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ARTICLE 1021

ETATS HYPOTHECAIRES
Renseignements sommaires.
Enonciations insuffisantes pour servir de base à la répartition du prix de vente d'un immeuble entre les créanciers inscrits.
Répartition opérée suivant les énonciations d'un état sommaire erroné.
Faute du syndic de faillite qui a procédé à la répartition.
Absence de responsabilité du Conservateur.

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LORIENT
DU 23 AVRIL 1975

Faits. - Le 17 janvier 1962, la Direction générale des Impôts a requis au bureau de Pontivy, contre M. Savary, une inscription de l'hypothèque légale établie par l'art. 1929 ter du Code général des Impôts, pour sûreté d'une somme de 112.074,67, montant d'un arriéré de taxes sur le chiffre d'affaires.

Ultérieurement, M. Savary a été placé sous le régime du règlement judiciaire par un jugement du Tribunal de Commerce de Lorient du 17 janvier 1964, puis déclaré en faillite par un autre jugement du même Tribunal du 3 juillet 1970.

Entre temps, la Direction générale avait pris, le 4 mai 1970, une inscription complémentaire pour une somme de 750132,21 francs.

L'existence de la créance du Trésor et des inscriptions prises pour sa garantie a été portée par le Receveur des Impôts à la connaissance de l'administrateur au règlement judiciaire, puis ultérieurement à celle, du syndic de la faillite.

Par la suite, l'inscription du 17 janvier 1962 a été renouvelée le 21 octobre 1971.

En l'état, il a été procédé, par le ministère d'un notaire commis, à la vente des immeubles dépendant de la faillite, qui a produit la somme de 132.873,33 francs. Cette somme a été remise au syndic, M. Laudren, qui l'a répartie entre les créanciers hypothécaires en désintéressant d'abord les créanciers venant en deuxième et troisième rang, le Trésor, titulaire de l'inscription de premier rang, ne recevant que le solde disponible, soit 20.585,99 francs.

La Direction générale a alors engagé contre le syndic une cession en responsabilité du fait qu'il lui serait revenu la somme de 112.297,74 francs, et non celle de 20.585,99 francs qu'elle a reçu, si le rang de son inscription avait été respecté.

Pour sa défense, le syndic a fait valoir que, dans l'état sommaire délivré au notaire lors de la publication de l'acte de vente, l'inscription du 17 janvier 1962 n'a pas été révélée et que, d'autre part, la mention de l'inscription du 21 octobre 1971 ne précisait pas que cette inscription avait été prise en renouvellement de celle du 17 janvier 1962.

Il a soutenu que, compte tenu des énonciations de cet état, la distribution du prix a été régulière et que la responsabilité du préjudice subi par le Trésor incombe au Conservateur qui a délivré l'état erroné.

En conséquence, ce dernier étant décédé, il a assigné ses héritiers en garantie.

Par un jugement du 23 avril 1975, le Tribunal de Grande Instance de Lorient a accueilli la demande de la Direction générale des Impôts et débouté le défendeur de l'appel en garantie qu'il avait formé contre les héritiers de notre collègue.

Sa décision est ainsi conçue :

" Sur la responsabilité de M' Laudren,

" Attendu que, sil est constant que sur l'état de renseignements sommaires urgents du 9 janvier 1973 ne figurent ni la mention de l'inscription de l'hypothèque légale du Trésor du 17 janvier 1962, ni celle de renouvellement de cette hypothèque intervenu le 21 octobre 1971, l'envoi par la Recette des Impôts de Lorient à M' Laudren, le 14 août 1970 (ce dont il a été accusé réception par le destinataire le 17 août 1970)j, du bordereau de créances fiscales sur lequel étaient portées les inscriptions d'hypothèque légale du Trésor des 17 janvier 1962 et 4 mai 1970, démontre que le syndic Laudren connaissait l'existence de l'hypothèque du Trésor inscrite le 17 janvier 1962 pour la somme de 134.869,69 francs (sic) ; que d'ailleurs, sur l'état des créanciers établi par le défendeur le 14 mai 1971, celui-ci a indiqué la Recette des Impôts de Lorient parmi les créanciers hypothécaires pour une somme de 225.865,14 francs compte tenu de l'hypothèque légale inscrite le 4 mai 197D pour 118 13 6, 13 francs (sic) ;

" Attendu que, s'il est exact que l'inscription de l'hypothèque légale du Trésor en date du 17 janvier 1962 était appelée à être atteinte par la péremption le 17 janvier 1972 et qu'à l'état sommaire d'urgence délivré le 9 janvier 1973 au notaire qui avait procédé à la vente des immeubles, il n'est pas fait mention que cette hypothèque avait été renouvelée le 21 octobre 1971, M' Laudren qui, mis au courant par l'Administration depuis le 14 août 1970 de l'hypothèque légale du Trésor inscrite le 17 janvier 1962 et le 4 mai 1970, avait fait figurer la Recette des Impôts de Lorient parmi les créanciers hypothécaires pour une somme de 225.865,14 francs dans l'état des créanciers de la faillite Savary établi le 14 mai 1971 et à qui le prononcé de la faillite le 3 juillet 1970 devait faire présumer le caractère, non pas originaire, mais de renouvellement de l'inscription de l'hypothèque légale du Trésor du 21 octobre 1971, ne pouvait, sans faire preuve pour le moins d'une certaine légèreté engageant sa responsabilité, effectuer la répartition en ne se fondant que sur un état sommaire d'urgence délivré sur réquisition du notaire chargé de la vente, sans s'être préoccupé au préalable de savoir par copie ou extrait d'inscription ce qu'était devenue l'hypothèque légale du 17 janvier 1962 et ce que signifiait celle du 21 octobre 1971 ;

