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ARTICLE 727

INSCRIPTIONS.

Bordereaux collectifs. - Solidarité énoncée dans le bordereau, mais non stipulée dans le titre. - Existence d'un lien d'indivisibilité.

Le Comité de l'A.M.C., interprétant l'art 6. du décret n° 67-1252 du 22 décembre 1967, sur les bordereaux d'inscriptions collectifs, a exprimé l'avis que les conservateurs doivent refuser un bordereau collectif indiquant que les créanciers qui y sont dénommés sont solidaires, lorsque cette solidarité n'a pas été exprimée dans le titre (Bull. A.M.C., art. 701).

Un collègue a fait remarquer que l'obligation de s'assurer que le titre contient effectivement la stipulation de solidarité énoncée au bordereau lui paraissait en contradiction avec la règle suivant laquelle le conservateur n'a pas à se faire juge de la validité du titre.

Dans le cas d'espèce à l'occasion duquel cette observation a été faite, le bordereau d'inscription avait pour objet la garantie de deux créances ayant leur origine dans deux prêts distincts consentis par le même acte au même emprunteur. Aucun lien de solidarité n'avait été stipulé entre les deux sociétés prêteuses. Les stipulations du contrat de prêt et spécialement les modalités de remboursement révélaient toutefois l'existence entre les deux prêts d'un lien de fait tel que ceux-ci apparaissaient comme les deux éléments d'une opération unique. En particulier, les deux prêts étaient remboursables au moyen d'une série unique de mensualités dont les premières revenaient exclusivement à l'une des sociétés prêteuses et les autres exclusivement à l'autre société.

Au collègue en cause a été faite la réponse suivante :

" Comme vous l'estimez, le conservateur n'a pas, lorsqu'il reçoit une inscription, à se faire juge de la validité du titre qui lui est présenté en exécution de l'art. 2148, 1er alinéa, du Code Civil. Mais il doit s'assurer de l'existence au moins apparente du droit hypothécaire dont on requiert l'inscription (Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 628). En particulier, lorsque le bordereau d'une inscription requise au profit de plusieurs créanciers énonce que ceux-ci sont solidaires, le conservateur n'a pas à rechercher si la solidarité a été valablement stipulée ; mais, étant donné que la solidarité, sans avoir à être convenue sous une forme sacramentelle, doit néanmoins faire l'objet d'une stipulation expresse (art. 1202 du Code Civil), il lui appartient de vérifier que l'énonciation du bordereau peut trouver au moins apparemment à s'appuyer sur une clause du titre.

" Il importe d'autant plus pour le conservateur d'éviter que les bordereaux énoncent une solidarité qui ne trouverait pas dans le titre un fondement au moins apparent que la solidarité modifie profondément les droits des co-créanciers, en particulier en ce qu'elle permet à chacun d'eux de recevoir seul la totalité de la créance et, en conséquence, à donner seul mainlevée de l'inscription hypothécaire qui la garantit (Jacquet et Vétillard, V° Solidarité, n° 2 ; Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1303).

" Mais l'absence de solidarité n'entraîne pas, en toute hypothèse, la nécessité de déposer un bordereau distinct par créancier. L'unité de créance, à laquelle correspond l'unité de bordereau, se rencontre également lorsque deux ou plusieurs créances forment en réalité les éléments d'une créance indivisible. L'indivisibilité qui, à la différence de la solidarité, n'a pas à être expressément stipulée, résulte de la volonté présumée des intéressés, telle que la révèlent la nature de l'engagement eu la fin que se sont proposée les contractants (Code Civil, art, 1221 ; Jacquet, Traité du privilège du vendeur d'immeubles, n° 176).

" Conformément au principe sus énoncé, le conservateur n'a pas à s'assurer qu'il est effectivement en présence d'une obligation indivisible. Dès lors qu'il s'agit d'une question de pure appréciation de la volonté des parties, il ne peut que s'en rapporter à l'interprétation de ces dernières, pourvu qu'elle ne soit pas manifestement contredite par les énonciations du titre.

" Au cas particulier visé dans votre lettre du 15 mars dernier, on peut admettre qu'il existe un lien d'indivisibilité entre les créances des deux sociétés prêteuses.

" Les dispositions particulières du contrat et notamment la stipulation que les deux créances seront remboursées au moyen d'une série unique de 198 mensualités, dont les 84 premières reviendront exclusivement à l'une des sociétés prêteuses et les 114 suivantes exclusivement à l'autre société prêteuse permettent de considérer que l'intention des contractants a été de conclure une opération d'ensemble dans laquelle d'emprunteur se trouve placé dans la même situation que s'il avait contracté avec une société prêteuse unique.

" Il est, dès lors, possible, à mon avis, bien que les deux sociétés créancières ne soient pas solidaires et que la solidarité ne puisse, par suite, être énoncée dans le bordereau, d'accepter que, comme le demande le notaire, l'hypothèque consentie au profit de ces deux sociétés soit requise au moyen d'un bordereau unique. "

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 576 et 577.