ARTICLE 883 PUBLICATION D'ACTES Opposabilité aux tiers. Pacte de préférence. ARRET DE LA COUR DE CASSATION (3° CHAMBRE CIVILE) DU 4 MARS 1971 La Cour, Vu l'article 30-1, alinéa 3, du décret
du 4 janvier 1955, Attendu qu'il résulte de ce texte qu'une restriction
au droit de disposer, dès lors qu'elle a fait l'objet d'une mesure
de publicité, est opposable aux tiers ; que tel est le cas notamment
d'un pacte de préférence portant sur un immeuble ; Attendu que, des énonciations de l'arrêt
infirmatif attaqué, il résulte que la veuve Tessier a vendu,
par acte authentique du 9 août 1963, à la S.C.I. du Grand-Lambert,
partie d'une propriété lui appartenant ; qu'à cet
acte figurait un pacte de préférence au profit de la société
pour le cas où la venderesse se déciderait à vendre
le reste de son bien ; que l'acte de vente, y compris le pacte de préférence,
a été publié le 29 août 1963 ; que, sans respecter
les dispositions dudit pacte, veuve Tessier a vendu, par acte notarié
du 8 décembre 1966, le restant de son immeuble à Jalu et
demoiselle Ruault au prix de 25.000 francs ; que par assignation du 5
septembre 1967, publiée le 19 octobre 1967, la société
immobilière, se portant elle-même acquéreur aux conditions
prévues par le pacte de préférence, a demandé
contre veuve Tessier et ses acquéreurs la nullité de la
vente du 8 décembre 1966, ainsi que des dommages-intérêts
; Attendu que, pour déclarer opposable à
la société immobilière et valable la vente consentie
le 8 décembre 1966 par veuve Tessier à Jalu et demoiselle
Ruault au mépris du pacte de préférence, en retenant
que ces acquéreurs de bonne foi n'ont commis aucune faute, tout
en condamnant veuve Tessier à payer à la S.C.I. du Grand-Lambert
la somme de 10.000 francs à titre de dommages-intérêts,
les juges du second degré relèvent " que de la seule
publicité du pacte de préférence, qui n'était
pas obligatoire, dont l'absence était dépourvue de toute
sanction et de conséquence et qui était faite simplement
pour l'information des usagers, ne résultait pas présomption
de collusion frauduleuse entre la venderesse et les acquéreurs,
mais seulement présomption de connaissance, dont la preuve contraire
était susceptible d'être rapportée " ; qu'en
statuant ainsi la Cour d'Appel a violé le texte susvisé
; PAR CES MOTIFS, CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties
par la Cour d'Appel de Rennes le 3 mars 1969. Observations. - Cet arrêt intéresse
les bénéficiaires d'un droit de préférence,
comme les conservateurs des hypothèques, par le revirement de jurisprudence
qu'il consacre. En effet, sous l'ancien régime de la publicité
foncière, la transcription des actes portant promesse unilatérale
de vente et surtout pacte de préférence, n'était
pas obligatoire, du fait que ces conventions ne conféraient aucun
droit réel, leur publicité n'y ajoutait aucun effet juridique,
bien qu'elle motivât la perception du droit de transcription (de
France n° 200 ; Précis Chambaz, Masounabe, 1er éd. n°
771 et 1945 bis) ce qui soulevait parfois des contestations (Cass. Civ,
18 juillet 1882. I.G. 2673-10). Malgré que le décret-loi du 4 janvier 1955
ait accordé à de plus nombreuses publications l'opposabilité
aux tiers, cet avantage n'était pas, dans l'opinion dominante,
reconnu à la publication de la promesse unilatérale de vente
(et à plus forte raison à celle d'un pacte de préférence),
tant pour le même motif qu'antérieurement qu'il ne s'agissait
pas de la publication d'un droit réel, que pour le motif, nouveau,
que cette publication n'était permise (et non pas imposée)
que pour l'information des usagers sans autre sanction Becqué J.C.P.F.
1226 n° 71 ; Planiol et Ripert, I.X. par Hamel, n° 178 ; Cass.
Civ. 16 juillet 1957, J.C.P. 57-IV. 136, Rennes 3 mars 1969; cassé
par l'arrêt rapporté), Comme l'indique M. le Conseiller-rapporteur Franck (note
sous Dalloz, 1971-353) le revirement s'explique par le fait que, pour
la première fois, la Cour de Cassation a décidé que
le litige devait être examiné, non pas seulement sous l'angle
de l'article 37 du décret du 4 janvier 1955, mais sous l'angle
plus large de l'article 28-2° du même décret, qui impose
la publication des " actes entre vifs dressés distinctement
pour constater (les clauses d'inaliénabilité temporaire)
et toutes autres restrictions au droit de disposer " et de l'article
30- 1, 3° al. qui dispose que " les ayants cause à titre
particulier du titulaire d'un droit visé au 1° de l'article
28 qui ont publié l'acte ou la décision judiciaire constatant
leur propre droit ne peuvent se voir opposer les actes entre vifs dressés
distinctement pour constater... toutes autres restrictions au droit de
disposer... lorsque les dits actes, ou décisions, ont été
publiés postérieurement à la publicité donnée
à leur propre droit " ; ce qui, à contrario, reconnaît
l'opposabilité aux tiers de la publication des actes portant restriction
au droit de propriété. Pour connaître quels sont ces actes M. le Conseiller
Franck indique qu'il faut se reporter à la loi du 1er juin 1924
qui régissait et régit toujours le droit local des départements
du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, car précisément
sur ce point le décret du 4 janvier 1955 réalise un rapprochement
entre le droit commun et le droit local. En effet, l'article 38 f de la dite loi impose l'inscription
au livre foncier des " restrictions au droit de disposer, insérées
dans un acte d'aliénation ou découlant de tous autres actes,
tels que promesse de vente " etc. Et cette énumération
n'est pas limitative (Cir. Min. ; Struss, Les lois locales, T.I. p. 99
; Colmar 30 sept. 1929 ; Rev. Jur. 1931, p. 23 ; Lotz, J.Cl. ann. v. Publicité
foncière, fasc. 10-1 n° 79). En conséquence cet article s'applique notamment
au pacte de préférence (Colmar précité ; Cass.
Civ. arrêt rapporté), à la convention d'indivision,
au droit de préemption, à la clause d'accroissement, à
l'interdiction d'aliéner, etc. Par ailleurs on admet, contrairement à la lettre
du texte, qu'il n'est pas nécessaire que la restriction au droit
de disposer soit insérée dans un acte relatif à une
convention à laquelle elle se rattacherait plus ou moins. Elle
peut fort bien être publiée lorsqu'elle fait l'objet d'un
acte distinct (acte notarié ou décision judiciaire et note
précitée de M. Franck) et du seul fait de cette publication
elle est opposable aux tiers à sa date conformément au droit
Commun. Annoter : C.M.L., 2° éd. et additions n°
682, 690, 695, 779. |