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ARTICLE 847

RADIATIONS.

Mainlevée notariée. Créance privilégiée ou hypothécaire représentée par des billets ou effets négociables.
Perte de ces billets ou effets. Conséquences.

(Rép. Min. Justice, 6 novembre 1970)

Question. - M. Thorailler appelle l'attention de M. le Ministre de la Justice sur les difficultés rencontrées par les notaires désirant procéder à la régularisation des mainlevées d'inscription lorsque la créance avait donné lieu à la création de billets à ordre, et que ceux-ci ont été détruits ou égarés, après paiement par le débiteur. Il lui expose en effet que les clients débiteurs ne sont pas suffisamment informés de la nécessité de conserver les billets à ordre après paiement afin de pouvoir les présenter aux notaires rédacteurs d'actes nécessités par des opérations ultérieures. En conséquence, il lui demande s'il ne pourrait être envisagé de prévoir l'inscription d'une mention, portée en rouge, sur les documents en cause mention aux termes de laquelle les clients seraient prévenus d'avoir à conserver ceux-ci, indispensables à la réalisation d'actes futurs. Par ailleurs, il souhaiterait que la situation actuelle - qui aboutit à l'impossibilité pour les notaires d'obtenir la régularisation des mainlevées d'inscription par suite de la destruction, par le client débiteur, des billets à ordre dûment réglés - fasse l'objet d'une étude de la part de ses services, en vue d'un assouplissement de la réglementation : les billets à ordre détruits après paiement n'étant pas exigés pour la rédaction, par le notaire, d'actes à venir et une simple déclaration sur l'honneur pouvant par exemple être admise, dans l'attente de l'adoption des mesures suggérées plus haut. Il lui demande enfin s'il compte donner, dans les plus brefs délais, des instructions destinées à aplanir les difficultés signalées dont sont victimes à la fois les notaires, responsables des actes à eux confiés, ainsi que leurs clients qui ne peuvent procéder aux opérations envisagées et subissent, de ce fait, un préjudice certain.

Réponse. - 1) Aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit au notaire de revêtir les billets ou effets négociables, représentatifs de la créance privilégiée ou hypothécaire, d'une mention à l'encre rouge indiquant qu'ils doivent être conservés par le débiteur après paiement, en vue de l'accomplissement des formalités de mainlevée. En outre, lors de la création de ces billets ou effets négociables, il appartient au notaire, en raison du devoir de conseil qui lui incombe, d'appeler l'attention du débiteur sur ce point. - 2) Il semble difficile de prévoir un assouplissement de la réglementation en vigueur et d'admettre qu'une simple déclaration sur l'honneur pourrait suppléer à la présentation du billet ou de l'effet notamment dans le cas de perte, les mesures prévues étant dans ce cas inopérantes. Les dispositions de l'article 60-2 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 relatif à la publicité foncière se justifient, en effet, par le souci d'assurer la sécurité du crédit en sauvegardant les intérêts du créancier. Cependant, toutes les autres suggestions que pourrait faire l'honorable parlementaire pour trouver une solution aux difficultés qu'il signale feraient l'objet d'un examen attentif de la part du ministère de la Justice en liaison avec le ministère de l'Economie et des Finances. - 3) A cet égard, les dispositions de l'ordonnance n° 67-839 du 28 septembre 1967 qui a institué un régime de péremption abrégée et de plein droit des inscriptions de privilèges ou d'hypothèques sont de nature dans certains cas, à faire perdre aux formalités de mainlevées une part de leur intérêt. L'article 2154 nouveau du Code Civil prévoit, en effet, que l'inscription ne produit effet que jusqu'à la date fixée par le créancier et que si le principal de l'obligation garantie doit être acquitté à une ou plusieurs dates déterminées, l'inscription prise avant la dernière échéance ne peut, en tout état de cause, produire effet plus de deux ans après la date de cette échéance (J.O., 6 novembre 1970, Déb. Ass. Nat., p. 5238-5239).

Observations. - Lorsque l'acte constitutif d'une créance privilégiée ou hypothécaire constate la création de billets ou effets négociables représentatifs de cette créance, chaque billet ou effet doit être revêtu par le notaire d'une mention de référence au titre du privilège ou de l'hypothèque (décret du 14 octobre 1955, art. 60, § 1). Dans ce cas, le porteur ou l'endossataire des billets ou effets, auquel appartient le bénéfice de la garantie privilégiée ou hypothécaire, peut seul donner mainlevée de l'inscription de cette garantie (même article, § 2 ; Bull. A.M.C., art. 837).

Il en est de même lorsque la création des billets ou effets négociables a été, non pas constatée, mais seulement autorisée par le titre de la créance et que, par la suite, les billets ou effets ont été effectivement créés et revêtus par le notaire, à la requête des intéressés, de la mention prévue à l'alinéa qui précède (art. 60, précité, § 1, 3° al., et 32).

Dans les deux hypothèses susvisées, le créancier qui donne mainlevée doit justifier de sa qualité par la présentation au notaire des billets ou effets, laquelle est explicitement constatée dans l'acte de mainlevée. Cette présentation est le seul moyen pour le comparant d'établir qu'il est effectivement le bénéficiaire de l'inscription à radier. Par suite, lorsqu'elle est impossible, parce que les billets ou effets ont été perdus, la mainlevée l'est également.

Il en est autrement, par contre, dans le cas où la création des billets ou effets négociables étant non pas constatée, mais seulement autorisée par l'acte constitutif de la créance, les intéressés n'ont pas fait revêtir par le notaire les billets ou effets ultérieurement créés de la mention de référence au titre du privilège ou de l'hypothèque.

Dans ce cas, le droit de consentir la mainlevée de l'inscription appartient sauf le cas de l'opposition du porteur ou de l'endossataire des billets au seul créancier originaire ou à son cessionnaire révélé par le bordereau (art. 60 précité, § 3). La perte des billets ou effets est dès lors sans conséquence à l'égard de cette mainlevée.

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 1206 A (feuilles vertes).