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ARTICLE 800

PROCEDURE.

Exploit. - Enonciations prescrites. - Caractère substantiel.
Omission. - Nullité.

Arrêt de la Cour de Cassation (3° Chambre Civile) du 27 mars 1969. (1)

SOMMAIRE. - La nullité qui résulte de l'inobservation d'une formalité substantielle doit être prononcée sans qu'il y ait lieu de vérifier si elle a eu, ou non, pour effet de porter atteinte à la défense.

Le caractère substantiel est attaché, dans un acte de procédure, à ce qui tient à sa raison d'être et lui est indispensable pour remplir son objet ; il en est ainsi, en matière de signification d'un jugement, de l'indication du nom du destinataire de l'acte.

Dès lors doit être cassé l'arrêt qui refuse de sanctionner la nullité d'une signification destinée et faite à une personne décédée.

(1) D. 1969, somm. 100.

- Par cet arrêt, la Chambre Civile maintient - malgré une partie de la doctrine et la résistance de certains tribunaux - son interprétation des articles 70 et 179 du Code de Procédure Civile d'après laquelle le juge, appelé à constater dans un exploit l'inobservation d'une formalité substantielle, doit en prononcer la nullité sans avoir à vérifier si cette inobservation a eu, ou non, pour effet de nuire à la défense (dans ce sens : Cass. Civ., 29 janvier 1964, J.C.P. 64 - I - 13631 ; 29 octobre 1964, D 65 - somm. 52 ; 20 (et non 27) octobre 1967 ; D, 68-521 : Bull. A.M.C. 744).

L'arrêt de la Chambre des requêtes du 28 octobre 1946 (D. 1947-28) n'est pas contraire, car il ne s'agissait pas alors d'une nullité substantielle.

Les conservateurs peuvent par conséquent s'appuyer sur l'autorité de la Cour Suprême pour conclure à la nullité de l'assignation qui leur est remise impersonnellement, toutes les fois que celle-ci ne concerne pas une perception fiscale qu'ils auraient effectuée ou qu'elle leur ferait grief, à tort ou à raison, d'une faute qu'ils auraient commise ou que la faute alléguée serait imputable à un prédécesseur.

Car, puisque comme le précise la Chambre Civile, l'indication du nom du défendeur dans la signification d'un jugement a un caractère substantiel, il en est de même, à plus forte raison, dans l'exploit introductif d'instance.

Pour ce seul motif l'assignation impersonnelle au conservateur serait atteinte d'une nullité substantielle. Mais elle l'est encore pour le motif, développé dans l'étude publiée sous l'article 517 du Bulletin, que, du fait de la responsabilité personnelle, et nullement de fonction ou solidaire, des conservateurs d'un même poste, l'assignation impersonnelle ne permet pas de savoir lequel des différents titulaires a qualité pour défendre à l'instance et doit en supporter les conséquences, puisque cette charge n'incombe qu'à l'auteur de la faute alléguée. L'indication du nom au moins est par conséquent indispensable comme le dit l'arrêt pour que l'exploit remplisse son objet qui est de conférer à celui à qui il est remis la qualité processuelle nécessaire pour la régularité de la procédure.

Il n'y a d'exception, comme il a été dit, que lorsque le litige porte sur une question de perception fiscale que le conservateur aurait effectuée.

Dans ce cas, en effet, le conservateur ayant agi comme " préposé " de la Direction Générale des Impôts, l'article 69-3 du Code de procédure civile permet de l'assigner en cette qualité et sous cette seule désignation, à charge par lui d'en référer au Directeur compétent.

Toutefois, ce cas devrait être bien exceptionnel, malgré l'extension prochaine des attributions fiscales des conservateurs. Car, en vertu du nouvel article 1931 - C.G.I. (loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963, article 1er - 2), toute réclamation fiscale doit être soumise, au préalable, au Directeur compétent et la décision de refus doit comporter l'indication de ce Directeur. De sorte qu'aucune assignation en matière fiscale ne devrait plus être remise au conservateur.

Cependant, en raison de la perception corrélative de la taxe de publicité foncière et des salaires, il se pourrait qu'une assignation unique en restitution soit remise au conservateur. Dans ce cas, celui-ci devrait viser cette assignation en sa qualité de préposé de l'administration et la transmettre au Directeur compétent pour décider de la perception fiscale ; quitte à faire défaut ou à conclure à la nullité de l'assignation en ce qui le concerne si elle est impersonnelle et s'il n'est pas l'auteur de la perception des salaires (C. de Cass., 25 février 1846 ; Inst. Gén., 1767, § 20 ; J. Conserv. 287).

De même, il faut accepter (sauf à faire suivre si on connaît l'adresse) l'assignation concernant un prédécesseur, dès lors que, par application de l'article 9 de la loi du 21 ventôse, An VII, celui-ci a domicile au bureau où il a rempli ses fonctions (ainsi que ses ayants cause) pour les actions auxquelles sa responsabilité pourrait donner lieu quand même il serait sorti de place.

Il est enfin rappelé que la demande de nullité doit être formulée in limine puisque, aux termes formels de l'article 173 C. p. civ., toute nullité d'exploit introductif d'instance est couverte si elle n'est proposée avant toute défense ou exception autres que les exceptions de caution ou d'incompétence. On ne doit conclure sur le fonds qu'à titre subsidiaire et en réservant expressément l'exception de nullité.

Annoter : Jacquet et Vétillard, V° Jugement de radiation, n° 4 (p. 371) et n° 7 (p. 434) ; C.M.L., 2° éd., n° 1364, 2047 et 2048 ; Etude Masounabe-Puyanne, Bull. A.M.C., art. 517.