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ARTICLE 957

RADIATIONS.

Mainlevée judiciaire.
Radiation d'une inscription de privilège de vendeur prescrite par une ordonnance du Président du Tribunal.
Exécution impossible.

Question. - A la suite de difficultés survenues au sujet de la mainlevée d'une inscription de privilège de vendeur, le débiteur a assigné en référé le créancier devant le Président du Tribunal de Grande Instance. Ce magistrat, statuant sur le litige, a jugé que les conditions convenues entre les parties au sujet de la mainlevée se trouvaient remplies et, en conséquence, a ordonné la radiation de l'inscription.

Le Conservateur a refusé d'exécuter l'ordonnance en raison de l'incompétence du juge qui l'a rendue.

Ce refus est-il justifié ?

Réponse. - Réponse affirmative.

Lorsqu'il statue comme juge des référés, dans les conditions prévues aux art. 73 et suivants du décret n° 71-740 du 9 septembre 1971 (Bull. A.M.C., art. 874 ; anciens art. 806 et suiv. du Code de Procédure Civile), le Président du Tribunal ne peut rendre que des décisions provisoires. Il n'est pas habilité par suite à prescrire la radiation d'une inscription hypothécaire, étant donné qu'une telle mesure peut être irréversible, soit que l'immeuble soit sorti du patrimoine du débiteur en vertu d'un acte publié, soit que de nouvelles inscriptions aient été prises sur l'immeuble depuis la radiation (v. Bull. A.M.C., art. 434, Observ. § I ; art. 783, Observ. § I et art. 913).

Par ailleurs, les ordonnances de référé n'ont pas l'autorité de la chose jugée (décret précité du 9 septembre 1971, art. 76), de sorte que le Conservateur est tenu de s'assurer de la régularité de la décision avant de l'exécuter (Bull. A.M.C., art. 434, précité, Observ., § I).

La situation est différente lorsque le Président ordonne une radiation en exécution des art. 54 et 55 du Code de Procédure Civile concernant les inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire. Les ordonnances rendues en vertu de ces dispositions n'entrent pas dans le cadre des art. 73 et suiv. du décret du 9 septembre 1971 (C. d'Aix-en-Provence, 6 avril 1971 Bull. A.M.C., art. 935, J.C.P. 1972 - II - 17.173 ; Cass. civ. 17 juillet 1972, Bull. A.M.C., art. 944, J.C.P. 1973 - II - 17.311 bis) ; elles constituent de véritables décisions de justice revêtues de l'autorité de la chose jugée (Bull. A.M.C., art. 434 , Observ. § I et art. 594, Observ. ; rapp. : art. 328, Observ. § II) et comportent de ce fait une présomption de régularité qui interdit au Conservateur de rechercher si le juge qui les a rendues a statué dans les limites de sa compétence.

Il en est de même lorsque le Président du Tribunal statue en vertu soit de l'art. 19 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (Bull. A.M.C., art. 630, dernier alinéa), soit de l'art. 6 de la loi n° 69-992 du 6 novembre 1969, instituant des mesures de protection juridique en faveur des rapatriés (Bull. A.M.C., art. 784).

Dans le cas particulier visé dans la question où il s'agit d'une inscription de privilège de vendeur et ou le débiteur n'est pas un rapatrié, la radiation n'entre dans aucun des cas où le Président du Tribunal est habilité à l'ordonner. Elle ne peut dès lors être effectuée qu'en vertu d'une mainlevée amiable par acte authentique ou d'un jugement du Tribunal de Grande Instance passé en force de chose jugée.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 1361-·4° ; Jacquet et Vétillard, V° Radiation, n° 26 (pages 399 et 400), 37 (pages 411 et 412) et 43-1 (page 422).