogation à l'art. 2127 du Code Civil, aux termes duquel " l'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte passé en la forme authentique... ". Pour ce qui concerne les pouvoirs contenus dans les statuts, la dérogation est explicite. Elle est implicite pour ce qui est des pouvoirs contenus dans les délibérations.

A l'égard de ces derniers, le texte exige en effet que les délibérations soient " constatées dans les formes prévues par les statuts ". Or, dans la pratique, les statuts des sociétés commerciales prévoient d'une manière très générale que les procès-verbaux des délibérations des associés ou des organes de direction sont dressés en la forme sous seings privés, sous la signature, selon le cas,, du gérant, du président du Conseil d'administration ou des membres du bureau.

Il faudrait, ce qui ne se rencontre pratiquement jamais, que les statuts prévoient expressément l'établissement des procès-verbaux des délibérations en la forme authentique pour que ceux de ces procès-verbaux constatant une délibération qui confère le pouvoir de consentir une hypothèque doivent revêtir cette forme.

C'est la règle de conduite qui a été suivie sans discussion depuis l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 1893 (Jacquet et Vétillard, V° Sociétés, n° 26, p. 673, Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1296 ; Bull. A.M.C., art. 499).

Le 2° alinéa nouveau de l'art. 1860 du Code Civil, concernant les pouvoirs de consentir hypothèque émanant des sociétés civiles est rédigé en termes différents. Il dispose que " les représentants légaux de la société peuvent consentir hypothèque au nom de celle-ci, en vertu des pouvoirs résultant : soit des statuts,, soit d'une délibération des associés, prise dans les conditions prévues aux statuts, même si ceux-ci ont été établis par acte sous seings privés ".

Il résulte de cette disposition que les délibérations, des associés renfermant le pouvoir de consentir une hypothèque doivent être prises dans les conditions prévues aux statuts ; mais le texte est muet au sujet de la forme dans laquelle ces délibérations doivent être constatées.

On pourrait en conclure que ces délibérations tombent sous l'application de l'art 2157 du Code Civil et que, par suite, le procès-verbal qui les constate doit être établi en la forme authentique.

Mais on peut tenir pour certain que le voeu des auteurs du texte en cause a été d'étendre aux sociétés civiles les avantages déjà accordés aux sociétés commerciales par l'art. 69 modifié de la loi du 24 juillet 1867 et on peut, dès lors, à notre avis se rallier à l'interprétation du Département de la Justice selon laquelle les délibérations des membres des. sociétés civiles renfermant le pouvoir de constituer une hypothèque peuvent être constatées dans la forme prévue par les statuts.

Selon la jurisprudence intervenue au sujet des sociétés commerciales (Jacquet et Vétillard, V° Sociétés, n° 26, p. 673 ; Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1296), la même règle est par ailleurs applicable aux délibérations conférant le pouvoir de consentir la mainlevée d'une inscription hypothécaire.

Annoter : Jacquet et Vétillard, V° Sociétés, n° 18, p. 666¨; C.M.L., 2° éd., n° 1288.