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ARTICLE 838

RADIATIONS.
MENTIONS EN MARGE DES INSCRIPTIONS.

Créanciers solidaires. Inscription collective.
Mainlevée ou subrogation consentie par l'un des créanciers solidaires en tant que l'inscription conserve sa propre créance.
Concours des autres créanciers solidaires inutile.

Question. - Pour tourner les prescriptions de l'art. 6 du décret n° 67- 1252 du 22 décembre 1967, réglementant l'emploi des bordereaux collectifs d'inscriptions, des notaires insèrent, dans les actes de reconnaissances de dette consenties au profit de plusieurs créanciers, une stipulation de solidarité entre ces créanciers et, en vertu de ces reconnaissances de dette, requièrent, par un bordereau unique, une inscription collective au profit de tous les créanciers.

Dans cette hypothèse, un des créanciers peut-il, sans le concours des autres créanciers solidaires :

a) Donner mainlevée de l'inscription collective en ce qu'elle conserve sa propre créance ;

b) Subroger un tiers dans le bénéfice de cette inscription, en tant qu'elle conserve cette même créance.

Réponse. - La solidarité stipulée dans les conditions sus-indiquées, qui ne peut être que la solidarité active prévue par l'art. 1197 du Code Civil, a pour effet de conférer à chacun des créanciers solidaires le pouvoir d'agir pour ses co-créanciers. Elle a pour conséquence que chacun des créanciers peut recevoir valablement, non seulement le montant de sa propre créance, mais aussi celui des créances des autres créanciers solidaires et que, en donnant quittance, il peut consentir la mainlevée totale de l'inscription collective garantissant les créances ainsi éteintes.

A fortiori, chaque créancier peut recevoir seul un payement partiel et en particulier une somme égale au montant de sa propre créance et donner mainlevée de l'inscription en tant qu'elle conserve la somme ainsi reçue. Sans doute, dans ce cas, la question peut se poser de savoir si le créancier en cause a reçu ce payement pour lui seul ou si, comme le soutiennent certains auteurs (Baudry-Lacantinerie et Barde, t. II-1136 ; - Demolombe, t. XXVI, 156 et 158), la somme reçue doit être répartie entre tous les créanciers solidaires. Mais la difficulté n'intéresse que les relations des créanciers entre eux et ne met pas en cause le caractère libératoire de la quittance donné au débiteur et par suite la validité de la mainlevée qui en est la conséquence.

Par ailleurs, ce qui est vrai en cas de payement fait par le débiteur l'est également, par identité de motifs, lorsque le payement émane d'un tiers payant pour le débiteur. Spécialement, chacun des créanciers solidaires peut, lorsqu'il reçoit d'un tiers une somme égale au montant de sa propre créance, subroger le tiers dans le bénéfice de l'inscription à concurrence de la somme reçue, sans le concours des autres créanciers.

Le mandat que la stipulation de solidarité confère à chacun des créanciers solidaires ne s'étend pas aux actes de disposition. Il en résulte que la mainlevée totale de l'inscription nécessite le consentement de tous les créanciers solidaires lorsqu'elle n'est pas la conséquence du remboursement des créances garanties. Mais, si, en cas de mainlevée sans payement, chacun des créanciers solidaires ne peut agir au nom de ses co-créanciers, il peut en revanche s'engager personnellement et, par suite, donner mainlevée sans payement dans la mesure où l'inscription conserve sa propre créance (Jacquet et Vétillard, V° solidarité, n° 2 ; - Boulanger, t. I, n° 369 ; - Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1303).

Par identité de motifs, si chaque créancier solidaire n'a pas le pouvoir de céder la créance des autres créanciers, il peut, par contre céder sa propre créance sans le concours de ses co-créanciers et en conséquence subroger seul le concessionnaire dans le bénéfice de l'inscription en ce qu'elle garantit cette créance.

Il en résulte qu'un Conservateur peut mentionner la subrogation consentie par un des créanciers solidaires en tant que l'inscription collective conserve sa propre créance, sans avoir à se faire justifier que la cession a recueilli l'adhésion des autres créanciers.

Il en serait de même en cas de cession d'antériorité, qui n'est autre chose qu'une cession d'hypothèque limitée au rang que donne à celle-ci l'inscription, de même qu'en cas de prorogation de délai.

Annoter : C.M.L.. 2° éd., n° 907 et 1304 bis (à substituer au n° 1303, p. 348, col. 1).