Retour

ARTICLE 771

PROCEDURE.

I. - Instance entre parties. - Appel en cause du Conservateur.
Mise en cause intervenant devant la Cour d'Appel. - Irrecevabilité.

II. Dommages-intérêts. - Assignation abusive.
Demande de dommages-intérêts justifiée.

(Arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 29 octobre 1968).

Au cours d'une instance entre parties tendant à faire prononcer la nullité du contrat constitutif d'une hypothèque et de l'inscription prise en vertu de ce contrat, les défendeurs ont appelé en cause le notaire qui avait établi le contrat en cause et le Conservateur des hypothèques qui avait pris l'inscription. Ces appels en cause sont survenus alors que, à la suite d'un jugement défavorable frappé d'appel, l'affaire était perdante devant la Cour d'Appel.

En ce qui concerne le Conservateur, la demande tendait à faire juger qu'il avait engagé sa responsabilité en s'abstenant de s'assurer de l'accomplissement de " toutes les formalités nécessaires pour que la constitution d'une hypothèque soit établie ".

Pour sa défense, notre collègue a, à titre principal, fait observer que l'action en responsabilité engagée contre lui formait une demande nouvelle, laquelle, en application de l'art. 464 du Code de Procédure civile, était irrecevable devant la Cour d'Appel. Subsidiairement, il a fait valoir qu'en acceptant une inscription hypothécaire conforme au titre constitutif de l'hypothèque, il n'avait fait qu'obéir aux prescriptions légales en la matière. Enfin, reconventionnellement, il a demandé la condamnation de ses adversaires à des dommages-intérêts pour assignation abusive.

Par un arrêt du 29 octobre 1968, la Cour d'appel de Montpellier a reconnu fondé son moyen principal de défense et a accueilli sa demande de dommages-intérêts.

La décision est ainsi motivée :

" Sur la mise en cause d'appel des sieurs P... (le notaire) et L... (le conservateur) :

" Attendu que si l'art. 468 du Code de Procédure civile autorise l'intervention en cause d'appel de tous ceux qui justifient d'un intérêt et corrélativement leur appel en cause par voie d'intervention forcée, il ne permet pas, par ce moyen, de soumettre à la Cour un litige nouveau et de demander des condamnations. personnelles n'ayant pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction ;

" Attendu qu'il suffit de se reporter à l'exploit d'ajournement de P... et de L... pour constater que tel est le cas en l'espèce ; que ces mises en cause sont donc irrecevables.

" Sur les dommages-intérêts demandés par L... :

" Attendu que les intimés, en appelant en cause le sieur L..., conservateur des hypothèques, dans de telles conditions, n'ont pas pu se méprendre sur l'irrecevabilité de cette procédure ; qu'ils, ont, en tous cas, fait preuve d'une légèreté telle qu'elle est équivalente au dol et doivent réparer le préjudice qu'ils lui ont ainsi causé;

" Attendu que ce préjudice consiste en des peines, tracas et frais non taxables qu'a dû exposer L... ; que la Cour possède des éléments suffisants pour fixer à 600 F la somme qui réparera ce préjudice.

" Par ces motifs,

" Déclare irrecevables les appels en intervention forcée de P... et de L... et les met hors de cause avec dépens ;

" Condamne B., V. et M. (les intimés) à payer in solidum à L... une somme de 600 F - six cents francs - de dommages-intérêts :

" Condamne B., V. et M. aux dépens entraînés par la mise en cause de P... et de L..., avec distraction... "

Cet arrêt doit, à notre avis, être entièrement approuvé.

Il est à rapprocher de celui de la Cour d'Aix du 26 mai 1959 (Bull. A.M.C., art. 405) qui, dans l'espèce où il a statué, a décidé que le notaire et le conservateur avaient été valablement appelés à l'instance en cause d'appel, mais avec une restriction qui retirait toute portée pratique à la décision.

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 2048 et 2052.