Retour

ARTICLE 871

SALAIRES.

Tarif. Acte constatant la réalisation d'une condition suspensive.

JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE BORDEAUX
CIRCONSCRIPTION DE PESSAC, DU 28 OCTOBRE 1970

Le Tribunal,

Attendu que suivant exploit de l'huissier de justice Marconi en date du 19 juin 1970, la S.C.I. " Résidence Les Trois Tours " expose que, le 1er octobre 1968, M° M..., notaire, a fait publier au deuxième bureau des hypothèques de B..., dont G... était alors le Conservateur, un projet de partage établi le 4 juillet 1968, stipulant qu'il serait publié en même temps que l'acte qui constaterait son approbation par les associés, puis l'acte par lui établi le 22 août 1968 contenant l'approbation de tous les associés et donnant pouvoir au liquidateur de dresser un procès-verbal constatant que le partage était devenu définitif ; que, sur la publicité de ces deux actes faite le même jour, le Conservateur a perçu au titre de son salaire sur le premier acte une somme de 2.656 francs ; que, par acte du 22 octobre 1968, le gérant de la société requérante, mandaté comme indiqué ci-dessus, a constaté que par suite de l'approbation dudit acte de partage par tous les associés le partage était devenu définitif ; qu'une expédition de cet acte a été publiée au même bureau des Hypothèques le 14 novembre 1968 et que sur cette publicité il a été perçu au titre de salaire de M. le Conservateur 2.668 francs, c'est-à-dire la même somme que celle perçue sur le projet de partage lui-même ; que cette seconde perception fait double emploi et que la société requérante est fondée à en demander le remboursement ; qu'elle a donc fait citer G... pour obtenir sa condamnation à lui rembourser ladite somme perçue indûment ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande, la S.C.I. prétend que le dernier acte publié le 14 novembre 1968 n'est qu'un acte complémentaire et ne saurait donner lieu à ce titre à perception d'un salaire dégressif ;

Attendu que G... résiste à la demande et rappelle la clause insérée dans l'acte du 20 août 1968 libellée comme suit : " Au moyen des présentes le partage dont s'agit demeurera définitif, avec ses attributions et prises en charge du passif, dès qu'il pourra être justifié :

" soit de son approbation amiable par tous les comparants ou leurs mandataires ;

" soit, vis-à-vis de ceux n'ayant pas comparu ni personne pour eux, de l'accomplissement de la procédure de défaut ou d'homologation prévue par article 7 du décret n° 55-563 du 20 mai 1955

" Etant entendu que les attributions dont l'approbation est soumise aux associés, ne seront rendues définitives que par cette approbation amiable ou l'accomplissement de cette procédure.

" Les comparants donnent mandat au liquidateur à l'effet de dresser, en suite des présentes, un procès-verbal qui constatera, après l'expiration du délai prévu par la loi et si personne n'a engagé une procédure en rectification du projet de partage, que ce dernier est devenu définitif avec, comme conséquence, l'annulation des parts. "

Qu'il expose que, si un acte constate la réalisation d'une condition suspensive, sa publication ajoute à l'information des usagers un élément essentiel et à ce titre ne peut être considéré comme un simple acte de complément, que cette publication donne dès lors ouverture au salaire dégressif ; qu'au surplus, en matière de transcriptions, le rôle du Conservateur est normalement passif en ce sens qu'il n'est pas juge de l'opportunité de la formalité ; qu'il n'a pas à vérifier si l'acte, régulier en la forme, n'est pas au fond entaché de fraude ou de nullité, qu'il n'a pas l'obligation de rechercher l'opportunité des extraits déposés ; que la responsabilité, s'il échet, retombe toute entière sur les parties qui ont fait rédiger l'extrait suivant leur volonté ou leurs besoins ; qu'en l'espèce le troisième acte du 22 octobre 1968, publié le 14 novembre 1968, ne peut être considéré comme un simple acte complémentaire ; qu'il se réfère au deuxième acte publié le 1er octobre 1968 qui contenait la condition suspensive de l'approbation amiable de tous les associés ou de l'accomplissement de la procédure prévue par l'article 7 du décret du 20 mai 1955 et que c'est précisément l'accomplissement de cette condition suspensive que constate l'acte numéro 3 du 22 octobre 1968 ; que, comme les actes contenant réalisation d'une condition suspensive, cet acte donne droit à perception du salaire dégressif ; qu'il conclut donc à l'irrecevabilité et en tout cas au mal fondé de la demande de la S.C.I. des Trois Tours et à son débouté.

Attendu qu'il ressort du projet de partage du 4 juillet 1968 et de l'acte d'approbation du 22 août 1968 que tous les associés ont comparu et qu'ils ont tous approuvé le projet de partage ; que dès lors la clause insérée dans l'acte du 22 août 1968 prête à équivoque car à sa lecture on peut légitimement penser que le partage est soumis à la condition suspensive d'approbation amiable ou de procédure judiciaire dont le procès-verbal de constatation, que le liquidateur reçoit mandat de rédiger, serait appelé à constater la réalisation ;

Attendu que ce procès-verbal était inutile, car tous les associés avaient approuvé et signé le partage devenu ainsi définitif et il suffisait de le constater dans le corps de l'acte du 22 août 1968 ;

Attendu aussi bien qu'il ressort des énonciations de l'acte du 22 octobre 1968 qu'aux termes de l'acte des 4, 8, 11, 18, 23 et 24 juillet, 1er et 22 août 1968 tous les porteurs de parts, soit par eux-mêmes, soit par mandataires, ont approuvé purement et simplement le projet de partage dans toutes ses dispositions ; qu'ainsi la constatation par le liquidateur dans cet acte du 22 octobre 1968 de l'approbation de l'acte de partage par tous les porteurs de parts ne constitue pas la constatation de la réalisation d'une condition suspensive ; qu'il devait en conséquence être; considéré comme un simple acte de complément ne donnant pas ouverture au salaire dégressif ;

Attendu en conséquence qu'il sied de déclarer la S.C.I. bien fondée en sa demande en remboursement, d'y faire droit et de condamner G... aux dépens ;

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, pour les causes sus-énoncées ;

Déclare la Société Civile Immobilière " Résidence Les Trois Tours " bien fondée en sa demande ;

En conséquence condamne M. G... à lui rembourser la somme de 2656 francs.

Condamne ce dernier aux dépens de l'instance.

Observations. - Conformément à l'avis exprimé dans l'art. 315 du Bulletin, notre collègue avait perçu le salaire dégressif lors de la publication d'un acte constatant la réalisation d'une condition suspensive. C'est la restitution de ce salaire qui était poursuivie devant le tribunal.

Ce dernier, par le jugement rapporté ci-dessus, a fait droit à la demande.

Mais ce jugement ne condamne pas la règle de perception que nous défendons. Pour donner satisfaction à la société demanderesse, il a jugé que, dans la réalité des faits, l'acte en cause ne constatait pas la réalisation d'une condition suspensive, étant donné que l'événement auquel était liée cette condition était déjà survenu au moment où celle-ci a été stipulée. On se trouvait dès lors en présence d'un simple acte confirmatif non assujetti au salaire dégressif.

Ainsi motivée, la décision du tribunal laisse intact le principe de l'exigibilité du salaire dégressif sur les actes constatant la réalisation d'une condition suspensive.

On remarquera même qu'en opposant, dans l'avant-dernier alinéa de ses motifs, l'acte constatant la réalisation d'une condition suspensive au " simple acte de complément ne donnant pas ouverture au salaire dégressif ", elle la consacre implicitement.

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 1990.