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ARTICLE 827

MENTIONS EN MARGE DES INSCRIPTIONS.

Cessions d'antériorité.
I. Consentement par mandataire. Authenticité du pouvoir exigée.
II. Cas où, dans l'acte de prêt, le débiteur s'est réservé la possibilité de consentir une autre hypothèque primant celle du premier créancier.
Cession d'antériorité intervenue en exécution de cette clause.
Mandataire. Pouvoir sous signature privée suffisant.

Aux termes d'un acte notarié, M. X... a contracté un emprunt auprès de la Société A..., organisme de crédit, et, en garantie de ce dernier a consenti au profit de la société prêteuse une affectation hypothécaire.

Dans l'acte, il a été précisé que M. X... se proposait de contracter un second emprunt auprès du Crédit Foncier de France et que la garantie hypothécaire qu'il conférerait à cet Etablissement sur les immeubles déjà affectés au profit de la société A... devrait venir en premier rang et primer par conséquent celle déjà consentie à la société A..., ce qui a été expressément accepté par cette dernière société.

En vertu de cet acte, une inscription a été prise au profit de la société A... Ultérieurement, le prêt du Crédit Foncier à M. X... a été réalisé et une inscription a été requise au profit de cet Etablissement.

En l'état, par acte passé devant notaire, la société A..., a conformément à l'engagement pris dans le premier acte de prêt, consenti au profit du Crédit Foncier une cession d'antériorité, de manière que l'inscription prise à son, profit soit primée par celle, ultérieure, profitant au Crédit Foncier. A cet acte, la société A... était représentée par un mandataire habilité par une procuration sous signature privée, la même que celle en vertu de laquelle il avait comparu à l'acte de prêt.

Peut-on, en vertu de l'acte ainsi établi, mentionner la cession d'antériorité en marge des inscriptions en cause ?

Pour se prononcer en faveur de l'affirmative, on a cru pouvoir s'appuyer sur la distinction qui est faite entre les procurations produites à l'appui d'un acte de mainlevée, qui sont soumises à la règle de l'authenticité, et les procurations annexées à un acte sujet à publicité, qui peuvent être publiées même lorsqu'elles ont été établies en la forme sous seing privé (Rép. Min. Justice, 7 septembre 1957 ; Bull. A.M.C., art. 481 ; v. égal. art. 499, observations).

Cette opinion ne peut pas être sérieusement défendue.

Si une procuration donnée en vue d'une mainlevée doit être dressée en la forme authentique, c'est par application de l'art. 2158 du Code Civil qui exige que le consentement à mainlevée soit donné sous cette forme. Lorsque ce consentement est donné par mandataire, c'est en effet la procuration qui constate essentiellement ce consentement et c'est à elle que s'applique au premier chef l'obligation de l'authenticité (Jacquet et Vétillard, Introduction, n° 12, page 15 et V° Sociétés, n° 18, page 664 ; - Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 864 : v. égal. Bull. A.M.C., art. 812).

Or la situation est la même lorsqu'il s'agit d'une cession d'antériorité. Sans doute, l'art. 2158 du Code Civil ne vise directement que les mainlevées. Mais il a toujours été admis qu'il régissait en réalité tous les actes appelés à être mentionnés en marge d'une inscription et par lesquels le créancier se dessaisit de ses droits sur cette inscription (Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 858 ; - de France de Tersant et Olive ou Traité Alphabétique de l'Enregistrement, 3° éd., n° 451).

La situation ne serait différente que si la procuration était donnée directement au mandataire par l'organisme directeur de l'établissement prêteur et contenue dans le procès-verbal d'une délibération de cet organisme. e serait alors dispensée de l'authenticité par l'art. 1860, 2° al. du Code Civil (Loi n° 66-538 du 24 juillet 1966, art. 4 ; Bull. A.M.C., art. 689).

De ces observations, il résulte, dans le cas d'espèce en cause, que, dans la rigueur des principes et sous la réserve exprimée à l'alinéa qui précède, le Conservateur serait fondé à refuser de mentionner la cession d'antériorité du fait que le mandataire de la société A... qui l'a consentie tenait ses pouvoirs d'une procuration sous signature privée.

Mais il faut observer que, dans la réalité des faits, il ne s'agit pas d'une véritable cession d'antériorité.

En effet, en souscrivant à la clause du contrat de prêt par laquelle M. X... s'est réservé le droit de consentir au profit du Crédit Foncier une garantie hypothécaire de premier rang qui primerait celle de la société A..., cette dernière société a accepté dès l'origine de recevoir une hypothèque de second rang. Dès lors, lorsque, par la suite, elle consent que la garantie hypothécaire que lui ont conférée ses emprunteurs soit primée par celle dont bénéficie le Crédit Foncier, elle ne cède pas à proprement parler un rang auquel elle a déjà renoncé dans l'acte de prêt ; elle ne fait que confirmer cette renonciation.

L'acte à mentionner ne porte dès lors aucune atteinte à l'étendue de la garantie conférée au créancier par l'inscription et il n'y a pas, en ce qui le concerne, les mêmes motifs que dans le cas d'une véritable cession d'antériorité d'exiger un pouvoir authentique.

Dans le cas particulier susvisé, il n'y a en conséquence aucun inconvénient à mentionner la cession d'antériorité malgré la forme sous signature privée de la procuration habilitant le mandataire qui l'a consentie.

Annoter : Jacquet et Vétillard, V° Cession d'hypothèque, n° 2, p. 114 ; - C.M.L., 2° éd., n° 923.