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ARTICLE 919

MENTIONS EN MARGE DES INSCRIPTIONS.

Subrogation. - Caractère facultatif de la mention.

Sous l'empire de l'ancienne publicité hypothécaire, les mentions en marge des inscriptions (en général création de la pratique) étaient considérées comme facultatives. La subrogation conventionnelle, notamment, était opposable aux tiers dès qu'elle était parfaite : que l'acte la constatant soit authentique ou sous seings privés ; qu'elle soit ou non mentionnée en marge de l'inscription prise par le créancier désintéressé et au cas de subrogations successives le conflit entre les subrogés se réglait d'après la date certaine de leurs titres.

Le nouvel article 2149, Code Civil, a légalisé cette pratique en édictant que « sont publiés par le Conservateur sous forme de mentions en marge des inscriptions existantes, les subrogations aux privilèges et hypothèques... », etc.

Prenant prétexte de l'obligation de mentionner, mise à la charge du Conservateur, et de ce que l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 déclare inopposable aux tiers certaines formalités omises, des auteurs en ont conclu que la mention en marge d'une inscription était nécessaire pour que la convention, sujette à mention, soit opposable aux tiers.

Il a même été jugé (Tribunal Grande Instance de Bordeaux, 13 février 1969 ; D. 72-334 et note Ghuestin, J.N. 49260 et note P.M., confirmé par la Cour de Bordeaux le 4 février 1970) qu'à défaut de mention en marge de l'inscription prise par le créancier désintéressé, la créancière subrogée ne justifiait pas du caractère hypothécaire de sa créance, que si la substitution de celle-ci au premier est parfaite dans leurs rapports réciproques, il n'en est ainsi, à l'égard des tiers, que dans la mesure où les substituants peuvent se réclamer de la publicité prescrite par l'art. 2149, Code Civil.

Mais par un arrêt du 15 février 1972 (D. P. 1972-433· et note de M. le Conseiller Frank), la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour de Bordeaux pour avoir violé les articles 673 et 674 C. Pr. Civ., 35 du décret du 4 janvier 1955 et 2149 C. Civ., attendu qu'il ressort de ces textes que la publication par le créancier subrogé dans une hypothèque, régulièrement publiée, du commandement à fin de saisie... est équivalente à la formalité de la mention en marge pour rendre les droits dudit créancier opposables aux tiers.

Et pourtant la même chambre civile, avec le même conseiller rapporteur, avait cassé le 5 novembre 1970 (D. 1971-86) un arrêt de la Cour de Paris du 26 septembre 1968, pour avoir omis de relever que le défaut de publication l'hypothèque du créancier désintéressé prévue par l'article 2149 C. Civ., constituait, de la part de la créancière, une faute qui a contribue à la réalisation de son préjudice en rendant irrécouvrable sa créance. Approuvant cet arrêt, M. le Conseiller Frank conclut : « Il apparaît ainsi, qu'en dehors des sanctions prévues par le décret du 4 janvier 1955, le défaut d'une formalité de publicité foncière est susceptible d'être constitutif de faute. »

Quoiqu'il puisse sembler, à lecture hâtive il n'y a pas contradiction entre les deux arrêts. Car le terme de « faute » employé par le deuxième ne doit pas être pris en l'espèce dans son sens le plus courant de violation d'une obligation légale, réglementaire ou contractuelle, mais dans le sens plus limité d'abstention fautive parce qu'elle a été préjudiciable.

Or, l'article 2149, C. Civ., n'est comminatoire qu'à l'égard du Conservateur et nullement à l'égard des bénéficiaires possibles des mentions autorisées. Ceux-ci ne violent aucune obligation en ne requérant pas la mention, et leur abstention n'est fautive que si elle est dommageable. C'est donc, ainsi que l'indique la note de M. le Conseiller Frank (sous l'arrêt du 5 novembre 1970) par application des principes généraux de la responsabilité civile (et non par application de l'article 2149 civil) qu'il a été jugé à bon droit (comme il l'avait été sous l'ancien régime, Cass. req, 19 février 1895, J. Conserv. 4690) que le créancier subrogé par sa carence à mettre en oeuvre une mesure de publicité qui aurait sauvegardé ses droits à l'égard des tiers, a concouru à la réalisation, du dommage dont il se plaint.

De même c'est par application des mêmes principes que l'arrêt du 15 février 1972 a décidé, comme conclut M. Frank, que si la publication d'une subrogation par une mention en marge de l'inscription, prise par le créancier désintéressé, est en principe obligatoire, la forme n'en est pas substantielle de sorte qu'il peut y être suppléé par une formalité équivalente.

Mais il ressort des deux arrêts qu'il est de la plus haute importance de ne pas retarder et encore moins omettre la réquisition de la mention puisque cette négligence peut coûter au subrogé la perte de tout ou partie de sa créance.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 907 ; Jacquet et Vétillard, V° subrogation n° 5.