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ARTICLE 985

MENTIONS EN MARGE DES SAISIES.

Jugement d'adjudication.
Mention à effectuer même si le jugement est publié plus de trois ans
après la publication du commandement.

ETATS HYPOTHECAIRES.

Saisies.
Publication du commandement émargée d'une mention de jugement d'adjudication.
A révéler dans les états sans rechercher si la mention est ou non inopérante.
ARRET DE LA COUR DE CASSATION (2° ch. civ.) DU 3 OCTOBRE 1973

La Cour,

Sur le premier moyen :

Vu l'article 694, alinéa 3, du Code de Procédure Civile ;

Attendu qu'aux termes de ce texte " ... le commandement publié cesse de produire effet si, dans les trois ans de sa publication, il n'est pas intervenu une adjudication mentionnée en marge de cette publication, conformément à l'article 716, paragraphe 2, ou un jugement prorogeant le délai de l'adjudication et mentionné comme il vient d'être dit " ; qu'il en résulte que les jugements de cette nature ne peuvent avoir les conséquences prévues par ce texte qu'à la date de la mention qu'il exige, que le prononcé du jugement d'adjudication n'emporte pas de plein droit prorogation du délai ;

Attendu que l'arrêt confirmatif attaqué a été rendu le 21 décembre 1971 par la Cour d'Appel de Caen, après cassation, par la deuxième Chambre civile, le 19 février 1970; d'un arrêt de la Cour d'Appel de Rennes du 11 juillet 1967 ; qu'il en résulte que sur une poursuite de saisie immobilière diligentée par René Conrieri contre Georges Nicolas, le commandement a été publié le 23 août 1963 ; que l'adjudication sur surenchère a été prononcée le 6 juillet 1966, au profit des époux Le Gal, mais que le jugement d'adjudication n'a été mentionné en marge de la publication du commandement que le 20 octobre 1966 ;

Attendu que l'arrêt a confirmé le jugement qui avait débouté la dame Nicolas, née Sonneville, d'une demande en nullité de l'adjudication et dit que le commandement n'aurait pas cessé de produire effet, en retenant que le jugement d'adjudication aurait été " interruptif de péremption ", que l'omission de publication du jugement, qui opère transfert de propriété, n'aurait pu entraîner la caducité de toute la procédure " alors que cette publication est opérée à une date rapprochée ", et que le jugement d'adjudication intervenu peu avant l'expiration des trois ans aurait porté " en lui-même autorisation de prorogation du délai " ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

Casse et annule l'arrêt rendu le 21 décembre 1971 entre les parties par la Cour d'Appel de Caen, et renvoie devant la Cour d'Appel de Rouen.

Observations. - En principe, aux termes du 3° alinéa de l'article 694 du Code de Procédure Civile, le commandement publié pour valoir saisie cesse de produire effet trois ans après sa publication ; celle-ci est alors considérée comme périmée et n'a plus à figurer dans les états hypothécaires (Précis Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1883 ; Jacquet, Traité des états n° 289 ; v. égal. Bull. A.M.C., art. 728).

Toutefois, selon le même texte, le commandement continue à produire effet après l'expiration du délai de trois ans lorsque, dans ce délai, a été mentionné en marge de sa publication soit l'adjudication des immeubles saisis, soit un jugement prorogeant le délai de l'adjudication.

Par l'arrêt rapporté ci-dessus, la Cour de Cassation a fait de l'article 694 du Code de Procédure Civile une stricte application (v. déjà, en ce sens : Cass. civ.. 28 octobre 1966, cité dans une note de M. Bulté au J.C.P. 1973 - Prat. 5693). Elle a jugé que, pour que le commandement ne cesse pas de produire effet trois ans après sa publication il ne suffisait pas que le jugement d'adjudication ait été prononcé avant l'expiration de ce délai, mais qu'il fallait aussi qu'il ait été mentionné en marge de la publication de ce commandement dans ce même délai.

Dans le cas d'espèce soumis à la Cour, le jugement d'adjudication était intervenu avant l'expiration du délai de trois ans susvisé, mais n'avait été publié, et par suite mentionné en marge de la publication du commandement, qu'après l'expiration de ce délai.

La Cour a jugé, contrairement à l'arrêt attaqué, que le jugement d'adjudication n'avait pas interrompu le cours du délai de trois ans et que, par suite, la mention de ce jugement, qui avait été effectuée alors que ce délai était expiré, était inopérante.

Cette décision est sans effet à l'égard de l'accomplissement des formalités hypothécaires.

D'une part, lorsqu'il est appelé à publier un jugement d'adjudication sur saisie, le Conservateur, qui n'est pas juge de l'utilité et de l'efficacité des formalités doit, comme le prescrit l'article 716, 2° alinéa, du Code de Procédure Civile, mentionner ce jugement en marge de la publication du commandement sans avoir à rechercher, le cas échéant, si, du fait que cette dernière publication remonte à plus de trois ans, elle a cessé de produire effet.

Par ailleurs, une fois émargée de la mention de l'adjudication, la publication du commandement remplit apparemment les conditions prévues à l'article 694, 3° alinéa, pour être considérée comme n'étant pas périmée et doit, par suite, être révélée dans les états, même lorsqu'elle remonte à plus de trois ans.

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 965 et 1833.

Voir AMC n° 1364, 1637.