Retour

ARTICLE 823

RADIATIONS.

I. - Dispense de justifications. (Art. 2158, 2° al. C.C.). Forme des énonciations.
II. - Justification du régime matrimonial. Dispense lorsque le notaire certifie dans l'acte de mainlevée que la créance garantie par l'inscription requise au profit d'un seul époux résulte d'un contrat passé par cet époux sans le concours de son conjoint.
Rép. Min. Econ. et Fin., 29 mai 1970 :

Question. - M. Thorailler expose à M. le Ministre de l'Economie et des Finances la situation suivante : aux termes d'un contrat de vente de 1968, deux soeurs ont vendu une ferme leur appartenant, moyennant un prix payé partie comptant, le surplus fin 1969. Elles sont toutes deux mariées sous le régime de la séparation de biens pure et simple et leur mari n'est pas intervenu à l'acte de vente, ni lors de la quittance-mainlevée ci-après. Le notaire rédacteur de l'acte de quittance-mainlevée a indiqué dans cet acte leur régime matrimonial, en précisant " ledit régime non modifié depuis ". Il a certifié exactes les énonciations établissant l'état, la capacité et la qualité des comparantes, par application de l'article 2158, alinéa 2, du Code Civil. Or, le Conservateur des Hypothèques refuse de radier et exige : soit la mention, prévue par l'article 59-1 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 (certification par le notaire que la créance résulte d'un contrat auquel les intéressés ont consenti sans le concours de leur conjoint) ; soit au lieu de la mention " ledit régime non modifié depuis " la mention suivante : " ledit régime non modifié depuis: ainsi que le notaire soussigné s'en est assuré au vu d'un extrait de l'acte de mariage délivré depuis " (moins de trois mois). Cette dernière exigence est fondée sur un article du bulletin de l'Association Mutuelle des Conservateurs des Hypothèques, relatif à la réforme des régimes matrimoniaux. C'est pourquoi il lui demande s'il peut lui confirmer : 1° qu'une femme mariée sous le régime de la séparation de biens pure et simple a le pouvoir de donner mainlevée d'une inscription garantissant une créance lui appartenant en propre, sans le concours de son conjoint, et sans que la mention prévue par l'article 59- 1 précité, soit nécessaire, le régime matrimonial de l'intéressée étant mentionné dans l'acte de mainlevée ; 2° que la mention portée dans cet acte, c'est-à-dire régime matrimonial indiqué non modifié, mention certifiée conformément à l'article 2158, alinéa 2, du Code Civil, se suffit à elle-même et dispense le notaire rédacteur : de viser dans l'acte de mainlevée un extrait de l'acte de mariage datant de moins de trois mois ; de produire un tel extrait au Conservateur.

Réponse. - D'une manière générale, toute femme mariée sous le régime évoqué par l'honorable parlementaire a le pouvoir de donner seule mainlevée des inscriptions qui garantissent le recouvrement de ses créances propres. Dans le cas - vraisemblablement exceptionnel - où le notaire qui dresse acte de la mainlevée consentie par une femme mariée sous ce régime n'entend pas profiter des facilités accordées par l'article 59-1 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, il lui incombe de démontrer non seulement que la créancière s'est trouvée placée sous le régime dont il s'agit, mais encore qu'elle n'a pas été soumise par la suite à un régime différent, devenu opposable aux tiers. Compte tenu des règles de publicité et d'opposabilité fixées au troisième alinéa de l'article 1397 du Code Civil, la preuve de ce second fait résulte d'un extrait de l'acte de mariage délivré depuis moins de trois mois ne comportant pas de mention marginale révélant une autre situation. Pour faire cette démonstration, le notaire peut user des facilités offertes par le second alinéa de l'article 2158 du Code Civil, c'est-à-dire éviter la représentation au Conservateur des Hypothèques de pièces justificatives du régime matrimonial et, spécialement, celle de l'extrait susvisé, à condition que le régime soit établi dans l'acte de mainlevée et que les énonciations correspondantes soient certifiées exactes. Il est admis, à ce sujet, d'une part, que les énonciations de l'acte de mainlevée ne sauraient consister en une simple affirmation, mais doivent relater les actes, pièces et autres documents qui font la preuve à rapporter et, d'autre part, que, dans l'hypothèse où cette preuve n'est fournie que de façon incomplète ou imparfaite, le Conservateur, personnellement responsable des radiations qu'il opère, est fondé, sous le contrôle des tribunaux, à demander la production des justifications nécessaires à sa pleine information (rapp. notamment, Bulletin du Conseil Supérieur du Notariat. n° 67 de janvier-février 1956, p. 10 à 12 ; L. Page, Le nouveau régime de la publicité foncière n° 239 ; J.C.P., La Semaine juridique, éd. N° 1968-IV-4424) (J.O. 29 mai 1970, Déb. Ass. Nat., p. 2110).

Observations. - Le second alinéa ajouté à l'art. 2158 du Code Civil par l'art. 27 du décret du 4 janvier 1955 n'a pas modifié l'étendue de la responsabilité du Conservateur. Comme par le passé, ce dernier reste juge de la qualité et de la capacité des personnes qui consentent la mainlevée. Ce qui est nouveau. c'est que la production des pièces justificatives peut être remplacée par leur énonciation dans l'acte de mainlevée accompagnée de la certification par le notaire de l'exactitude de cette énonciation. (Bull. A.M.C. art. 241-VI et 79).

Au cas visé dans la question écrite, pour se dispenser de produire les pièces justificatives du régime matrimonial des comparantes, le notaire devait, par conséquent, énoncer, pour chacune d'elles, dans l'acte de mainlevée, d'une part le contrat de mariage et, d'autre part, l'extrait de l'acte de mariage délivré depuis moins de trois mois et constatant qu'aucun contrat modificatif du régime matrimonial n'a été mentionné en marge de cet acte. (V. Bull. A.M.C., art. 664 § V) et certifier en outre l'exactitude de ces énonciations. La simple affirmation que les comparantes étaient mariées sous le régime de la séparation de biens et que ce régime n'avait pas été modifié était insuffisante.

Le notaire aurait pu cependant éviter toute justification du régime matrimonial en certifiant, conformément aux prévisions de l'art. 59-1 du décret du 14 octobre 1955. (Décret n° 67-1252 du 22 décembre 1967, art. 9 ; Bull. A.M.C., art. 702) que l'acte de vente générateur de la créance garantie par l'inscription avait été conclu par les venderesses sans le concours de leur mari.

Annoter : C.M.L., 2° éd., 881-A (feuilles vertes) et 1086; Jacquet et Vétillard Introduction, n° 78, p. 54, et V° Femme mariée, n° 11, p. 192.