Retour

ARTICLE 832

RADIATIONS.

Mainlevée notariée ou judiciaire.
Immeuble ayant fait l'objet d'une adjudication sur saisie ou sur conversion de saisie.
Effet de l'inscription reporté sur le prix.
Radiation subordonnée au consentement du créancier ou à un ordre de justice.

(Rép. Min. Justice, 5 septembre 1970)

Question. - M. Marquet expose à M. le Ministre de la Justice que, suivant commandement d'huissier en date du 4 septembre 1969, deux créanciers inscrits ont fait saisir sur leur débiteur une propriété. Suivant exploit du même huissier en date du 21 novembre 1969, sommation a été faite aux six autres créanciers inscrits de prendre communication du cahier des charges et de se trouver le 6 février 1970 à l'audience des saisies immobilières du Tribunal de Grande Instance pour assister à l'adjudication des immeubles saisis avec déclaration qu'il y serait procédé tant en leur absence qu'en leur présence. Suivant ordonnance du 2 mars 1970, le Président du Tribunal de Grande Instance a ordonné qu'il serait, par notaire commis à cet effet, procédé à la vente sur conversion de saisie par adjudication aux enchères publiques. Le cahier des charges a été dressé par l'avoué poursuivant et une expédition de ce cahier des charges délivrée par le Greffe du Tribunal de Grande Instance, déposé aux rangs des minutes du notaire commis le 7 mars 1970. Les placards annonçant la vente ont été apposés conformément à la loi et le contenu inséré dans le journal. Suivant exploit d'huissier du 7 mars 1970, signification a été faite aux six créanciers inscrits n'ayant pas demandé la saisie des jour, heure et lieu de l'adjudication. L'adjudication a été prononcée le 10 avril 1970 en l'étude du notaire commis et seuls trois créanciers sur huit seront totalement désintéressés. Il convient de considérer que, depuis les modifications de textes résultant du décret-loi du 17 juin 1938, la vente sur conversion de saisie emporte purge des hypothèques. Lorsque les sommations ont eu lieu avant la conversion, elles conservent leur effet et la purge s'opère alors, comme dans la saisie par un effet propre de l'adjudication. L'adjudication sur conversion de saisie comporte purge de toutes les hypothèques dans tous les cas. Aux termes de l'article 717 (2° alinéa) du Code de procédure civile, la publication du jugement de l'adjudication purge toutes les hypothèques, même celles qui ont été inscrites postérieurement à la délivrance des états d'inscription et les créanciers n'ont plus d'action que sur le prix. L'aliénation transforme immédiatement le droit réel des créanciers en un droit personnel sur le prix et l'immeuble se trouve affranchi définitivement de toutes charges hypothécaires. En conséquence, il lui demande, en fonction des faits et actes énoncés ci-dessus, si le Conservateur des Hypothèques doit radier les inscriptions grevant l'immeuble, sans actes de mainlevée ou de jugement, sur la simple publication du procès-verbal d'adjudication sur conversion de saisie et de la quittance du prix d'adjudication et, dans le cas contraire, pour quelles raisons.

Réponse. - Aux termes de l'article 716 du Code de procédure civile, l'adjudicataire d'un immeuble vendu sur saisie est tenu de faire publier au Bureau des Hypothèques son titre dans les deux mois de sa date. En outre, l'article 717 du même Code dispose que la publication du titre entraîne d'elle-même la purge des hypothèques. La vente sur conversion de saisie immobilière produisant les mêmes effets que la vente sur saisie lorsque la conversion est intervenue après les sommations prévues par l'article 689, il n'y a pas lieu de distinguer, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, pour l'application des articles 716 et 717, suivant que le titre dont il s'agit est constitué par un jugement d'adjudication ou un procès-verbal d'adjudication établi par le notaire commis par décision de justice pour procéder à la vente. Il convient d'ailleurs d'observer que le jugement d'adjudication n'a, pas plus que le procès-verbal établi par le notaire, le caractère d'une décision juridictionnelle tranchant une contestation. Il est par sa nature un acte authentique constatant l'adjudication et le transfert de propriété. Dans ces conditions, il semble que la radiation des hypothèques, après vente sur conversion de saisie, obéisse aux mêmes règles que celles de la radiation après vente sur adjudication à la barre du tribunal (J.O. 5 septembre 1970. Déb. Ass. Nat., p. 3903).

Observations. - La question posée était celle de savoir si, lorsqu'un immeuble a fait l'objet d'une adjudication sur saisie ou sur conversion de saisie, les inscriptions qui le grevaient et dont l'effet se trouve reporté sur le prix doivent être radiées d'office par le Conservateur lors de la publication du jugement ou du procès-verbal d'adjudication sans qu'il soit besoin à cet effet d'une mainlevée amiable ou d'un ordre de justice.

La réponse est incontestablement négative.

Il faut distinguer, en effet, entre le droit hypothécaire lui-même et son inscription qui en est le signe apparent. Il est unanimement admis, en doctrine comme en jurisprudence, que, quelque soit le sort du droit hypothécaire, l'inscription ne peut être radiée que conformément aux prescriptions de l'art. 2157 du Code Civil, c'est-à-dire du consentement du créancier constaté dans un acte authentique ou en vertu d'une décision de justice passée en force de chose jugée (Jacquet et Vétillard, Introduction, n° 25. page 21 ; Chambaz et Masounabe-Puyanne, Précis, 2° éd. n° 976 ; v. égal. Rép. Min. Econ. et Fin. 4 octobre 1966, Bull. A.M.C., art. 673, J.C.P. 1966-IV-4116; - Nancy, 26 décembre 1840, D.P. 1841-2-53, J.C. 2370 : Angers, 13 août 1873, D.P. 1875-2-14, J.C. 2798: Paris, 7 août 1895, R.H. 39, Journ. du Notariat n° 3822, Journ. de l'Enreg. n° 22628 ; Seine, 19 avril 1893, R.H. 1212 ; Seine, 14 février 1966, Bull. A.M.C., art. 695).

Le consentement du créancier ou un ordre de justice sont d'autant plus indispensables, dans le cas visé dans la question écrite, que la purge opérée par l'adjudication sur saisie ou conversion de saisie n'éteint pas le droit hypothécaire, mais en, reporte les effets sur le prix et que le maintien de l'inscription (et même son renouvellement : v. art. 2154-1, dern. al. du Code Civil) peut être nécessaire pour la distribution du prix entre les créanciers (cf. Trib. Civ. de Belfort du 8 février 1956, Bull. A.M.C., art. 302, J.C.P. 9530, infirmant un jugement sur requête du même tribunal du 29 juillet 1953 qui avait ordonné, hors la présence des créanciers, la radiation, des inscriptions grevant un immeuble vendu sur conversion de saisie ; Rappr., dans le cas des inscriptions grevant un immeuble ayant fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, Seine, 14 février 1966, Bull., art. 695). Il est d'ailleurs si vrai que la purge opérée par une vente sur expropriation forcée n'entraîne pas, à elle seule, la radiation des inscriptions grevant l'immeuble vendu Que les art. 751, 769 et 777 du Code de procédure civile réglementent la radiation judiciaire de ces inscriptions.

Annoter : C.M.L., 2 éd., n° 976 ; Jacquet et Vétillard, Introduction, n° 25, p. 21