" Attendu en effet que, pour les inscriptions d'hypothèque, aux termes de l'article 2 du décret du 8 juin 1966, l'état sommaire d'urgence qui ne fournit que les renseignements suivants : date, volume de l'inscription, désignation du titre de créance, montant initial en principal, ne pouvait servir à M' Laudren pour effectuer une répartition en pleine connaissance de cause, et en toute sécurité comme le permettait la réquisition de l'extrait prévu à l'article 42-1 du décret du 14 octobre 1955, constituant l'état ordinaire et donnant tous éléments d'information sur l'inscription d'hypothèque, ce qui aurait permis de connaître la situation exacte à la date de la réquisition de l'extrait de l'hypothèque légale du Trésor inscrite le 17 janvier 1962, renouvelée le 21 octobre 1971 et dont le syndic était tenu informé de l'existence depuis le 17 août 1970 ;

" Attendu que le syndic Laudren a ainsi procédé à la répartition des fonds provenant de la réalisation de l'actif de la faillite Savary en se fondant sur un état sommaire d'urgence qui, ne pouvant par les renseignements énumérés à l'article 2 du décret du 8 juin 1966 que fournir par son caractère incomplet une situation non certaine, n'était pas suffisant pour servir de base de façon sûre à la répartition ; mais le défendeur a aussi effectué cette répartition des fonds entre les créanciers hypothécaires avant d'avoir obtenu du Juge Commissaire, au mépris de la réglementation en vigueur, une ordonnance autorisant la répartition ; qu'en effet alors que, sur requête du syndic en date du 27 juin 1973 le Juge Commissaire, par ordonnance du 2 juillet 1973, a autorisé ce dernier à répartir la somme de 170.530,73 francs entre les créanciers super-privilégiés, privilégiés et hypothécaires, il résulte d'une lettre adressée par M David, notaire aux Sables-d'Olonne, à M' Laudren, que le 18 avril 1973, celui-ci vient d'envoyer à ce notaire une somme de 91.711,75 francs pour le remboursement de quatre créances, prêts hypothécaires (avec intérêts arrêtés au 1er avril 1973) dont l'inscription remontait au 29 novembre 1969 et au 23 décembre 1963, mais classés par le syndic au 1er et au 2° rang, étant fait observer que sur l'état sommaire d'urgence du 9 janvier 1973, qui aurait servi pour la répartition, il ne figure que deux inscriptions d'hypothèques au nom du notaire David, et d'autre part il est constant qu'à la suite de lettres des 12 juin 1973 et 25 juin 1973, adressées à M' Laudren par la Recette des Impôts de Lorient pour rappeler à celui-ci l'existence de l'hypothèque légale du Trésor inscrite le 17 janvier 1962, et renouvelée le 21 octobre 1971, étant donc appelée à primer les inscriptions postérieures au 17 janvier 1962, le syndic a effectué le 29 juin 1973 le versement de la somme de 20.585,99 francs à l'Administration Fiscale en raison de son hypothèque légale inscrite le 4 mai 1970 et venant au 3° rang ;

" Sur l'appel en garantie,

" Attendu que le défendeur pour se décharger sur les Consorts Corrèze de sa responsabilité envers le service des Impôts en alléguant qu'il a été induit en erreur par les omissions présentées par l'état sommaire d'urgence du 9 janvier 1973 ne peut à bon droit se retourner contre les consorts Corrèze pour le fait de la délivrance à M Ezvan dudit état sommaire qui aurait conduit le syndic à attribuer le 3° rang à l'hypothèque légale du Trésor inscrite le 4 mai 1970 et à ne pas tenir compte le celle inscrite le 17 janvier 1971, et figurant à cet état sommaire comme étant inscrite le 21 octobre 1971, mais sans indication de renouvellement de celle du 17 janvier 1962, parce que le syndic n'aurait pas dû recourir à ce document succinct, et par là même insuffisant et se contenter des seuls renseignements contenus en ce document pour effectuer sa répartition, qu'il s'ensuit que sa délivrance ne saurait être considérée comme devant être la cause du préjudice que le demandeur estime avoir subi en l'espèce, que dès lors l'appel en garantie formé par M' Laudren à l'encontre des consorts Corrèze n'est pas fondé ;

" Par ces motifs ;

" Dit que dans la répartition des fonds provenant de la réalisation des immeubles ayant appartenu à Savary, M' Laudren a méconnu le rang de l'inscription de l'hypothèque légale du Trésor inscrite sur lesdits immeubles le 17 janvier 1962, et renouvelée le 21 octobre 1971 ;

" Dit l'appel en garantie formé par M Laudren contre les consorts Corrèze non fondé, l'en déboute ;

" Condamne le défendeur pour les causes sus-énoncées à payer au demandeur à titre de dommages-intérêts la somme de 78.211,75 F, laquelle somme productive des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 1973 ;

" Condamne le défendeur en tous les dépens tant de l'instance principale que de l'instance en intervention et garantie...

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 1586.